Loi Climat : au supermarché, à la maison, sur la route... Ce que pourrait changer le texte voté aujourd'hui à l'Assemblée
La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a salué "une loi qui va toucher la vie quotidienne de tous nos concitoyens". Franceinfo a passé en revue les changements apportés par ce projet de loi.
Les députés ont adopté la loi Climat et résilience, mardi 4 mai. Le texte sera ensuite examiné par le Sénat à partir du 14 juin en séance publique. Alors que les écologistes, à l'instar d'instances indépendantes comme le Haut Conseil pour le climat, ont souligné les insuffisances du projet de loi, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a de son côté salué "une loi qui va toucher la vie quotidienne de tous nos concitoyens". Quels changements prévoit exactement le projet de loi – qui n'en est pas encore à sa version finale – pour les consommateurs, les entreprises ou les collectivités ?
Sur la route
Les véhicules trop polluants ne pourront plus être commercialisés. Le texte promet, "d'ici le 1er janvier 2030, la fin de la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 123 g de dioxyde de carbone par kilomètre". Il s'intéresse également au parc de poids lourds en France, qui compte plus de 600 000 véhicules, tous diesel, et représente environ 24% des émissions de gaz à effet de serre de la circulation routière. Le projet de loi ambitionne aussi de mettre fin à la "commercialisation des poids lourds utilisant principalement des énergies fossiles", diesel ou essence classique, en 2040.
Le gazole routier ne bénéficiera plus d'une fiscalité avantageuse. Le texte programme également la suppression d'un avantage fiscal dont bénéficie le gazole routier sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), par paliers jusqu'en 2030. La trajectoire doit encore être précisée à l'issue de la présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022, précise le projet de loi.
L'écotaxe va peut-être faire son retour. Le mot est évité dans la loi, compte-tenu de son historique, mais il est présent en sous-texte. Des régions volontaires pourront ainsi expérimenter "des contributions spécifiques" des véhicules de transport routier de marchandises "dans le but de permettre une meilleure prise en compte des coûts liés à l'utilisation des infrastructures routières et des externalités négatives de ce mode de transport", peut-on lire dans l'article 32.
Certaines voitures ne pourront plus circuler dans des zones urbaines. La mesure est déjà appliquée dans plusieurs villes comme Paris, Grenoble et Lyon, rapporte 20 Minutes, et a déjà été annoncée dans sept autres. De nouvelles zones à faibles émissions vont être mises en place d'ici 2025 dans les métropoles de plus de 150 000 habitants. Des "restrictions de la circulation des véhicules" y seront appliquées petit à petit, expose l'article 27. Cela concernera "35 nouveaux territoires", précise la ministre Barbara Pompili dans un communiqué.
En avion
Des lignes intérieures vont être supprimées. C'est l'une des mesures emblématiques et très discutées du projet de loi. Le texte sonne la fin de certaines lignes aériennes intérieures, en cas d'alternatives en train de moins de 2h30. Sont concernées les liaisons entre Paris-Orly et Nantes, Lyon ou Bordeaux, mais une exception est faite pour les trajets en correspondance. Dans les faits, Air France s'était déjà engagé en mai 2020 à renoncer aux liaisons concernées. Le texte interdira toutefois aux concurrents de s'engouffrer dans la brèche. La Convention citoyenne pour le climat avait, elle, réclamé de renoncer aux vols intérieurs en cas d'alternatives de moins de 4 heures en train.
Les vols intérieurs seront compensés en carbone. Le projet de loi prévoit également une compensation carbone graduelle des vols intérieurs – décision déjà prise par Air France, écrit la firme sur son site. Il s'agira pour les exploitants de compenser "50% de leurs émissions" à partir de 2022, 70% en 2023 et la totalité en 2024. "Sont privilégiés les projets d'absorption du carbone qui sont situés sur le territoire français ou sur celui des autres Etats membres de l'Union européenne, notamment ceux concernant le renouvellement forestier, l'agroforesterie, l'agrosylvopastoralisme ainsi que les prairies et tout autre forme d'agriculture régénérative", décrit le texte. Une bonne solution ? Pas selon Maxime Combes, économiste et porte-parole de l'association Attac : "Vous créez une équivalence entre une émission immédiate et une éventuelle capture de carbone sur plusieurs années, et ce, alors que vous n'êtes pas sûr que ce soit une capture ad vitam æternam", dénonce-t-il auprès de franceinfo.
