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Quatre idées reçues sur les réfugiés climatiques

Francetv info se penche sur les clichés que nous avons sur ces réfugiés à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, ce vendredi 5 juin.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Parmi les réfugiés climatiques, il n'y a pas que des personnes qui vivent sur des îles menacées par la montée du niveau des océans. (NIELS BUSCH / CULTURA CREATIVE / AFP)

Ils habitent loin, ils traversent les frontières, ils vont envahir les pays du Nord... A l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, vendredi 5 juin, francetv info se penche sur la question des réfugiés climatiques et met à mal quatre idées reçues.

1Ils vivent dans les pays du Sud

Non, pas seulement. L’Afrique et l’Asie sont effectivement particulièrement touchées. Les îles du Pacifique également. Mais l’ensemble de la planète est concerné. Les zones polaires sont notamment durement frappées par le réchauffement global. Ce n’est pas anodin si l’ours polaire, menacé de disparition avec le recul de la banquise, est un animal emblématique du changement climatique. Or, il ne vit que dans les régions arctiques, au niveau et autour du pôle Nord. On trouve également dans ces régions des personnes qui doivent se déplacer à cause de ce bouleversement : les Inuits, qu'ils soient d'Alaska, du Canada ou encore du Groënland.

Il y a aussi des déplacés environnementaux dans des zones tempérées. François Gemenne, chercheur à Sciences Po et spécialistes des questions migratoires, estime que "les personnes victimes de la tempête Xynthia [qui a frappé la France en 2010] sont des déplacés environnementaux". Ailleurs en Europe, nombre d'individus risquent de migrer à cause du changement climatique dans les décennies ou les siècles à venir. On peut citer les Roms menacés par les inondations en Hongrie, les habitants des Pays-Bas, dont deux tiers du territoire se situent en dessous du niveau de la mer, ou encore les résidents de villes comme Venise et Londres, également menacés, à terme, par l'élévation du niveau des eaux.

De façon plus générale, nous avons l’habitude de penser les réfugiés environnementaux comme des personnes qui vivent loin de nos frontières ou qui sont étrangères. "Dans un discours dominé par des institutions occidentales, le terme ‘réfugié’ semble réservé aux habitants du tiers-monde, à la fois vulnérable et dangereux", écrivent Christel Cournil et Benoît Mayer dans leur livre Les Migrations environnementales, enjeux et gouvernance (Presses de Sciences Po, 2014).

2Ils vont envahir les pays occidentaux

La plupart du temps, les personnes qui sont contraintes de déménager à cause de contraintes environnementales préfèrent rester près de chez elle. Les déplacés environnementaux n’ont généralement pas les moyens de migrer de l'autre côté du globe. Ils se déplacent dans leur pays, sur des distances de quelques kilomètres. Ils veulent rester près de leur famille, de leurs amis, de leur travail. Ils se rendent alors sur des zones voisines, également très vulnérables, qui peuvent être touchées les mois suivants ou peu après.

En revanche, François Gemenne pressent effectivement de grandes migrations à venir d'ici la fin du siècle : "Comme on est à l’aube d’un bouleversement majeur dans l’environnement mondial, il va forcément y avoir une large redistribution géographique de la population d’ici 2100, environ."

3Ils sont les premiers réfugiés climatiques de l'histoire

Les Nations unies ont présenté, en 2005, des migrants du Vanuatu (sud-ouest de l'océan Pacifique) comme les premiers réfugiés climatiques. En cause : la montée des eaux induite par le réchauffement de la planète. Entre-temps, des chercheurs ont montré que "le réchauffement climatique n’a pas le rôle dominant qui lui a été attribué dans les inondations observées aux îles Torrès", l'un des archipels du Vanuatu, dont sont originaires ces migrants. Sans compter que ces îles sombrent sous l’eau car la plaque tectonique qui les supporte glisse progressivement sous sa voisine. Pas grand-chose à voir avec le climat, donc.

En 2013, Ioane Teitiota, un habitant des îles Kiribati (centre de l'océan Pacifique) a été le premier au monde à demander le statut de réfugié climatique. Mais ce statut lui a été refusé.

Ces personnes sont-elles pour autant les premières menacées par le climat ? Non, tranche François Gemenne : "Si l’on pense aux temps préhistoriques, l’Europe a été colonisée parce que les Homo sapiens [les hommes modernes] trouvaient que la région avait un climat favorable. L’environnement a toujours été un élément déterminant dans la distribution des populations sur la planète."

4Ils sont principalement menacés par la montée des eaux

Nous en entendons beaucoup parler, mais l'élévation du niveau de la mer est loin d'être la seule cause de migration environnementale. Par exemple, le sud de l'Espagne est victime de sécheresse à répétition depuis de nombreuses années, et "les experts s'accordent à dire qu'elles sont une conséquence directe du réchauffement climatique", précise François Gemenne. Or ce phénomène, qui tend à prendre de l'ampleur, a déjà contraint de nombreux agriculteurs de la région à quitter leurs terres pour se rapprocher des villes et tenter de trouver du travail. "Ce sont des déplacés environnementaux", insiste le chercheur. 

Le réchauffement de la planète menace également de grands plans d'eau comme le lac Tchad, en Afrique, obligeant les pêcheurs à se déplacer et à changer d'activités.

Dans L'Etat des migrations environnementales pour l'année 2014 (PDF en anglais), publié par l'Organisation internationale pour les migrations, on constate aussi que les causes de déplacements sont multiples : inondations en Bolivie, assèchement des points d'eau en Angola, ou encore typhons à répétition en Asie du Sud-Est.

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