Jeux olympiques : pourquoi personne (ou presque) hormis Brisbane n’a voulu organiser les JO de 2032 ?
Sans suspense, les Jeux olympiques d'été de 2032 ont été attribués à la ville australienne. Il faut dire que ses adversaires avaient retiré leur candidature.
C'était couru d'avance. Le Comité international olympique (CIO) a choisi mercredi 21 juillet la ville de Brisbane, dans l'Etat du Queensland en Australie, pour organiser les Jeux olympiques d'été de 2032. Une sélection qui n'a pas posé beaucoup de difficultés, car la métropole australienne était seule en lice dans cette course aux JO, qui n'intéressent plus autant qu'avant. Décryptage.
Parce que les autres villes candidates préfèrent se placer pour 2036
Plusieurs villes avaient initialement montré un intérêt auprès des instances olympiques pour organiser la 35e édition des JO d'été. Parmi elles : Ahmedabad (Inde), Jakarta (Indonésie), Doha (Qatar), Madrid (Espagne) ou encore la région Rhin-Rhur (Allemagne). Si certains prétendants ont retiré leur dossier, d'autres ont choisi de ne pas aller au bout de la procédure et espèrent ainsi tirer parti d'un nouveau système de candidature du CIO, adopté en juin 2019.
Ce système permet en effet un "dialogue continu" avec les villes candidates déçues en vue des autres JO à venir. "Ce mode de désignation laisse de l'espoir à long terme, analyse Jean-Baptiste Guégan, auteur spécialisé en géopolitique du sport. Cela l'impression que tout le monde a sa chance d'organiser les Jeux, tant que l'on respecte le calendrier." Une tendance qui remonte à "l'arrangement concernant Paris et Los Angeles", souligne le spécialiste, en référence à la décision du CIO de répartir entre ces deux villes les JO d'été de 2024 (prévus à Paris) et ceux de 2028 (à Los Angeles), afin de contenter ces candidates de poids qui convoitaient au départ toutes les deux l'édition de 2024.
"Il y a une volonté du CIO de sécuriser des villes bien en avance, note Jean-Baptiste Guégan. L'objectif, c'est d'avoir une plus grande visibilité sur l'avenir, pour pouvoir bâtir le financement du sport mondial, mais aussi pour rassurer les sponsors et préserver son monopole d'organisation des fêtes olympiques, qui sont des produits à vendre." A l'annonce de la sélection de Brisbane, peu de voix se sont d'ailleurs élevées pour critiquer ce choix. "En vue de 2036, personne n'a intérêt à se fâcher avec le CIO, analyse Jean-Baptiste Guégan. Chacun attend de jouer sa carte."
Parce que le coût des JO est de plus en plus critiqué
Si le CIO multiplie les discussions, c'est aussi pour raviver la flamme olympique chez des candidats de plus en plus réticents à mettre la main au portefeuille. "Depuis les Jeux de Montréal [organisés à l'été 1976], le budget annoncé est systématiquement dépassé", rappelle Jean-Baptiste Guégan, qui cite le cas "extrême" des Jeux de Tokyo de cet été, dont le coût devrait être "six fois supérieur à ce qui était prévu". En 2012, Londres a explosé son budget de 6,1 milliards d'euros, Rio de 23,5 milliards d'euros en 2016 et Pékin de 29,4 milliards en 2008. En 2004, les Jeux d’Athènes ont largement alourdi la dette extérieure grecque – de l'ordre de 2 à 3%, selon le CIO – et contribué à l’effondrement de l’économie.
"Pour Paris 2024, on sait pertinemment qu'il y aura un dépassement. Les budgets sont très difficilement tenables."
Jean-Baptiste Guéganà franceinfo
La facture parfois astronomique des JO crée de plus en plus de mécontentement au sein des populations, comme à Tokyo, où la crise sanitaire embrase une opinion publique déjà peu favorable à la tenue de ces Jeux. Infrastructures sportives, rénovations immobilières, routières, transports... Les Jeux olympiques ont beau "accélérer le développement" des villes hôtes, "les retombées économiques ne sont pas directes", note Jean-Baptiste Guégan. Alors que la crainte de la dette olympique, elle, est bien présente.
Parce que l'organisation des Jeux concerne un nombre restreint de puissances
Pourquoi des villes comme Brisbane continuent-elles alors à aller jusqu'au bout pour organiser ces Jeux d'été ? Pour Jean-Baptiste Guégan, la réponse tient en un mot : visibilité. "Quand vous êtes choisi pour organiser les Jeux olympiques, on parle de vous pendant dix ans minimum, rappelle le spécialiste. Et sur le ton du sport, ce qui est généralement positif." Accueillir des milliers d'athlètes et l'attention médiatique qui les accompagne revêt un "grand intérêt géopolitique", selon lui. Mais cela exclut de fait de nombreux pays, qui peinent à se positionner face à des grandes puissances installées ou émergentes. Avant l'obtention des Jeux d’hiver 2022 par Pékin (Chine), Oslo (Norvège), Stockholm (Suède), Lviv (Ukraine) et Cracovie (Pologne) avaient abandonné leur projet de candidature en route.
"On cherche d'abord à placer la ville sur une carte, et positionner l'Australie comme un acteur qui compte, détaille-t-il. C'est un pays très à droite, qui a une politique migratoire dure, des soucis avec les minorités aborigènes... Mais c'est aussi un pays qui a besoin de main-d'oeuvre étrangère qualifiée, et qui cherche donc à construire son stéréotype." Les grandes puissances mondiales sont donc loin d'avoir abandonné leurs projets olympiques. "Les Etats-Unis et la Russie continuent à candidater, rappelle Jean-Baptiste Guégan. La Chine a obtenu les Jeux d'hiver de 2022 et devrait bientôt revenir à la charge." La bataille pour l'obtention des Jeux de 2036 est peut-être déjà lancée.
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