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Y a-t-il eu 10 000 morts liés à la canicule cet été, comme l'affirme un compte écologiste sur les réseaux sociaux ?

La surmortalité observée à l'été 2022 par rapport à 2019 n'est pas seulement liée aux différentes canicules. Au moins 5 000 décès sont par exemple dus au Covid-19.

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les urgences de l'hôpital d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), lors d'un pic de chaleur, le 29 juin 2019. (MAXPPP)

Avec trois épisodes de canicule extrême, l'été 2022 a été le deuxième plus chaud après celui de 2003. L'afflux de patients lié aux fortes chaleur a mis à l'épreuve des services hospitaliers, déjà fortement éprouvés par la pandémie de Covid-19. En 2003, la canicule qui avait frappé la France du 1er au 20 août avait fait environ 14 800 morts. Ce bilan dramatique s'est-il reproduit en 2022 ? Sur Twitter, le compte Bon Pote, adossé à un blog sur le réchauffement climatique et suivi par près de 70 000 utilisateurs, affirme que "les canicules de cet été ont fait plus de 10 000 morts en France". Franceinfo a cherché à savoir s'il disait vrai ou fake ?

Ce chiffre de "10 000 morts en France" pour l'été 2022 se base sur un calcul de surmortalité effectué par l'Insee, paru début septembre et actualisé fin octobre, qui a notamment été relayé par Le Monde dans un article. Mais peut-on utiliser ce chiffre comme une estimation du nombre de décès imputables aux récentes canicules ?

Corrélation n'est pas causalité

Selon la documentation de l'Insee, entre le 1er juin et le 31 août 2022 (période correspondant à la notion d'été météorologique), "155 603 décès ont été enregistrés en France". Soit 13 911 décès supplémentaires, toutes causes confondues, par rapport à la même période en 2019. Bien que l'Institut de statistiques n'établisse pas de lien de causalité entre ces décès et les trois vagues de canicule, il note une corrélation entre les pics de décès et les épisodes caniculaires.

Un premier pic de décès, le 18 juin, coïncide avec la première canicule de l'été qui a duré du 15 au 22 juin. Le deuxième pic de décès, observé le 19 juillet, coïncide avec l'épisode caniculaire du 12 au 25 juillet, marqué par "des pics de recours aux soins d'urgence du 15 au 18 juillet", note l'Insee. Enfin, deux autres pics de décès, les 4 et 13 août, coïncident avec la troisième canicule de l'été qui "a débuté le 31 juillet pour se terminer vers la mi-août".

La mortalité lors de l'été 2022 a donc augmenté de près de 10% par rapport à l'été 2019, année de référence utilisée par l'Insee, car il s'agit de la dernière année avant la pandémie de Covid-19. Cependant, s'il existe une corrélation entre pics de décès et pics de mortalité, les données de l'Insee ne suffisent pas à affirmer que la canicule est responsable de l'intégralité de la surmortalité constatée cet été. D'après les données de Santé publique France, un pic de décès lié au Covid-19 a d'ailleurs été observé la semaine du 21 juillet, qui coïncide également avec un pic de chaleur.

Des causes du décès difficiles à établir

Entre le 1er juin et le 31 août, Santé publique France a recensé 5 760 décès liés au Covid-19. Il est donc possible de dire qu'environ 8 000 décès sur les 13 911 décès supplémentaires de l'été 2022 ne sont pas dus à la pandémie. Mais difficile d'affirmer que tous sont liés à la canicule. "Quand il y a plusieurs éléments perturbateurs, on est embêté", explique Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et chercheur associé à l'Institut national d'études démographiques (Ined). Selon lui, il est encore trop tôt pour connaître le bilan des décès dus aux canicules de l'été 2022.

"Pour démêler réellement les décès liés à la canicule, des décès liés au Covid-19, et des autres causes, il faut mener une analyse précise des bulletins de décès, ce qui va prendre plus de temps."

Jean-Marie Robine, chercheur à l'Inserm et à l'Ined

à franceinfo

Même avec les bulletins de décès, plusieurs problèmes se posent pour décompter les décès imputables à la canicule. "Le médecin n'indique presque jamais qu'une personne est morte de chaud, surtout s'il s'agit d'une personne âgée"explique le démographe. "Quand une personne âgée avec plusieurs pathologies décède, lors d'un épisode de chaleur par exemple, on ne sait pas si c'est la chaleur ou une de ses pathologies qui est responsable", poursuit-il.

Une nouvelle étude à l'automne

Dans son calcul de la surmortalité, l'Insee prend comme référence l'année 2019, car il s'agit de la dernière année de référence avant la pandémie de Covid-19. L'Insee a fait le choix de ne pas sélectionner une année plus ancienne, car "plus on s'éloigne, plus l'augmentation des décès est mécanique, du fait que la population vieillit", explique Sylvie Le Minez, responsable de l'unité des études démographiques et sociales à l'Insee. Si l'Insee avait sélectionné une autre base de référence, le résultat du calcul de surmortalité aurait été différent, à la hausse ou à la baisse.

De son côté, Santé publique France publie chaque année un bilan de l'été qui rend compte de la mortalité en excès imputable aux épisodes caniculaires, en utilisant une autre méthode. Le nombre de décès liés aux épisodes caniculaires est calculé en comparant les décès d'une année donnée à la mortalité observée sur une période de référence antérieure, en excluant les éléments perturbateurs. Pour l'été 2019, année marquée par deux épisodes de canicule, le bilan de Santé publique France rendait compte de 1 462 décès imputables aux caniculesLes résultats concernant l'été 2022 doivent être rendus publics cet automne.

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