Les trois contradictions de la conférence sur le climat de Doha
La 18e réunion des Nations unies sur le changement climatique qui s'est ouverte lundi au Qatar multiplie les paradoxes.
ENVIRONNEMENT – Le temps presse, à en croire les scientifiques : le réchauffement climatique est en marche. Les représentants de 195 pays se retrouvent, à partir de lundi 26 novembre à Doha (Qatar), pour tenter d'y remédier. La 18e conférence des Nations unies sur le climat doit durer jusqu'au 7 décembre avec, au programme, deux semaines de débats concernant l'état de la planète. Les nations doivent surtout s'entendre sur de nouvelles restrictions en matière d'émissions de gaz à effets de serre (GES) mais les observateurs sont pessimistes. Explications.
1Le Qatar, premier émetteur de CO2
Doha, mauvais choix pour un sommet sur le climat ? En tout cas, il ne manque pas d'ironie. Le Qatar, pays organisateur de cette 18e conférence, est aussi le premier émetteur de gaz carbonique (CO2) par habitant, signale Le Figaro. Comptez 44 tonnes par personne d'après les données des Nations unies recueillies en 2009. C'est huit fois plus qu'un Français ou qu'un Chinois (6 tonnes), près de trois fois plus qu'un Américain (17 tonnes) et vingt-deux fois plus qu'un Indien, note Le Monde.fr.
Le minuscule émirat de 1,8 million d'habitants est également le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL). Comme le rappelle The Telegraph (en anglais), le Qatar détient 15% des réserves de gaz de la planète et compte, à l'avenir, avoir recours au forage en pleine mer. Il ne ferme pas non plus la porte au gaz de schiste. Le Qatar n'est donc pas ce que l'on peut qualifier d'exemple à suivre en matière d'impact environnemental. Dans son rapport Planète Vivante 2012 (PDF en anglais, p.44), l'organisation de protection de l'environnement WWF l'a même désigné comme le pays ayant la plus forte empreinte écologique au monde. C'est pourtant là que plus de 190 pays vont devoir se mettre d'accord pour réduire leurs émissions et tenter de tempérer leur dépendance au pétrole et au gaz.
Le choix de ce pays-hôte pose donc question, notamment à Raul Estrada, diplomate argentin qui a présidé la conférence de Kyoto en 1997. Le Qatar "n'aurait pas été mon choix", a-t-il ainsi déclaré. "A Doha, où les gratte-ciel futuristes poussent comme des champignons, la sobriété énergétique n'est pas encore entrée dans les mœurs", analyse Le Figaro. Et cette situation pourrait bien perdurer. En tant que pays en voie de développement, le Qatar ne s'est pour le moment fixé aucun objectif en matière de réduction de ses émissions de GES.
2Une conférence très polluante
Selon un autre article de The Telegraph (en anglais), la conférence de Doha pourrait elle-même générer près de 25 000 tonnes de CO2, un calcul fait sur la base du transport et des quinze nuits d'hôtel prévues pour les participants. Près de 20 000 personnes sont attendues à cette conférence, et la majorité d'entre elles devraient avoir recours à l'avion pour se rendre dans l'émirat. Loin d'être écologique donc.
Mises à part ces dépenses énergétiques liées à la logistique, le Qatar a promis de faire en sorte que les émissions de carbone soient les plus faibles possibles le temps de la conférence. Pour cela, le centre international dernier cri que le pays a inauguré en décembre 2011 pourrait l'y aider.
Comme le montre cette vidéo, le Qatar National Convention Center, où se déroule le sommet, possède un toit composé de 3 500 m2 de panneaux solaires. Selon The Telegraph, ces derniers doivent permettre de produire 12,5% de l'énergie nécessaire pour alimenter le bâtiment. Enfin, le quotidien britannique indique que parmi les 400 bus qui assurent la navette des participants, certains vont rouler aux biocarburants.
3Un échec couru d'avance
L'enjeu de la conférence de Doha est double. Elle doit d'abord permettre de prolonger le protocole de Kyoto qui expire fin 2012. Ce dernier, signé en 1997, est le seul outil juridique contraignant qui engage les pays industrialisés - mis à part entre autres les Etats-Unis - à réduire leurs émissions de GES pour éviter une hausse des températures de plus de 2°C d'ici à 2100. Or, de nombreux pays, à l'instar de la Russie, de la Nouvelle-Zélande, de la Chine et du Japon, ont d'ores et déjà indiqué qu'ils refuseraient des réductions supplémentaires. Et les quelques volontaires (l'Union européenne et l'Australie) ne représentent que 15% des émissions de GES mondiales.
Passées ces difficultés, les quelque 195 nations devront ensuite négocier les termes d'un nouvel accord qui engagerait cette fois tous les pays, industrialisés ou non, dès 2020. Là encore, la partie est loin d'être gagnée. Selon Europe1.fr, "le Brésil, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud ont prévenu que Doha serait un échec si les pays riches ne s'engageaient pas à réduire davantage leurs propres émissions". Le casse-tête des négociations, illustré dans cette vidéo humoristique en anglais, ne fait donc que commencer.
Pour Bettina Laville, ancienne coordinatrice pour la France du sommet de Rio de 1992, interrogée sur le blog Eco(lo) du Monde.fr, la suite ne fait aucun doute : "Il n'y aura pas de décision, ni au Qatar, ni lors des rencontres suivantes." Selon elle, "les négociations climatiques vont très certainement se terminer en engagement volontaire (...). Au lieu d'être contraints par des objectifs décidés par tous, les Etats pourront donc choisir de réduire leurs émissions s'ils le souhaitent, dans les proportions qu'ils désirent et par rapport à l'année de référence de leur choix." Avec comme conséquence le risque d'un réchauffement climatique global dépassant le seuil fixé des 2°C.
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