Paris 2024 : Covid-19, infections sexuellement transmissibles, dengue... On vous explique pourquoi ces maladies sont surveillées par les autorités
Un événement planétaire et des chiffres qui donnent le tournis. Du vendredi 26 juillet au dimanche 11 août, puis du mercredi 28 août au dimanche 8 septembre, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris vont attirer plus de 15 millions de visiteurs, dont près de 2 millions d'étrangers, selon les projections de l'office du tourisme de la capitale (PDF). Sans compter les milliers d'athlètes, accompagnés de leur staff, et les quelque 20 000 journalistes étrangers qui seront aussi de la partie, selon l'estimation de Santé publique France (SPF).
Si ces mouvements de population s'annoncent positifs pour l'économie française, ils sont scrutés de près par les autorités sanitaires qui craignent une recrudescence de certaines maladies, comme le Covid-19 ou la coqueluche, en hausse partout en Europe. Ou encore les pathologies transmises par le moustique tigre, très présent en Ile-de-France, et les infections sexuellement transmissibles (IST). A titre d'exemple, la Cellule d'intervention biologique d'urgence (Cibu) de l'Institut Pasteur se prépare depuis des mois pour "diagnostiquer un éventail de virus et de bactéries beaucoup plus large que d'ordinaire", explique son dirigeant, Jean-Claude Manuguerra, à France 3 Paris-Ile-de-France.
Le Covid-19 de retour dans l'Hexagone
Pourquoi les autorités sanitaires développent-elles de tels dispositifs ? "A ce jour, il n'y a pas de motif d'inquiétude ni de signe d'alerte particulier", écrit dans un article Marie Bâville, sous-directrice de la veille et de la sécurité sanitaire à la direction générale de la santé et cheffe du centre de crise sanitaire à l'Inserm. Mais il faut "rester prudent" et "parer à toutes les éventualités car le brassage de milliers d'individus pourrait favoriser les transmissions". En commençant par le Covid-19, en augmentation depuis le début de l'été. Après des JO de Tokyo sous cloche en août 2021, les athlètes et organisateurs craignent que la maladie ne trouble une nouvelle fois la compétition, obligeant certains à déclarer forfait en cas de contamination. Plusieurs athlètes ont été contraints ces derniers mois à renoncer à des rencontres sportives, comme le critérium du Dauphiné, le Tour de France ou encore les championnats de France d'athlétisme. La fédération française de judo a aussi dû écourter un stage de préparation au Creps de Montpellier, moins de 20 jours avant le début des épreuves.
Le Sars-CoV-2 n'inquiète pas seulement les sportifs. Début juin, Santé publique France (SPF) a enregistré, sur une semaine, une hausse de 52% de passages aux urgences et de 51% des appels à SOS Médecins (1 507 actes du 3 au 10 juin) à cause du virus. "A moins de 50 jours des Jeux olympiques", l'infectiologue Benjamin Davido s'inquiétait ainsi sur franceinfo que la population ait "perdu le réflexe, lorsqu'on est malade, de se masquer, et tout simplement de se dépister pour éviter de contaminer des gens et créer des clusters".
Et même si SPF constate une stabilisation de la circulation du virus début juillet, avec un "impact sur le système de soins modéré", le grand nombre de visiteurs attendus pour les Jeux de Paris incite à la vigilance. "On est loin des pics de l'an dernier, mais avec les JO, les rassemblements pourraient engendrer un léger rebond de l'épidémie", prévient le journaliste et médecin Damien Mascret. "Le seul vrai risque serait l'émergence d'un nouveau variant pour lequel notre immunité serait naïve ou affaiblie. Mais pour l'instant, on reste dans des variants issus d'Omicron", poursuit-il. Toutefois, au 26 juin, seules 25,2% des personnes âgées de plus de 60 ans avaient reçu une dose de rappel de vaccin adaptée à ce variant du Covid-19, selon SPF.
