La grande majorité des écoles, collèges et lycées sont-ils dans "un bon état thermique", comme l'assure Jean-Michel Blanquer ?
Selon le Conseil national d'évaluation du système scolaire, le personnel et les élèves de la quasi-totalité des établissements du second degré ont signalé des problèmes d'isolation thermique.
Des dizaines d'écoles fermées, les épreuves du brevet reportées, des élèves victimes de malaise... La canicule frappe durement les établissements scolaires depuis quelques jours. De quoi soulever de nombreuses interrogations, notamment sur la qualité du bâti scolaire pour faire face à ces épisodes de chaleur extrême. Mais le ministre de l'Education nationale se veut rassurant : "Vous avez dans la grande majorité des cas, des écoles, des collèges et des lycées qui sont dans un bon état thermique", a assuré Jean-Michel Blanquer, mardi 25 juin. Franceinfo a vérifié cette affirmation.
Alors, quelle est véritablement l'ampleur de la situation dans les écoles, collèges et lycées de France ? La réponse est loin d'être facile à connaître. Et pour cause, l'Education nationale n'est pas propriétaire du bâti scolaire, réparti entre les communes, les départements et les régions... "Le premier problème, c'est qu'en réalité, personne n'est capable de donner un vrai état des lieux, abonde Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et auteur d'un rapport interministériel sur "la rénovation du patrimoine scolaire" en 2017. Il faut un inventaire… même si cela peut faire peur !"
De nombreux problèmes d'isolation thermique
Des rapports permettent tout de même d'éclairer la situation. Et un chiffre a attiré notre attention : 92% des établissements du second degré ont été interpellés par leur personnel ou par leurs élèves sur des problèmes d'isolation thermique, selon l'Enquête sur la restauration et l'architecture scolaires du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), publiée en 2017. Ainsi, les problèmes liés à la construction et à la qualité des locaux semblent très largement répandus, selon cette étude.
Cette réalité inquiétante, remontée par les personnels travaillant dans les établissements ainsi que des élèves ou des parents, doit être nuancée par une autre donnée de la même enquête. "Sous l'impulsion de la décentralisation, le bâti s'est considérablement amélioré depuis trente ans. 72% des chefs d'établissements considèrent que le cadre de leur établissement est propice aux apprentissages et 5% seulement affirment qu'il est vétuste", est-il écrit, toujours en 2017.
"On ne partage pas du tout ce constat"
Pour en savoir plus, nous avons contacté plusieurs syndicats d'enseignants et fédérations de parents d'élèves qui recueillent de nombreuses remontées locales. Et l'affirmation de Jean-Michel Blanquer sur le "bon état thermique" d'une majorité d'établissements a fait bondir certains d'entre eux. "On ne partage pas du tout ce constat-là, s'emporte le co-président de la FCPE (Fédération des Conseils de parents d'élèves), Rodrigo Arenas Munoz, auprès de franceinfo. Nous, on voit la réalité du terrain. Et on voit des enfants qui ont cours dans des préfabriqués, avec de mauvaises conditions thermiques en été et en hiver."
J'aime beaucoup le côté optimiste de notre ministre mais la réalité est tout autre.
Francette Popineau, secrétaire générale du SNUIPP-FSUà franceinfo
Même son de cloche du côté du SNUIPP-FSU et du SNES-FSU, premiers syndicats des enseignants du primaire et du secondaire. "On peut trouver des bâtiments qui sont dans un état correct, mais il y en a beaucoup d'autres qui ne sont pas en bon état, explique le secrétaire national du SNES-FSU, Hervé Moreau. Clairement, on ne peut pas faire face à ces canicules."
La FCPE insiste ainsi sur le retard pris en France concernant ces épisodes caniculaires, qui sont amenés à se répéter de plus en plus souvent. "On met encore des grandes baies vitrées dans les écoles, on continue de faire des cours de récréation en bitume noir...", énumère Rodrigo Arenas Munoz. Ces cas de bâtiments scolaires inadaptés étaient déjà pointés du doigt par le rapport interministériel sur "la rénovation du patrimoine scolaire" qui évoquait, en 2017, "les écoles à structure métallique qui posent des problèmes thermiques et se trouvent dans un état de vieillissement avancé, en particulier dans le sud de la France".
Six syndicats écrivent au ministre
Le syndicat PEEP, lui, se veut moins alarmiste. "La situation n'est pas catastrophique non plus", explique son porte-parole, Hubert Salaün, avant de reconnaître de "grandes inégalités entre les établissements scolaires", dues "parfois à une absence de volonté des collectivités" et "parfois à des questions de moyens". Le ministre de l'Education nationale, lui, vante son bilan : "Nous n'avons pas attendu cet épisode pour [investir], avec la création d'une cellule 'bâti scolaire' au ministère de l'Education nationale pour venir en appui aux collectivités et les conseiller sur ces enjeux-là".
La situation semble être en tout cas suffisamment préoccupante pour que tous les syndicats d'enseignants signent, mercredi 26 juin, une lettre ouverte au ministre de l'Education nationale. "Il s'agit de tirer les leçons de l'expérience actuelle pour anticiper au mieux les incidences des évolutions climatiques tant sur les élèves que les personnels, mais aussi pour envisager les mesures à prendre pour les bâtiments", écrivent les organisations syndicales.
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