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Climat : un courant océanique majeur de l'Atlantique menace de se détraquer, et c'est inquiétant

Souvent confondue avec le Gulf Stream, la circulation méridienne de retournement atlantique joue le rôle de thermostat mondial. Et, selon une nouvelle étude, ce dernier est sur le point de disjoncter. 

Article rédigé par franceinfo
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L'océan Atlantique sur la presqu'île de Quiberon (Morbihan), le 7 juillet 2021.  (ANTOINE MERLET / HANS LUCAS / AFP)

On l'appelle "circulation méridienne de retournement atlantique" (Amoc). Ce courant marin, qui joue un rôle de thermostat au niveau du climat mondial, est en train de se détraquer, s'alarme une nouvelle étude parue jeudi 5 août dans la revue Nature Climate Change*. Un chercheur du Potsdam Institute for Climate Impact Research, en Allemagne, rapporte avoir observé les premiers signes d'une déstabilisation de ce système qui fait la pluie et le beau temps sur la planète. 

"Je ne m'attendais pas à ce que des signes de déstabilisation soient déjà visibles, et je trouve cela effrayant", a réagi Niklas Boers, auteur de l'étude, cité par The Guardian*, pour qui cela pourrait présager d'un effondrement de l'Amoc. "Nous ne pouvons pas laisser cela arriver", prévient-il. Car si les scientifiques attribuent ces dérèglements au réchauffement climatique causé par l'activité humaine, l'écroulement de ce système viendrait encore accélérer la hausse des températures, plongeant notre planète dans un terrible et imprévisible cercle vicieux.

Qu'est-ce que l'Amoc et à quoi sert-elle ? 

La circulation méridienne de retournement atlantique décrit le fonctionnement complexe de la circulation de l'eau dans l'océan Atlantique. En fonction de sa salinité, de sa masse, de sa densité ou encore de sa température, l'eau se déplace en effet différemment dans ce vaste système, générant un flux jusqu'alors stable et constant. En transportant d'énormes quantités d'eau de la surface aux profondeurs – et inversement –, l'Amoc contribue à réguler le climat tel que nous le connaissons.

Mais depuis les années 1960, ce flux s'est considérablement affaibli, atteignant son niveau le plus faible depuis un millénaire, selon une étude scientifique parue dans la revue Nature Geoscience* (PDF) en mars dernier. 

En étudiant le comportement de l'Amoc au cours des 100 000 dernières années, les scientifiques ont constaté que cette dernière avait deux modes de fonctionnement, résume The Guardian : l'un, rapide et puissant, tel qu'observé au cours des récents millénaires, et un autre, lent et faible. Or, une dernière étude assure que la hausse des températures pourrait précipiter une bascule rapide d'un état à l'autre. "La perte de stabilité dynamique impliquerait que l'Amoc a atteint un seul critique, au-delà duquel une transition possiblement irréversible vers son mode de fonctionnement faible pourrait avoir lieu", a détaillé Niklas Boers à l'agence Reuters*. A ce stade, l'état des connaissances ne permet toutefois pas de savoir si ce basculement est imminent, ou s'il surviendrait dans plusieurs siècles. 

Quelles seraient les conséquences de son effondrement ? 

L'effondrement de l'Amoc constitue ce que les experts du climat appellent un "seuil de rupture" ("tipping point" en anglais), à savoir un moment où le climat basculerait soudainement et de manière irréversible dans un état complètement différent de celui que nous connaissons.

Les conséquences de cette bascule seraient en effet immenses sur le climat. Les températures deviendraient beaucoup plus fraîches dans l'hémisphère nord, avec une augmentation du nombre de tempêtes, tandis que le niveau de l'océan Atlantique connaîtrait une forte hausse. Les moussons en Afrique et en Amérique du Sud se déplaceraient, exposant encore davantage de populations à d'importantes sécheresses. Interrogé en mars par franceinfo sur le ralentissement de l'Amoc, Didier Swingedouw, chercheur au CNRS et spécialiste de la variabilité du climat, évoquait également "une perturbation des écosystèmes marins et une baisse de production de tous les produits de la mer". 

Il pointait enfin "une baisse de l'absorption du CO2, et donc une hausse de la concentration de ce gaz dans l'atmosphère, puis une accélération de la montée de la température sur Terre et une hausse de la température des océans". Soit une accélération du changement climatique. 

Quelle est l'origine de cette déstabilisation ? 

Parce qu'il absorbe et stocke la chaleur beaucoup plus efficacement que les terres et l'atmosphère, l'océan s'est considérablement réchauffé au cours des 50 dernières années en raison des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique, relève Météo France. Or, cela a "des conséquences sur les propriétés et la dynamique de l'océan, sur ses échanges avec l'atmosphère et sur les habitats des écosystèmes marins", note l'institut.

Outre cette hausse de la température des océans, l'arrivée massive d'eau douce – plus légère que l'eau salée – issue de la fonte des glaces, là aussi causée par le changement climatique, perturbe la circulation des flux marins. "Je ne m'attendais pas à ce que l'excès d'eau douce ajouté au cours du dernier siècle cause déjà un tel retournement de la circulation, a réagi Niklas Boers dans The Guardian. Il est urgent que nous revoyions nos modèles à la lumière de ces observations afin d'estimer dans quelle mesure l'Amoc est sur le point de franchir ce seuil."   

En attendant, les scientifiques préconisent de lutter contre le phénomène à la source, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Et ce, de manière drastique. 

* Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.

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