Les aéroports ne pourront plus être agrandis. Au sol, les projets d'agrandissement des installations aéroportuaires par expropriation sont désormais interdits s'ils ont "pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire", expose le projet de loi. "Concernant les neuf plus grands projets d'extension d'aéroports à l'étude sur le territoire métropolitain, aucun ne sera stoppé car ils ne sont pas concernés par le champ d'application du projet de loi", critique toutefois le Réseau action climat (PDF).
A la maison
Les "passoires thermiques" ne pourront plus être louées. La rénovation énergétique des logements est décisive dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le projet de loi marque ainsi la fin progressive de la mise en location des "passoires thermiques". Il sera d'abord interdit, lors du renouvellement d'un bail ou de la remise en location, d'augmenter le loyer des logements classés F et G en performance énergétique, un an après la promulgation de la loi. En 2025 pour la classe G et en 2028 pour la F, ils ne feront plus partie des "logements décents". Selon le gouvernement, 1,8 million de logements seront ainsi interdits à la location. Les députés ont ajouté l'interdiction pour les logements classés E en 2034. "Pensez-vous que quelqu'un qui croupit dans un logement insalubre va avoir pour réflexe d'aller saisir le juge ?" s'interroge toutefois le socialiste Guillaume Garot.
Vous pourrez être conseillés pour votre projet de rénovation. Le texte prévoit un accompagnement "gratuit et personnalisé" pour guider les ménages dans toutes les étapes de la rénovation. Les conseils, fournis par les guichets du Service public de la performance énergétique de l'habitat, "visent à aider les ménages à élaborer un projet de rénovation énergétique, à mobiliser les aides financières publiques ou privées ainsi qu'à les orienter vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation".
Dans les tribunaux
Le terme d'"écocide" fait son entrée dans le droit. Autre disposition de cette loi : la création d'un délit d'"écocide" en cas de pollution intentionnelle des eaux, de l'air et des sols. Un terme jugé insuffisant par une partie de l'opposition, qui souhaitait la création d'un "crime d'écocide". "Le tribunal peut également imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu naturel", précise le texte. D'autre part, les sanctions pénales ont été renforcées pour les atteintes à l'environnement comme l'orpaillage illégal, se félicite Barbara Pompili dans un communiqué.
A l'école
Des cours vont être consacrés au développement durable. Le Code de l'éducation comprendra, en cas de vote de l'Assemblée et du Sénat, une mention à "l'éducation à l'environnement et au développement durable, à laquelle concourent l'ensemble des disciplines". Cet enseignement supplémentaire, "dispensé tout au long de la formation scolaire", doit permettre aux élèves de maîtriser les enjeux du "changement climatique, [du] respect du vivant et [de] la préservation de la biodiversité terrestre et marine" et de les préparer "à l'exercice de leurs responsabilités de citoyen". La formation comportera également "une sensibilisation à l'impact environnemental des outils numériques ainsi qu'un volet relatif à la sobriété numérique". Par ailleurs, le comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement de chaque établissement aura "pour mission de favoriser et de promouvoir les démarches collectives dans le domaine de l'éducation l'environnement et au développement durable" dans l'école.
Un menu végétarien sera proposé à la cantine. Le sujet déchaîne les passions. Le projet de loi pérennise l'obligation de proposer au moins une fois par semaine un menu végétarien aux élèves dans les cantines. Cette règle avait été votée sous forme d'expérimentation en 2018 lors de la loi Egalim, l'Assemblée souhaite désormais généraliser la mesure.
Dans les commerces
Un "nutri-score" pour le carbone va faire son apparition. Vous observerez bientôt un étiquetage environnemental sur les produits. Un "score carbone" sera en effet mis en place en "priorité" dans le secteur de l'habillement, industrie particulièrement polluante, sous forme d'expérimentation en vue d'une obligation. Il vise à guider le comportement des consommateurs, comme peut le faire le "nutri-score" dans l'alimentaire. L'utilisation du "drapeau français bleu-blanc-rouge" dans l'étiquetage du textile sera quant à elle réservée aux produits fabriqués intégralement en France, à toutes les étapes de la confection. Ameublement, hôtellerie et produits électriques et électroniques feront également partie des filières pionnières. Des élus écologistes ont toutefois jugé la mesure insuffisante, considérant trop longue l'expérimentation, d'une durée maximale de 5 ans.
La vente en vrac va être développée. L'article 11 du texte fixe pour les commerces de plus de 400 m2 un objectif de 20% de la surface de vente consacrée d'ici 2030 à la vente en vrac, afin de réduire les emballages. Les décrets d'application tiendront compte des spécificités de certains commerces, comme les vins et spiritueux, cosmétiques ou parfums, difficiles à vendre "en vrac".
