Handball aux JO de Paris 2024 : Nikola Karabatic, l'adieu digne mais précoce d'une légende
"J'aurais aimé finir avec une médaille autour du cou, mais apparemment j'en ai gagné assez et je n'y ai plus droit." Encore capable d'un ultime contre-pied malgré la défaite, synonyme de fin de carrière, Nikola Karabatic ne semblait pas abattu malgré l'élimination de l'équipe de France du tournoi olympique en quarts de finale, face à l'Allemagne, mercredi 7 août. La légende du hand, considérée comme le meilleur joueur de l'histoire, a noirci la dernière page du roman de sa vie entamé il y a 24 ans. Plus que la défaite du jour, tous n'ont d'yeux que pour la saga Karabatic. "Il est un exemple pour plus qu'une génération, au moins deux ou trois", confiait, avant les Jeux, Nedim Remili, avec qui il a partagé ses dernières années en bleu. Après avoir tout gagné, l'aîné des Karabatic savoure la possibilité de démarrer une nouvelle vie, à 40 ans.
A la fin du quart de finale contre l'Allemagne, devant 27 000 spectateurs, il a reçu un bel hommage de la part du public, de ses coéquipiers et des joueurs allemands, alignés pour l'applaudir. Un hommage qu'il a souhaité partager avec Valentin Porte et Vincent Gérard, qui vivaient eux aussi leur dernier match en bleu. Avec eux, depuis quelques jours, il préférait rire du sablier, comme pour exorciser le moment. "On en rigolait, en se disant que c'était potentiellement le dernier entraînement, le dernier échauffement, même si j'étais persuadé qu'on allait passer, retrace-t-il, l'œil espiègle. Je suis triste, mais en même temps, je n'ai pas le droit de l'être, c'est moi qui vais réconforter mes coéquipiers, leur dire le plaisir que j'ai eu de jouer avec eux, donc ça va faire remonter des souvenirs positifs".
A l'heure de relire ses aventures, Nikola Karabatic devra réfréner un sentiment de nostalgie. En club, il a remporté trois Ligues des champions et 22 championnats nationaux, dont un dernier à Bercy en mai. La seule saison où il n'a remporté aucun titre, remonte à 2011-2012 à Montpellier dans la tourmente des paris truqués. Condamné définitivement en 2017 à de la prison avec sursis et 10 000 euros d'amende, il a toujours nié les faits.
Mais c'est hors des frontières, vêtu de son armure bleue que Nikola Karabatic a porté haut l'étendard du handball tricolore. L'Europe, le monde et l'Olympe ne lui auront pas résisté : triple champion olympique, quadruple champion du monde et quadruple champion d'Europe. Un palmarès collectif auquel s'ajoutent trois titres de meilleur handballeur de l'année (2007, 2014, 2016). Mais s'il fallait n'en choisir qu'un, quel serait le plus cher à ses yeux ? "J'ai de la chance que cette question soit difficile. Mais je dirais soit le premier titre olympique, soit le dernier à Tokyo, parce que c'était avec mon frère et que c'est une chance inouïe", répondait-il lors d'une conférence devant les salariés de France Télévisions en avril.
La référence au clan n'est pas anodine, tant la famille Karabatic est une dynastie de handball. Avec Luka bien sûr, son frère et capitaine des Bleus, mais aussi leur père Branko, ancien gardien de l'équipe de Yougoslavie. "J'ai choisi ce sport autant qu'il m'a choisi. Mon papa nous racontait les JO de Moscou. Il était à la fois mon père, mon prof de sport, mon mentor, mon agent, mon conseiller", décrit Nikola. Dès lors, "dépasser l'image du père" a été une source de motivation profonde pour l'homme aux 365 sélections et 1 303 buts en équipe de France. "Ma mère a retrouvé une interview à 14 ans où je disais déjà que je voulais être le meilleur du monde. Tout ce qui me permettait de progresser, la course, la muscu, je le prenais comme un jeu. A 24 ans, j'avais déjà tout gagné, mais je voulais aller encore plus loin", explique-t-il.
Héritier de Jackson Richardson
En bleu, il débute à l'âge de 18 ans, en 2002, aux côtés de son idole, Jackson Richardson, qui lui délivre la passe décisive sur son premier but. "J'étais impressionné la première fois qu'il est entré en jeu, se remémore le mentor. En 2005, quand j'ai arrêté, je lui ai passé le relais en lui disant de porter haut et fort le hand français. On peut dire qu'il a été à la hauteur".
Après avoir joué avec Richardson père, Nikola Karabatic a ensuite bataillé aux côtés du fils, Melvyn. "Quand on a préparé les JO d'Athènes, il était dans le bus sur les genoux de son père. J'ai vu débarquer des joueurs qui m'avaient peut-être en poster dans leur chambre", sourit-il. Un rôle de modèle qu'il a épousé sans sourciller en se parant d'une discipline stricte. "Tout ce sur quoi je peux jouer, l'alimentation ou le sommeil, j'y fais attention", dispense-t-il.
De quoi susciter l'admiration de tous ses coéquipiers et adversaires. "Niko je pourrais en parler des heures, confie Nedim Remili. Il a carrément révolutionné le sport, et aujourd'hui on aspire tous à jouer des deux côtés du terrain, à être fort, à courir, sauter haut, tirer fort, faire des duels, voir le jeu. Il a rendu les joueurs plus complets."
Au bout de ses rêves
Pour tourner la page de cette histoire dorée avec le handball, Nikola Karabatic s'est préparé depuis quelques mois, en prenant du plaisir sur chaque terrain où il passe, et où un hommage lui est régulièrement rendu. La flamme qui l'animait, la rage de vaincre, pouvait désormais s'éteindre. "Il y a quelques années, ça m'aurait fait peur, mais pas aujourd'hui, assure-t-il. J'ai atteint tous mes rêves et même plusieurs fois. Ça enlève un gros poids."
Ce quart de finale au goût d'inachevé, piètre excipit au regard de la légende, ne gâchera pas des adieux qu'il attendait. Après avoir vécu de rêves, une autre vie s'offre à lui. Moins romanesque certes, mais normale. "Ça fait plus de 20 ans que je fais ce sport. 24 ans que je n'ai pas skié, ou pratiqué certains sports, être présent aux anniversaires de mes amis, de mes enfants…" Simplement. Après avoir tout donné, il est temps pour lui de recevoir.
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