JO de Paris 2024 : quatre questions sur l'interdiction du voile pour les sportives françaises, dénoncée par un rapport d'Amnesty International

Amnesty International a publié un rapport sur l'interdiction du port du voile dans le sport français, et en particulier pendant les Jeux de Paris. Une interdiction qui bafoue "le droit international relatif aux droits humains", selon l'ONG.
Article rédigé par Claire Guédon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La basketteuse maldivienne Maryam Hussain, lors d'un match en Inde, le 22 octobre 2017. (JAGADEESH NV / EPA VIA AFP)

"On ne respire plus. Même le sport, on ne peut plus le faire." Tel est le nom d'un rapport de 32 pages publié le 16 juillet par Amnesty International, dans lequel l'ONG dénonce "les pratiques discriminatoires et les atteintes aux droits humains des femmes et des filles musulmanes en France qui portent un couvre-chef sportif". L'ONG s'attaque à l'interdiction du port du voile dans le sport français, et notamment pendant les Jeux olympiques de Paris. En septembre dernier, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, avait annoncé que "les représentants dans nos délégations et dans nos équipes de France ne porteront pas le voile". Franceinfo revient sur cette question mise en lumière par Amnesty International.

Que dénonce le rapport ?

Amnesty International pointe du doigt l'interdiction du port du voile durant les Jeux olympiques, qui représentent des valeurs "d'excellence, de respect et d'amitié". L'ONG rappelle d'ailleurs les termes utilisés dans la Charte olympique : "La pratique du sport est un droit de l’Homme. Chaque individu doit avoir la possibilité de pratiquer un sport sans discrimination d’aucune sorte, au regard des droits humains." 

Or, cette interdiction du port du voile par des athlètes françaises "bafoue le droit international relatif aux droits humains et relève de l’hypocrisie discriminatoire des autorités françaises", assure Amnesty InternationalL'ONG rappelle que les Nations unies avaient, elles aussi, dénoncé la décision assumée par la ministre des Sports. "Personne ne doit imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou pas", avait déclaré la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme.

Du côté des athlètes, Sounkamba Sylla, sélectionnée aux JO dans les relais 4x400 m, avait regretté de ne pas pouvoir participer à la cérémonie d'ouverture à cause de cette interdiction. Finalement, le CNOSF, "en concertation avec la Fédération française d’athlétisme, le ministère des Sports, Paris 2024 et Berluti", il lui a été proposé de porter une casquette, "ce qu'elle a accepté", a appris la direction des sports de Radio France, mercredi 26 juillet.

D'une manière générale, l'interdiction du port du voile dans le sport français a des conséquences pour "les femmes et les filles musulmanes portant un couvre-chef religieux qui essaient de pratiquer un sport dans leur vie", déplore l'ONG.

Quelle est la position du CIO ?

Du côté des organisateurs, rien n'interdit le port de signes religieux pendant les Jeux. Le Comité international olympique laisse les États qui envoient leurs délégations faire comme ils le souhaitent. Au sein du Village olympique, à Saint-Denis, où sont logés les athlètes, le port de signes religieux n'est d'ailleurs pas interdit, et des représentants religieux seront même présents pour accompagner les athlètes. 

Une position saluée par Amnesty International, qui déplore toutefois l'absence de prise de position du CIO, qui "n’a jamais contesté la position discriminatoire des autorités françaises", écrit l'ONG. Le Comité, quand il a été interpellé par Amnesty International, s'en est "simplement remis à la responsabilité des autorités françaises, indiquant que leur interdiction du couvre-chef religieux ne relevait pas de la responsabilité du mouvement olympique."

Quelle est la position de la France ?

En France, la loi n'interdit pas explicitement le port du voile lors des compétitions sportives. Il existe bien une "obligation de neutralité religieuse" dans les textes, mais elle ne s'applique qu'aux agents de la fonction publique. Or, les fédérations sportives sont des organismes privés. Face à ce vide juridique, chaque fédération sportive s'organise de son côté et en France, les positions varient.

Amnesty International cite par exemple la Fédération française de football, qui interdit "tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale". En novembre 2021, le collectif "les Hijabeuses" avait engagé une action en justice contre la FFF, devant le Conseil d'État. Ce dernier s'était alors prononcé "en faveur de la
FFF, estimant qu’il n’était pas nécessaire de modifier sa politique discriminatoire", dénonce Amnesty International.

L'ONG déplore d'ailleurs que, sur les 38 pays qu'elle a étudiés, la France est le seul pays d’Europe à interdire le port de couvre-chefs religieux dans le sport, notamment dans le football, le basketball et le volleyball féminins. "Aucun autre pays de la région, que ce soit au niveau des lois nationales ou des règlements de chaque sport, n’a inscrit dans ses règles une interdiction des couvre-chefs religieux, comme ceux portés par certaines femmes et filles sportives musulmanes", déplore Amnesty International. 

Qu'en est-il dans les autres pays ? 

Il n'existe aucune interdiction à proprement parler du port du voile dans des compétitions sportives à l'étranger. Certaines instances internationales ont même supprimé cette interdiction, rappelle Amnesty International, comme la FIFA en 2014, ou la Fédération internationale de basketball, qui a annulé une interdiction similaire à la suite d’une campagne menée par des joueuses portant le foulard en 2017.

L'ONG demande ainsi aux instances internationales, "conformément à leurs responsabilités [...] en matière de droits humains", de "prendre des mesures" afin d'inciter les fédérations françaises à supprimer les interdictions de port du voile.

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