Il y aura moins de prospectus et d'échantillons distribués. Plusieurs mesures veulent limiter le nombre de publicités qui incitent à l'achat. La distribution d'échantillons sera ainsi interdite sauf demande expresse du consommateur, afin de lutter contre le gaspillage, "au plus tard le 1er juillet 2022". Dans les boîtes aux lettres, une expérimentation sur trois ans est également prévue pour réduire la distribution de prospectus.
Des aides seront proposées pour l'achat d'un vélo. Le projet de loi comprend un élargissement de la prime à la conversion "aux personnes souhaitant remplacer un vieux véhicule" polluant "par un vélo à assistance électrique", ainsi qu'un "bonus vélo" notamment pour "l'acquisition de vélos cargo plus onéreux, mais qui permettent des usages beaucoup plus variés", détaille le ministère de la Transition écologique.
Les fabricants seront obligés de proposer des pièces détachées. "Les fabricants ou les importateurs d'outils de bricolage et de jardinage motorisés, de bicyclettes, y compris à assistance électrique, et d'engins de déplacement personnel motorisés" devront assurer la disponibilité de pièces détachées pendant une période de cinq ans après la mise sur le marché d'un produit, énonce le texte de loi, qui souhaite favoriser la réparation.
Dans l'espace public
La publicité sera plus encadrée. Une série de dispositions vise à réguler l'impact environnemental de la publicité. Le projet de loi veut tout d'abord interdire la publicité pour "la commercialisation et la promotion" des énergies fossiles. Il prévoit également de renforcer la lutte contre le "greenwashing" en assimilant à une "pratique commerciale trompeuse" le fait d'attribuer à un produit des vertus environnementales fallacieuses. Il interdit en outre, dans une publicité, "le fait d'affirmer à tort qu'un produit ou un service est neutre en carbone" ou "dépourvu de conséquences négatives sur le climat". Et rend obligatoire l'affichage dans la publicité en faveur des voitures et de l'électroménager de la classe d'émissions de dioxyde de carbone (A à G) des produits. Sur la voie publique, même combat : le projet veut réguler les écrans lumineux en donnant plus de pouvoirs aux maires pour leur réglementation.
Les avions publicitaires seront interdits. Le petit avion à hélice traînant une banderole de supermarché au-dessus des plages appartiendra sans doute bientôt au passé. Le texte prévoit en effet l'interdiction de cette forme de publicité à l'horizon 2022.
Les toitures de certains bâtiments devront être végétalisées. Les députés devraient aussi voter une mesure pour élargir les obligations de végétalisation des toitures. Les immeubles de bureaux neufs de plus de 1 000 m2 auront désormais l'obligation de consacrer 30% de la surface de leur toiture à un système de végétalisation ou de production d'énergie renouvelable comme des panneaux solaires. Cette obligation existait déjà pour les entrepôts et les surfaces commerciales. Pour eux, le projet de loi climat abaisse la taille des surfaces concernées à 500 m2. Les parkings couverts sont également concernés.
L'artificialisation des sols sera limitée. Le projet de loi fixe également "un principe général d'interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols". Le but est de limiter leur empiètement sur des terrains non-bâtis, agricoles notamment, à la périphérie des centres urbains, avec des conséquences pour l'environnement et les paysages, mais aussi le déclin des commerces de proximité. Le texte énonce que, par dérogation, la commission départementale d'aménagement commercial pourra, "à titre exceptionnel", autoriser "un projet d'une surface de vente inférieure à 10 000 m2". Le projet devra dans ce cas s'insérer dans le tissu urbain existant, répondre à un "type d'urbanisation adéquat" ou répondre aux "besoins du territoire". Pour les projets d'une surface supérieure à 3 000 m2, la commission nationale d'aménagement commercial se devra aussi d'examiner les demandes. Dans ce même objectif, le texte veut réduire dans les dix ans de 50% la construction de parkings par rapport à la décennie précédente. Des ombrières devront être installées pour 50% des surfaces de parkings extérieurs existants, pour éviter les îlots de chaleur. Et l'ensemble des parkings devront être végétalisés d'ici à 2025.
Dans les collectivités
Une alternative végétarienne sera mise en place dans les cantines. L'article 59 propose aux collectivités volontaires l'expérimentation d'un choix végétarien quotidien dans les cantines, et plus seulement hebdomadaire. Par ailleurs dès 2023, il est demandé à l'Etat de proposer une option "végétarienne quotidienne dans ses administrations, les établissements publics et les entreprises publiques", en cas de menus multiples.
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