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Crise climatique : ils bloquent le périph, s'invitent sur le Tour de France ou à Roland-Garros... Qui sont les militants de Dernière Rénovation ?

Article rédigé par Mathilde Gracia
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les militants de Dernière Rénovation assis sur la chaussée au beau milieu du périphérique parisien, avant d'être délogés par les forces de l'ordre, le 9 juillet 2022. (MATHILDE GRACIA / FRANCEINFO)

L'association écologiste organise ces dernières semaines des actions de désobéissance civile spectaculaires pour sensibiliser le public face à l'urgence climatique. 

"Vous savez comment ça va se finir ? Vous connaissez la sanction ?", demande calmement le policier, accroupi au milieu de la chaussée. Derrière lui, des centaines d'automobilistes à l'arrêt s'impatientent. "La sanction climatique sera bien plus terrible", répond une militante assise sur le bitume en travers de la route, aux côtés de six autres personnes. Vêtus de gilets oranges, ils brandissent une grande banderole affichant le nom de leur association : Dernière Rénovation. 

Nouveau venu dans la lutte contre le réchauffement climatique, le collectif né en avril 2022 veut repousser les limites de la désobéissance civile et marquer les esprits. A l'occasion du premier week-end de départs en vacances d'été, samedi 9 juillet, les militants écologistes ont décidé de bloquer le périphérique parisien. "La symbolique de se poser sur le bitume est extrêmement forte", explique Paul. Cet ingénieur de 26 ans participe à sa première action. "On est démunis, on n'a que nos corps à donner", justifie-t-il. "Je ne veux pas avoir un jour à regretter de ne pas avoir tout fait pour stopper cette catastrophe climatique", renchérit Julien, 26 ans également. Quitte à s'engager dans des actions dangereuses.

Les militants de Dernière Rénovation brandissent leur banderole et bloquent le périphérique parisien, le 9 juillet 2022. (MATHILDE GRACIA / FRANCEINFO)

Vers 13 heures, les activistes s'introduisent illégalement sur la voie rapide où les voitures circulent à 70 km/h. Ils avancent en levant les bras pour signaler leur présence aux conducteurs et leur font signe de ralentir. Leur objectif : barrer la route avec leurs corps. Les voitures klaxonnent, s'arrêtent pour la plupart. Mais certaines forcent le passage. Les militants résistent en écartant les bras, collés contre le capot de certains véhicules. Les deux-roues se fraient un chemin.

"Bande de fascistes !"

En faisant irruption à pied sur le périphérique, ils veulent illustrer la fragilité des individus, du vivant face à la crise climatique et à l'effondrement de la biodiversité. Mais les automobilistes, eux, veulent simplement avancer. Les plus véhéments descendent de leur voiture pour régler leurs comptes avec les militants de Dernière Rénovation. Une femme surgit en trombe : "Vous croyez que vous êtes qui pour bloquer les gens comme ça ? Dégagez !" Elle arrache la banderole, donne un coup de pied puis une gifle à l'un d'entre eux, avant de faire tomber les lunettes de Nour, 65 ans, qui tentait de bloquer la voie de gauche.

Avant le blocage, la sexagénaire avait prévenu : "Dans une action comme celle-là, il n'y a pas de discussion possible avec les automobilistes. On essaie simplement d'apaiser les tensions." Sans succès. "Vous êtes complètement malades""Bande de fascistes", hurlent-ils, échaudés. Certains traînent les militants au sol pour dégager la route et ouvrir le passage aux voitures bloquées. Un homme brandit le poing : "Je vais te défoncer."

Quelques automobilistes font vrombir leur moteur une fois le barrage humain franchi. Tous semblent furieux. Les militants, eux, gardent les yeux au sol, se replacent au milieu de la route après avoir été délogés manu militari. "J'essaie d'y retourner dès que je peux", confirme Paul, qui encaisse les insultes et les bousculades. 

Enchaînée sur le Central de Roland-Garros

Après environ dix minutes de blocage, la police les déloge un par un, en les portant jusque sur le bas-côté. Aux poignets de Paul, des menottes en plastique. "Ça fait un peu mal", dit-il simplement. Malgré sa détermination, il est surpris : "On ne s'attendait pas à une telle violence des automobilistes. Les gens qui passent en force... Ils auraient pu nous écraser." Il est embarqué par la police pour près de 24 heures de garde à vue, avec ses six autres compagnons.