La dengue, zika et le chikungunya suivis à la loupe
Outre les maladies respiratoires, les autorités sanitaires s'inquiètent également de voir proliférer les arboviroses, ces maladies comme la dengue, zika ou le chikungunya. Elles sont transmises de personne à personne via les piqûres de moustique tigre, présent sur l'intégralité de l'Hexagone. En outre, le premier cas autochtone de dengue, c'est-à-dire de personne ayant contracté le virus sans avoir voyagé au préalable dans une zone à risque, a été détecté dans l'Hérault le 8 juillet. "La personne malade a été prise en charge et son état de santé n'inspire pas d'inquiétude", a fait savoir l'ARS, précisant avoir déployé "des actions préventives" pour "éviter la propagation du virus localement".
Comment la situation va-t-elle évoluer avec l'arrivée de milliers de touristes en provenance de zones à risques ? Mi-avril, les autorités sanitaires ont alerté sur une situation "inédite" de cas importés dans l'Hexagone, liée à une flambée de dengue dans les Amériques et les Caraïbes, et appelé à une vigilance renforcée à l'horizon des Jeux olympiques, favorables au brassage de populations. Du 1er janvier au 30 avril, 2 166 cas importés de dengue ont été comptabilisés en France hexagonale, contre 128 cas en moyenne sur la même période les cinq années précédentes, selon des données publiées fin juin. Le record 2023 de cas importés (2 019) a ainsi été battu en quatre mois. "Je ne sais pas quelle sera la proportion de personnes atteintes d'arbovirose présentes pour les Jeux, mais leur temps de villégiature sera très court", ce qui limitera les risques de propagation très rapide de la maladie, rassure l'épidémiologiste Yves Buisson. Ces vigilances renforcées ont également un rôle de prévention pour les soignants et le grand public.
"Si on détecte rapidement les premiers cas, on se met en situation de réagir."
Yves Buisson, épidémiologisteà franceinfo
Cette réactivité permet ainsi de limiter la propagation du virus. D'une part, en informant les médecins des risques de rencontrer ces maladies peu habituelles en Ile-de-France, pour qu'ils puissent orienter correctement les patients et être attentifs aux signaux faibles, ces symptômes communs à de nombreuses maladies comme la fièvre, les éruptions cutanées, la nausée et les vomissements. D'autre part, en utilisant des répulsifs, en demandant aux personnes sur les lieux de l'infection de porter des manches longues et aux riverains, de vider les eaux stagnantes. Pour limiter le risque épidémique, des opérations de démoustication ont aussi été mises en place en Ile-de-France.
Sensibilisation et prévention
La prévention est également particulièrement nécessaire pour les infections sexuellement transmissibles (IST). "Il n'est pas exclu que dans ce contexte d'échanges, il y ait davantage de rapports sexuels improvisés et non protégés", prévient Dominique Costagliola, directrice de recherche émérite de l'Inserm, sur le site de l'institution. Même si ce risque reste "difficile à évaluer" par méconnaissance des profils des visiteurs, "il faudra se préparer à l'éventualité d'une augmentation des situations d'urgence pour des prescriptions de traitement post-exposition contre le VIH ou de dépistage d'infections sexuellement transmissibles", ajoute-t-elle.
Côté athlètes, plus de 200 000 préservatifs masculins, 20 000 féminins et 10 000 "digues bucales" seront distribués dans le village olympique, a annoncé le comité organisateur des Jeux (Cojop). "Une campagne de sensibilisation sera déployée au sein de la polyclinique des Jeux", promet le comité Paris 2024 auprès de Sidaction, qui ajoute que "des tests de dépistage, principalement du VIH, seront réalisés et [qu']une prise en charge pourra être initiée le cas échéant".
Côté spectateurs, Santé publique France a mis à disposition plusieurs affiches concernant la santé sexuelle, à destination des publics francophone et allophone. L'agence de santé publique a également rediffusé une campagne d'information sur la santé sexuelle, entre le 21 mai et le 9 juin, mais elle est uniquement rédigée en français et ne concerne pas spécifiquement la période des Jeux. Pour Damien Mascret, "il faudrait que les touristes et les athlètes soient informés des risques de maladies sexuellement transmissibles et sur les dispositifs gratuits dont ils peuvent profiter".
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