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Canicule tardive : "Nous n'avons pas d'idée claire des conséquences" pour les fruits et la vigne, selon un spécialiste de l'agriculture et du climat

Ces cultures sont les plus vulnérables aux fortes chaleurs à cette saison, explique le chercheur Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri. Pour les exploitants, il n'y a pas de parade à court terme.
Article rédigé par Louis Boy - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
L'arrosage automatique d'un champ un jour de chaleur caniculaire à Die (Drôme), le 22 août 2023. (LAURE BOYER / HANS LUCAS / AFP)

La température ne redescend toujours pas, mercredi 23 août, alors que 19 départements sont désormais placés en vigilance rouge "canicule" par Météo-France et 37 autres en orange. Cette vague de chaleur est exceptionnelle car elle survient très tard dans l'été. Elle pose donc des questions inédites aux agriculteurs, peu épargnés par les phénomènes climatiques extrêmes ces dernières années, avec des conséquences différentes selon les étapes de la vie des plantes qu'ils produisent. Quels peuvent être les dégâts de cette canicule tardive ? Franceinfo a interrogé Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri, directeur d'une unité de recherche sur l'influence du climat sur l'agriculture au sein de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Franceinfo : Quelles sont les cultures menacées par la canicule qui frappe la moitié sud de la France ?

Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri : Actuellement, ce sont plutôt les cultures fruitières d'automne, comme les pommes, les poires, les prunes et la vigne, car elles sont à la fin de la mise en place de leur cycle de maturité. On ne s'attend pas à des conséquences graves pour des cultures comme le maïs ou le tournesol. La chaleur n'affectera pas d'autres espèces qui sont déjà à maturité. Les céréales, par exemple, sont déjà récoltées.

De quelle manière la chaleur peut-elle les atteindre ?

On peut imaginer qu'elles soient affectées par des sortes de coups de soleil. Son intensité est parfois tellement forte que les plantes en souffrent. Cela peut prendre la forme de brûlures sur une pomme, ou de dessèchement pour les raisins, par exemple. Combiné avec l'état hydrique des plantes dans ce contexte de sécheresse, on pourrait voir des assèchements très soudains et une perte des feuilles.

Sait-on anticiper l'ampleur des dégâts ?

Pour l'instant, nous n'avons pas eu de retours d'agriculteurs à ce sujet. Dans les prochains jours, on peut s'attendre à observer des effets localement, mais nous n'avons pas encore de quoi affirmer que ce sera massif. Il n'y a jamais eu de températures aussi élevées à cette période de l'année. Nous, les agronomes, nous découvrons aussi. Nous n'avons pas d'idée claire des conséquences. Ce qu'on va considérer comme une canicule, de notre point de vue d'humains, peut être supportable pour certaines plantes.

Ainsi, certaines plantes peuvent se mettre en arrêt physiologique pour se protéger de la chaleur. Mais si elles le font de façon trop prolongée, cela peut avoir des effets négatifs sur leurs feuilles ou leurs fruits, jusqu'à la perte de ce qui était en train de pousser. Les arroser davantage peut les maintenir dans un certain confort, mais au risque de leur donner l'impression qu'elles peuvent continuer à fonctionner normalement, les exposant davantage aux effets néfastes de la chaleur. Par le passé, sur la vigne, on a observé des comportements très différents selon les variétés. On essaie de le comprendre pour avoir de bonnes stratégies à proposer aux producteurs.

Que peuvent faire les agriculteurs pour protéger leurs exploitations ?

On ne peut pas récolter en avance aujourd'hui. Cela poserait un problème d'un point de vue qualitatif et on ne peut pas exposer les travailleurs saisonniers à de si fortes températures. La difficulté est que cela demande de l'anticipation, alors que nous avons de plus en plus de mal à échapper aux événements climatiques extrêmes, qui menacent toutes les filières : il y a trois ans, la canicule avait eu lieu début juin et, parfois, c'est le gel tardif qui fait des dégâts.

Au niveau de la recherche, on travaille sur la diversification des cultures, pour éviter de se trouver confronté à une perte totale de la production après un événement destructeur. Elle peut se faire au sein d'une même espèce, entre des variétés dont les cycles sont étalés à différents moments, ou en cultivant plusieurs espèces sur une même exploitation. Il y a aussi une réflexion sur l'agroforesterie [planter des arbres sur les parcelles cultivées] et la protection qu'elle pourrait apporter grâce à l'ombre. De nombreuses solutions sont en train d'être testées, par les chercheurs et par les producteurs.

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