Interview Cyclone Chido à Mayotte : "J’ai peur qu'il y ait des émeutes de la faim dans peu de temps", confie un sénateur de Mayotte

Invité sur franceinfo, Saïd Omar Oili précise que les Mahorais "essayent de survivre tout simplement". Il réclame "à boire et à manger" pour la population.
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Saïd Omar Oili, senateur de Mayotte, lors d'une séance de questions au Sénat, à Paris, en avril 2024. (MAXIME GRUSS / HANS LUCAS)

"C'est lamentable ce qui se passe ici, on est délaissés, depuis samedi, les gens n'ont pas à boire ni à manger", s'insurge Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, vendredi 20 décembre sur franceinfo. Le bilan humain est lourd après le passage du cyclone Chido à Mayotte.

La France tente d'acheminer de l'aide aux sinistrés. Mais cela ne va pas assez vite pour le sénateur : "On est très résilient à Mayotte. En métropole, lorsqu’il n'y a pas d'essence pendant deux jours, c'est l'émeute. Ici, les gens depuis samedi, ils essayent de survivre tout simplement. Il y a une colère terrible". Saïd Omar Oili met en garde l’État français : "J’ai peur qu'il y ait des émeutes dans peu de temps". 
 
franceinfo : Comment la République pourrait faire mieux et faire plus vite ?

Tout le monde savait que le cyclone allait arriver. Pourtant, on n'a pas positionné des bateaux non loin de Mayotte. Dès que la dépression est passée, on aurait pu amener, ne serait-ce que de l’eau et des conteneurs, donner aux gens à manger, leur donner de l'électricité. On aurait pu réquisitionner l'ensemble des techniciens d’EDF pour rétablir le courant. L'ensemble des techniciens Orange pour venir rétablir les réseaux de télécommunications. La France n'est pas un pays sous-développé. Elle fait partie des six puissances du monde. Dans un petit territoire de 374 km2, on n’est pas capable de fournir à une population de 400 000 habitants les besoins primaires. Mais quelle honte ! 
 
Le Premier ministre François Bayrou appelle à la reconstruction en deux ans. Emmanuel Macron assure qu’il n’y aura plus de bidonvilles et d'habitats indignes. Il y aura un fonds d'indemnisation aussi pour les personnes non-assurées. Ça va dans le bon sens ?
 
Nous aussi, on a de la mémoire. Il ne faut pas penser que le Mahorais est un petit bonhomme qui ne réfléchit pas. Nous avons l'exemple d’Irma. J'ai des amis élus de Saint-Martin que j'ai appelés. Ils m'ont dit que jusqu'à maintenant, ils peinent à avoir tout ce qu'on leur avait promis. Alors moi, je suis Saint-Thomas. Je ne crois que ce que je vois.

"Et ce que je vois, c’est des gens qui meurent de faim, des gens qui n'ont pas d'eau, des gens qui ont le toit arraché, des gens qui ne sont pas lavés depuis des semaines et des semaines et des poubelles entassées partout."

Saïd Omar Oili

à franceinfo

De cette crise, on va droit à une crise sanitaire. Depuis qu'il y a eu cet événement, il n'y a pas eu de secouristes avec des chiens pour aller voir dans les décombres s'il y a des gens qui sont coincés ou pas. Même les morts, on ne les respecte pas.
 
14 millions d'euros de dons ont déjà été récoltés par la Fondation de France. Vous saluez la générosité des donateurs ?
 
Je n’ai jamais été en enfer, mais les gens ont vécu l'enfer. Plus jamais ça. Effectivement, je remercie tous les bienfaiteurs qui veulent bien nous aider. Mais pour l'heure, dans l'immédiat, c'est donner à boire, à manger à cette population qui en a tant besoin. C'est le besoin primaire que nous voulons aujourd'hui. La reconstruction sera longue, on en est conscient. Il faut que tout le monde y participe. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a des choses qu'on pourrait pu, peut-être, éviter. Il fallait immédiatement distribuer de la nourriture et donner à boire aux gens. Si on ne le fait pas, j’ai peur qu'il y ait des émeutes dans peu de temps. 

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