En manque de sponsors, des sportifs de haut niveau se tournent vers de nouvelles plateformes

Toujours à la recherche de financements pour pratiquer leur sport, des athlètes de haut niveau diversifient leurs sources de revenus en contournant le schéma classique du sponsoring qui les lie à une entreprise.
Article rédigé par Sasha Beckermann, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Sébastien Verdin, allongé, pendant un match de rugby-fauteuil entre la France et l'Australie aux Jeux de Tokyo le 26 août 2021. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Des sportifs de haut niveau sur OnlyFans ? Vous en rêviez ? Nick Kyrgios l’a fait pour vous. L’Australien s’est lancé début décembre dernier sur la plateforme, connue pour mettre en avant du contenu sexuel, en échange d’un abonnement payant. Rien à payer dans le cas du tennisman, ni de photo érotique, mais une nouvelle fan-expérience pour ses suiveurs qui auront accès à du contenu exclusif. C’est sur ce modèle qu’a été créée l’entreprise Obaine par deux Français (Paul Debarnot et Clément Pradier) en septembre 2023.  

"Le constat, on l’a fait début 2023 : 6 000 athlètes en France ne parviennent pas à financer leur carrière. Que ce soit des professionnels ou des sportifs de haut niveau. Ils réalisent de grandes performances, mais ne gagnent pas leur vie", détaille Paul Debarnot, l’un des deux fondateurs d’Obaine. Mathis Poulet (sport auto), Maëlie Abadie (tumbling), Alizée Paties (triathlon), Sébastien Verdin (rugby fauteuil)… Une quinzaine de sportives et sportifs a rejoint l’entreprise. En échange d’un abonnement mensuel de 5,99 euros, ou 59,99 euros par an, vous pourrez obtenir - avec le champion de votre choix - des places pour une compétition, des coulisses de leur préparation, ou un appel personnalisé avec lui. La promesse du site est de reverser 70% des revenus générés à l’athlète. De quoi lui permettre de plus se concentrer sur ses entraînements, sans se soucier de boucler les fins de mois. 

Contourner le sponsoring classique

Une autre forme de sponsoring - le micro-sponsoring - existe donc pour les athlètes qui courent régulièrement après les financements et les partenariats avec les entreprises. Le micro-sponsoring n’est pas nouveau, ce qui l’est ici, c’est le contrat entre le sportif et son donateur. C’est le fan qui décide et qui s’implique, dans un nouveau rapport de proximité. En échange d’une fan-expérience personnalisée. 

Ce phénomène s’observe également à travers les nombreuses cagnottes Leetchi, Ulule ou encore I Believe in You, de plus en plus nombreuses à l’approche des Jeux de Paris. La sprinteuse Wided Atatou, Dimitri Bascou, la lanceuse de javelot Jona Aigouy, le lanceur de poids Frédéric Dagée… Cette liste de sportives et sportifs qui cherchent des financements via des cagnottes participatives est non-exhaustive. L'escrimeur (sabre) Thomas Martine, a décidé d'opter pour l'appel au don via la plateforme HelloAsso

Ce système s’adresse et est avant tout utilisé par des sportifs et sportives qui sont peu, voire pas du tout, soutenus financièrement par leur fédération ou leur club. C’est le cas pour la grande majorité des sports dits "amateurs". "Je vois plus ça comme une solution en dépit, analyse Gary Tribou, professeur de marketing du sport à l’université de Strasbourg. C’est à défaut de contrats de sponsors qu’on utilise ces plateformes. Le calcul qui est fait, c’est que si on a 1 000 particuliers qui donnent une petite somme, ça peut être équivalent à une grosse opération de sponsoring. Économiquement, il peut y avoir un intérêt à le faire."  

Sébastien Verdin, membre de l’équipe de France de rugby-fauteuil, fait partie des sportifs qui ont rejoint Obaine. Il confie être confronté à une double difficulté liée à l’absence de médiatisation de son sport, et du parasport plus globalement : "Les sponsors veulent de la visibilité et un retour sur investissement, ça fait partie du jeu du sponsoring et du commerce d'image. C’est plus dur à donner dans le parasport par manque de visibilité, de médiatisation."

Un échange gagnant-gagnant ?

La plateforme compte une quinzaine d’athlètes de haut niveau - dont deux sont pressentis pour aller aux Jeux de Paris - et une dizaine d’autres devraient la rejoindre en février. "En trois mois d’existence, certains ont déjà récolté environ 500 euros", se félicite Paul Debarnot. Mais plus que récolter de l’argent, les athlètes "construisent une relation sur le long terme. Leurs fans vont pouvoir avoir une forte proximité avec eux, leur parler, trouver des conseils, leur parcours en détail, tout ce qui n’est pas montré par les médias dits mainstream, c’est vraiment les offs de la carrière", renchérit-il. 

"C’est un retour qui est original. Il y a un tas de façons de remercier le petit donateur : tirage au sort, goodies, etc. Là, je trouve ça intéressant parce qu’on est à 100% dans du service, il n’y a aucun retour sur objectif. Le donateur se sent appartenir à une communauté et s’approche un peu de l’intimité de l’athlète", analyse le professeur en marketing Gary Tribou. Pas de retour sur objectif d’un côté, et un sponsoring désintéressé de la part du supporter pour le sportif, c’est aussi ce qu’apprécie Sébastien Verdin : "Je sais que les gens qui me soutiennent veulent réellement m'aider pour mon profil et mon projet, sans arrière-pensée, et cela me donne envie d'échanger avec eux et partager ce que je peux vivre."

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