Reportage "Je ne savais même pas que le hockey sur gazon existait" : de leur balcon, ils sont aux premières loges pour regarder les JO de Paris

Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Rizky, un habitant de Colombes (Hauts-de-Seine), profite de la vue sur le terrain de hockey sur gazon, le 29 juillet, durant les JO de Paris 2024. (FRANCEINFO / BENOIT JOURDAIN)
Certains habitants des tours d'un quartier de Colombes profitent d'une vue dégagée sur le stade Yves-du-Manoir, qui accueille les matchs de hockey sur gazon.

Deux tours qui surplombent une enceinte olympique. Tout en haut des 14 étages des deux immeubles situés au 26 et 28 de l'avenue Audra à Colombes (Hauts-de-Seine), la vue sur le stade Yves-du-Manoir est imprenable. Ce stade mythique, qui avait déjà accueilli les Jeux de Paris un siècle plus tôt, est le théâtre des compétitions de hockey sur gazon pendant les JO 2024. Rizky, depuis son balcon situé au 10e étage, profite d'une vue plongeante sur ce gazon bleu et ce stade rénové pour les Jeux. En ce début d'après-midi du lundi 29 juillet, il regarde la rencontre masculine du groupe B entre l'Inde et l'Argentine. "Il faudrait avoir des jumelles pour voir mieux, sourit-il. J'en avais, mais je ne sais plus où elles sont."

Sa femme Halima et lui font partie des chanceux qui sont du bon côté de l'immeuble. Et assez haut pour apprécier les rencontres de ce sport méconnu, pourtant discipline olympique depuis les Jeux d'Amsterdam en 1928. Catherine et Mireille, qui s'apprêtent à faire le tour du pâté de maisons avec leurs chiens, elles, habitent au 2e étage. Elles ne peuvent profiter que des clameurs du public. A l'instar de Lidia qui "vit sur le côté" : "Je ne vois que la rue, je suis triste de ne pas voir le stade, mais je me satisfais de l'ambiance."

Les deux immeubles situés le plus à droite, au 26 et 28 de l'avenue Audra à Colombes (Hauts-de-Seine), bénéficient d'une vue imprenable sur le stade Yves-du-Manoir. (FRANCEINFO / BENOIT JOURDAIN)

De ces balcons situés à quelques dizaines de mètres à vol d'oiseau des tribunes, la ferveur des supporters est spectaculaire. Depuis les fenêtres de l'appartement de sa mère, à qui elle rend visite, Dalila savoure : "Tout le monde est de bonne humeur, la police aussi." Elle aurait préféré du rugby ou du foot dans l'enceinte, mais reconnaît que "cette liesse populaire fait du bien".

"Ça fait beaucoup de bruit, mais c'est celui des émotions, c'est festif, ça nous change des voitures brûlées qu'on a eues après la mort de Nahel."

Dalila, habitante de Colombes

à franceinfo

Comme d'autres quartiers franciliens, Colombes s'était embrasée après la mort de l'adolescent à Nanterre. Mais depuis le début des épreuves en bas des tours, rien à signaler. "Les gens de la cité ne viennent pas importuner les touristes, ça n'a jamais été une mauvaise cité, assure Kamel, un ancien du quartier. On ne veut pas en donner une mauvaise image."

"Un terrain vague a été camouflé"

Avec les Jeux, le stade, comme le quartier, s'est transformé. La route de l'avenue Audra, les trottoirs et les pistes cyclables ont été rénovés. Le toit et l'éclairage de l'enceinte également. La réhabilitation des façades des tours, en revanche, devra attendre septembre. Yasmina, habitante du 28, regrette qu'elle n'ait pas été faite avant les Jeux. "Devant le monde entier, c'est un peu la honte", regrette-t-elle en contemplant les murs défraîchis de l'immeuble, depuis son balcon du troisième étage.

Ben, qui vit au 26, n'est pas dupe. "C'est pour l'image de la France, mais c'est juste du maquillage très rapide, avec des travaux sur les routes et les trottoirs, comme par hasard... Un terrain vague a même été camouflé", détaille-t-il. Il s'attriste de ces millions d'euros dépensés "en très peu de temps", "quand on voit les uns dormir dans la rue et les galères financières des autres".

"Ces Jeux ne feront pas baisser nos loyers, je ne suis pas anti-sport, mais j'aurais préféré un olympisme social."

Ben, habitant de Colombes

à franceinfo

Ce fan de vélo profite peu de sa vue du 5e étage. "Je jette un coup d'œil par curiosité et pour l'ambiance", assure-t-il. Kamel, lui, vit deux étages en dessous et est un peu frustré de ne pas mieux voir. "A deux étages près, j'étais bien, plaisante-t-il. Mais je ne trouve pas ça très normal de profiter sans payer, si tu as envie de voir, tu payes un billet."

Kamel, qui vit au 3e étage d'une tour à Colombes (Hauts-de-Seine), vit un peu trop bas pour profiter pleinement du spectacle au stade Yves-du-Manoir. (FRANCEINFO / BENOIT JOURDAIN)

"Je suis plus branché foot et boxe"

Zayd et son cousin Mahoma, 14 et 13 ans, eux, ont vibré devant France-Pays-Bas, malgré la lourde défaite des Bleues (6-2) samedi. Ils vivent au 14e étage et savourent un panorama idéal. Les matchs rappellent au premier son stage de hockey sur gazon effectué il y a quelques années. Quatre étages plus bas, Rizky ne se gêne pas non plus. "Je reste ici cet été, donc ça m'occupe", déclare-t-il. Tout en restant prudent, les habitants ayant reçu un courrier de mise en garde. "On a reçu une lettre de la copropriété qui nous conseillait de ne pas trop s'entasser sur le balcon, qui pouvait supporter un poids maximum, afin d'éviter les risques d'effondrement", assure Rizky. Peu de fêtes des voisins donc, au sein des deux tours, mais Halima, sa femme, partage des vidéos via ses stories sur Facebook pour ses amis.

"Chaque fois que j'entends 'La Marseillaise', je viens voir."

Halima, habitante de Colombes

à franceinfo

Le couple commence à devenir expert des hymnes nationaux, à force d'en entendre, "même si je suis plus branché foot et boxe", précise Rizky, en montrant une photo du roi Pelé tapant le cuir sur cette même pelouse de Colombes lors du Mondial 1958.

De son troisième étage, Yasmina passe, elle aussi, une tête quand elle entend crier. "Mais les plus bruyants ce sont eux", explique-t-elle en pointant du doigt les gendarmes en bas : "Ils m'ont réveillé dimanche à 6 heures du matin lorsqu'ils se sont installés." Si elle regrette les contraintes liées à l'événement, avec notamment la fermeture de la sortie de l'A86 toute proche de chez elle, elle confesse surtout la découverte de ce sport. "Je connaissais le hockey sur glace, mais sur gazon, pas du tout, je ne savais même pas que ce sport existait, rougit-elle. Je n'irai pas en faire demain." Elle profitera quand même du spectacle, dans la matinée, puisque l'équipe de France masculine joue à 10 heures contre l'Espagne.

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