"C'est un peu une vie de village" : à Mayotte, un collège transformé en centre d'hébergement d'urgence pour des centaines de personnes
À la veille de l’arrivée à Mayotte du Premier ministre François Bayrou et d’une partie du gouvernement, les Mahorais subissent toujours les conséquences du cyclone Chido. Les plus précaires reconstruisent eux-mêmes leurs logements de fortune, mais beaucoup continuent de trouver refuge ailleurs. Dans le nord-est de Grande-Terre, à Majicavo, c’est tout un collège qui sert de centre d’hébergement, depuis plus de 15 jours.
Damien Henri a l’air fatigué de ceux qui n’ont pas arrêté une seconde, depuis le cyclone. "Hier soir, on a compté : on a servi 376 repas", raconte, samedi 28 décembre, le principal du collège, devenu chef de ce centre d'hébergement d'urgence. Les salles de classe ont été transformées en dortoirs pour les familles accueillies. Sur trois étages et dans plusieurs bâtiments, le linge sèche sur les rambardes. Les tables et les chaises ont été déplacées et des familles à la rue ont investi les lieux. "On a donné 60 tapis de sol d’EPS quand ils sont arrivés, explique Damien Henri. Après, les gens dorment à même le sol ou sur leur propre natte s'ils en ont. Certains ont apporté un matelas."
Plus de 400 personnes hébergées
Nasra se repose avec son petit garçon, Yannick. "En fait, on vit ici", témoigne celle qui habitait jusque-là dans le quartier fait de bric et de broc à côté. "Toutes les affaires sont détruites. On n'a pas encore l’argent pour reconstruire", poursuit la mère de famille. Comme elle, jusqu’à 450 personnes ont dormi là, chaque soir, en moyenne, cette semaine.
La fin de journée approche et le dîner mijote dans une grande marmite. Un feu de bois est improvisé au sol, sur une tôle. "On prépare des pâtes et aussi du maquereau en boîte. Et on va faire une sauce avec", détaille un membre de l'équipe du collège. Tout ça est géré de façon autonome. "Il n'y a pas d'aide apportée pour le moment, on a pris des stocks du collège", affirme le principal, précisant qu'ils n'ont reçu qu'"une livraison de 70 packs d'eau".
"J'ai acheté de la nourriture avec mes propres deniers."
Damien Henri, principal du collège de Majicavoà franceinfo
M. Henri dort sur place, dans ce grand collège mahorais qui accueille habituellement 1 800 élèves. Il venait de prendre ses fonctions, il y a un mois seulement, juste avant le cyclone. "Je vais bien, dit-il, et les enseignants sont présents tous les jours sur plusieurs créneaux", témoigne le principal de l'établissement.
Le préau de la cour de récréation est devenu un refuge pour les enfants qui ont vu leur baraque s’écrouler dans le bidonville. "Les pères continuent à construire les bangas, donc les personnes partent tôt le matin, à 6h. Les mamans aussi s’en vont, donc dans la journée, on a beaucoup d’enfants et peu d’adultes", explique Damien Henri. Alice, professeure d’EPS ici depuis septembre, a changé de rôle : "Là, on n'est plus leurs enseignants, ça a complètement changé, c'est un peu une vie de village, un peu cité HLM." L'enseignante "trouve ça super beau qu'on puisse accueillir", car "ce n'est pas le cas partout".
"Je devais rentrer pour Noël, mais je ne me sens pas forcément de partir. Je suis bien ici, j'ai l'impression d'être utile."
Alice, enseignanteà franceinfo
Quid de la rentrée ?
Plus loin, des ados sont assis par terre, près d’une multiprise et d’une petite sono. "La situation est grave à Mayotte, il n'y a pas d’électricité, donc je viens ici pour charger mes téléphones", raconte l'un d'entre eux.
Ici aussi certains bâtiments ont subi des dégâts. Le collège pourra-t-il prochainement redevenir simplement un collège ? Sans doute pas dès la rentrée du 13 janvier, selon Damien Henri. "C'est impossible d’accueillir tous les élèves, estime le principal. On a le troisième étage qui prend l’eau tout le temps. Il y a des toitures qui sont abîmées et manquantes. Il manque toutes les bordures de toit, donc les infiltrations se font aussi par là, donc l'eau rentre dans l'établissement", détaille celui qui appelle à "une rentrée organisée différemment". "C'est un impératif", selon lui.
Quant aux personnes hébergées, "je pense que c'est de la compétence de la préfecture et du rectorat", affirme M. Henri. Comme partout à Mayotte, ici, on attend désormais des annonces, des moyens, du concret.
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