La police et les automobilistes tentent de dégager la route en délogeant les militants de Dernière Rénovation qui bloquent le périphérique parisien, le 9 juillet 2022.  (MATHILDE GRACIA / FRANCEINFO)

Pour les militants de Dernière Rénovation, la portée médiatique et les images spectaculaires d'une action importent plus que les risques judiciaires. Avec toujours cette même rhétorique : qu'y a-t-il de plus essentiel et de plus grave que la fin du monde ? C'est ainsi qu'Alizée, 23 ans, s'est volontairement enchaînée au filet du court central de Roland-Garros, le 3 juin dernier, interrompant une demi-finale hommes. Sur son tee-shirt, ces mots (inscrits en anglais) : "Il nous reste 1 028 jours pour agir". Une référence au délai avant lequel il faudrait, selon les experts du Giec, inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre pour conserver une planète vivable. Sa photo a fait le tour du monde et attiré de nombreux militants vers l'association.

Rebelote mardi 12 juillet lors d'un autre événement sportif majeur, avec une puissante caisse de résonance : le Tour de France. Neuf militants de Dernière Rénovation se sont assis en travers de la route lors de la 10e étape, bloquant le passage des coureurs et provoquant une suspension de la course pendant un petit quart d'heure

La rénovation énergétique comme priorité

Sur les plateaux télé, Sasha, autre figure du mouvement, s'est elle aussi fait remarquer en rappelant les pires scénarios du réchauffement climatique. "Est-ce que vous pensez que j'ai envie de vivre dans un monde où deux milliards de personnes vont devoir partir de chez eux dans 30 à 50 ans ? Ça va être le pire épisode de souffrance et d'injustice dans le monde." L'étudiante de 22 ans n'hésite pas non plus à prendre à partie une présentatrice de BFMTV, le 16 juin dernier : "Est-ce que vous pourrez regarder [vos enfants] dans les yeux dans vingt ans et leur dire : 'Désolée, je savais et je n'ai rien fait ?'" Les séquences ont fait le tour des réseaux sociaux et, là encore, séduit de nouvelles personnes. 

Au-delà des constats alarmistes et de ses actions spectaculaires, Dernière Rénovation a une revendication précise : "Que le gouvernement s'engage immédiatement à assurer la rénovation globale et performante du parc immobilier français d'ici 2040", avec un système de financement pour les ménages les plus modestes. Tant que la demande ne sera pas entendue, l'association, qui prône la "résistance civile" pour "obtenir une victoire politique sur la rénovation énergétique", promet de continuer les blocages. 

"Pourquoi personne ne réagit ?"

Ceux qui rejoignent ses rangs sont plutôt diplômés, urbains et jeunes. Mais les anciennes générations sont également représentées. Nour s'occupait de la médiation sur le périphérique le 9 juillet. Aujourd'hui retraitée, elle était chargée RSE (responsabilité sociale des entreprises) dans une PME avant de franchir le pas. "Quand j'avais 20 ans, je vivais dans un monde qui était beau, où il n'y avait pas de dette, pas de réchauffement climatique, pas de sixième extinction. Et je n'ai pas réussi à léguer ce monde à mes enfants. Je me sens responsable aujourd'hui." Son entourage oscille entre étonnement et admiration face à son engagement.

Florence, militante Dernière Rénovation, s'apprête à passer la barrière du périphérique parisien, le 9 juillet 2022 (MATHILDE GRACIA / FRANCEINFO)

De son côté, Florence, médecin de 57 ans, a eu un déclic : "J'ai pris conscience de faits climatiques que j'ignorais, notamment le côté déterminant des deux-trois prochaines années." Elle qui n'avait jamais pris part à des actions de désobéissance civile a participé à son troisième blocage de route sur le périph parisien. Des faits répétés qui lui valent une convocation au tribunal correctionnel en janvier prochain, pour entrave à la circulation (un délit passible de deux ans de prison et 4 500 euros d'amende). "Ça fait drôle de se dire que je vais être jugée alors qu'on est du bon côté de l'Histoire", lâche-t-elle. Ses six autres camarades seront, eux, convoqués pour un simple rappel à la loi.

Mais peu importe. Car pour tous ces militants, ces actions sont celles de la dernière chance. "On embête les gens parce qu'on n'a pas trouvé d'autre moyen. Tout ce qu'on a fait avant n'a servi à rien", renchérit Paul, l'ingénieur qui a lui aussi découvert la désobéissance civile avec Dernière Rénovation. Les marches, les manifestations et les actions créatives n'aboutissent à rien de concret à leurs yeux. "Pourquoi personne ne réagit alors qu'on sait ce qui va nous arriver ?", demande Sasha, qui a incarné le mouvement à la télévision. "Si demain, quelqu'un a un meilleur plan, avec lequel on n'est pas obligés de perturber les autres, on est preneurs. Mais aujourd'hui, c'est le seul truc qu'on a."

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