Pourquoi le cyclone Chido a-t-il été aussi dévastateur à Mayotte ?
Une course contre la montre est engagée à Mayotte pour venir en aide aux sinistrés. L'archipel français de l'océan Indien a été dévasté, samedi 16 décembre, par le cyclone Chido. Alors que les autorités redoutent "plusieurs centaines" de morts, peut-être même "quelques milliers", les secours tentent de retrouver des survivants dans les décombres des nombreux bidonvilles. Comment peut-on expliquer l'ampleur de la catastrophe ?
Le cyclone a frappé Mayotte de plein fouet
Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, le cyclone Chido est le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans. Avant lui, 12 cyclones tropicaux avaient été enregistrés à moins de 300 km de l'archipel depuis 1976, dont trois épisodes entre 2014 et 2019. Dans l'ouest de l'océan Indien, où se situe le département français, les records de températures des eaux de surface ne cessent d'être battus, approchant régulièrement les 30°C. Or les cyclones et typhons puisent leur énergie dans les eaux chaudes du globe.
Si l'intensité du cyclone a été particulièrement forte, sa trajectoire a également scellé le sort du département français. Sur les images satellites de la journée de samedi, on distingue l'œil de Chido, alors classé en catégorie 4, avancer tout droit sur l'archipel. Or, le "mur" du cyclone, qui entoure l'œil, est la zone la plus dangereuse : c'est là ou les vents et les pluies sont les plus intenses.
L'étude de la trajectoire des cyclones, de plus en plus fine, a permis d'anticiper l'alerte. La préfecture de Mayotte avait placé le département en vigilance cyclonique rouge dès vendredi et violette dès samedi matin – soit le niveau d'alerte maximal. En raison du "danger exceptionnel", la population avait pour consigner d'impérativement rester confinée, de "ne pas sortir" et de "ne circuler sous aucun prétexte".
La population n'avait pas d'endroit où s'abriter
Outre la violence des vents qui se sont abattus sur le territoire, "la catastrophe tire ses racines du contexte socio-économique" mahorais, a expliqué la géographe Magali Reghezza sur le réseau social Bluesky. Dans une série de messages, elle décrit comment un aléa climatique exceptionnel tel que le cyclone Chido occasionne une catastrophe d'une telle ampleur dès lors qu'il frappe un territoire comme Mayotte "d'une grande vulnérabilité". Dans le département le plus pauvre de France, où "40% de l'habitat est informel et illégal", les habitations sont particulièrement fragiles : "Auto-construits, ces logements sont soumis aux risques de glissements de terrains en cas de forte pluie. Ils sont très vulnérables aux cyclones", relève-t-elle.
Mayotte compte officiellement 320 000 habitants, "mais on estime qu'il y a 100 000 à 200 000 personnes de plus, compte tenu de l'immigration illégale" en provenance des Comorres, a déclaré dimanche à l'AFP une source proche des autorités. Peu d'habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d'hébergement avant le passage du cyclone, "sans doute de peur d'être contrôlés". Or, ce sont eux qui occupent majoritairement les bidonvilles de l'archipel.
Dans un article paru en 2023 sur le site spécialisé Géoconfluences, le géographe Fahad Idaroussi Tsimanda révélait que parmi les migrants comoriens des bidonvilles, "84,5% des personnes sondées affirment que leur maison ne possède aucune fondation. Les matériaux de récupération, qu'il s'agisse de tôles (souvent rouillées), de bois ou encore de contre-plaqué, ne sont pas solides".
"Les facteurs de vulnérabilité s’enchevêtrent les uns les autres, se cumulent et se renforcent avec, à la base, une pauvreté économique et un manque de logements solides, formels et durables."
Fahad Idaroussi Tsimanda, géographesur le site Géoconfluences
Contraintes par la crainte permanente de l'expulsion et le manque de ressources, éloignées des consignes des autorités, ces populations sont ainsi les plus vulnérables face aux catastrophes climatiques.
Auditionné en février 2024 dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire (PDF), le directeur général de l'ARS Mayotte, Olivier Brahic, craignait qu'en cas de cyclone "le bilan victimaire pourrait être plus lourd" que celui de l'ouragan Irma, qui a dévasté Saint-Martin et Saint-Barthélémy en 2017, "du fait de l'importance des bangas et bidonvilles où les tôles qui s'envolent pourraient causer de très gros dégâts". Cette crainte s'est confirmée au passage du cyclone Chido, selon Fahad Idaroussi Tsimanda, interrogé par Le Parisien. "Les habitats informels qui constituent une part importante du paysage mahorais sont à terre", a-t-il déclaré. "Même les constructions qualifiées de pérennes ont souffert, comme la préfecture ou le centre hospitalier."
Les secours manquent de moyens pour faire face à l'urgence
Le seul hôpital de Mayotte, situé à Mamoudzou, a été fortement endommagé par le passage du cyclone. La situation du système de soins est "très dégradée" à Mayotte et les centres médicaux sont "inopérants", a déclaré la ministre de la Santé démissionnaire, Geneviève Darrieussecq. Or, l'archipel manque structurellement de moyens pour répondre à l'urgence : selon le rapport parlementaire rendu en mai, l'archipel compte 213 sapeurs pompiers et 14 engins de secours pour 100 000 habitants, bien loin de la moyenne nationale (542 sapeurs pompiers et 53 engins pour 100 000 habitants).
Le manque structurel d'eau potable et d'électricité est aussi un facteur aggravant. Depuis le passage du cyclone, "les gens vont chercher de l'eau à la rivière, on est revenu 40 ans en arrière. Si on n'agit pas vite, c'est un drame sanitaire qui va se jouer", a assuré Youssouf Ambdi, le maire de la ville d'Ouangani, contacté par l'AFP.
Pour pallier ces lacunes, un pont aérien et maritime a été déployé depuis l'île de La Réunion, à quelque 1 400 km à vol d'oiseau, pour envoyer du matériel et des personnels médicaux et de secours. Un total de 800 personnels de la Sécurité civile a été envoyé en renfort.
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