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Climat : "Il faudrait que les émissions diminuent tout de suite", insiste le climatologue Jean Jouzel

Selon les experts du climat de l’ONU, les émissions de C02 n’ont pas baissé depuis 1990, bien au contraire, et la limite de réchauffement climatique, fixée à 1,5°C, devrait être atteinte d'ici 2035 soit beaucoup plus tôt que prévu.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Jouzel en août 2015. (JEAN PIERRE MULLER / AFP)

"Il faudrait que les émissions diminuent tout de suite" pour éviter d'atteindre les 2 degrés de réchauffement synonymes d'"aspects irréversibles", a souligné le climatologue, président de l’association Météo et climat et ancien vice-président du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) Jean Jouzel, lundi 9 août sur franceinfo. Le rapport du Giec publié le même jour "dit que chaque demi-degré compte", souligne-t-il. Jean Jouzel s'inquiète notamment du plan de relance français : sur 100 milliards d'euros, seuls "30 milliards peuvent être qualifiés de verts".

franceinfo : Le Giec prône une réduction immédiate des émissions de CO2 afin de limiter le réchauffement climatique sous la barre de 1,5 degré, on risquerait sinon de dépasser les 2 degrés de réchauffement d'ici 2030. Quel serait le risque ?

Ce que dit le rapport c'est que chaque demi-degré compte. Par exemple, il est clairement indiqué que les événements extrêmes, les précipitations violentes, les pluies torrentielles, mais aussi les sécheresses seraient plus importantes à 2 degrés qu'à 1,5 degré. Cela est analysé et confirmé. Le réchauffement climatique n'a été "que" de 1 degré depuis une centaine d'années, mais il s'est accompagné d'un dérèglement climatique que nous percevons de façon très claire à travers les événements extrêmes comme les vagues de chaleur et pluies torrentielles. Alors imaginez avec 4 degrés de plus, ce serait évidemment un autre monde.

"Par exemple, la fonte du Groenland est irréversible si nous dépassons 2 à 3 degrés"

Jean Jouzel

à franceinfo

Ce rapport évoque pour la première fois un point de rupture qui pourrait arriver plus tôt que prévu, avec un dérèglement total de la façon dont la planète évolue...

Oui, disons qu'il y a des aspects irréversibles. L'élévation du niveau de la mer est d'ailleurs analysée à l'échelle des deux prochains millénaires, on voit qu'on pourrait arriver en cas de réchauffement non-maîtrisé à des élévations jusqu'à une vingtaine de mètres, parce que l'Antarctique contribuerait aussi à l'élévation du niveau de la mer. Un autre point de bascule est la possibilité d'un changement de circulation océanique, ce ne sera probablement pas pour notre siècle, mais peut-être pour les siècles suivants, avec des modifications très importantes à l'échelle régionale. On évoque aussi les forêts comme point de rupture : une forêt qui subit des sécheresses pendant quelques années consécutives meurt et cette forêt ne repart pas. La meilleure façon d'éviter ces points de non-retour, c'est de maintenir le réchauffement moyen le plus proche possible du climat d'aujourd'hui.

L'Union européenne a réagi en estimant qu'il n'était pas trop tard pour inverser la tendance, tandis que la ministre de l'Ecologie française renvoie sur la COP 26 en Écosse en novembre. Est-ce qu'il n'est pas temps d'en finir avec ces colloques pour passer à l'action ?

Ils sont utiles, mais disons que l'ambition qui devrait afficher à Glasgow serait de multiplier par cinq l'engagement de l'accord de Paris. Ce ne sera pas le cas, c'est très clair. Bien sûr, l'ambition sera remontée, peut-être de 30, 40 ou 50%, mais on sera loin du compte. Le message du Giec, c'est qu'il faudrait que les émissions diminuent tout de suite. L'Agence internationale de l'énergie nous dit qu'elles vont continuer à augmenter au moins d'ici 2023. Et même en Europe, les solutions immédiates ce n'est pas une taxe carbone en 2026 ou 2028, il faudrait la mettre tout de suite en 2022.

"Nous sommes tous concernés, c'est notre vie de tous les jours".

Jean Jouzel

à franceinfo

Est-ce que vous craignez aussi l'effet des plans de relance post Covid-19 aussi, qui sont très ambitieux pour maintenir la croissance ? Est-ce que vous craignez aussi leurs conséquences sur le climat ?

Oui, c'est le cas du plan de relance en France. Le Haut conseil pour le climat était extrêmement critique. Effectivement, dans ce plan de relance de 100 milliards d'euros, il y a 30 milliards qu'on peut qualifier de verts, disons, qui ont une coloration de lutte contre le réchauffement climatique ou d'adaptation. Mais les 70 autres milliards sont dans la continuité et vont donc conduire les émissions à augmenter plutôt en France qu'à diminuer, en tout cas à diminuer moins rapidement qu'il ne le faudrait. On a affiché un objectif très ambitieux dans notre pays : une neutralité carbone à l'horizon 2050. Mais je ne crois pas que nous en prenons le chemin, c'est ça le problème. Essayons de combler le fossé entre cet objectif et la réalité de tous les jours. Mais il ne faut pas non plus accuser l'État ou notre gouvernement, il faut collectivement regarder dans la même direction.

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