Reportage "Ça ne va rien changer", "on avait envie d'entendre ça"... À Mayotte, l'annonce de François Bayrou d'interdire la reconstruction des bidonvilles divise les habitants

Le Premier ministre a répété que la reconstruction des bangas sera interdite par les autorités. Une mesure espérée par de nombreux Mahorais, qui n'effraie cependant pas les habitants des bidonvilles.
Article rédigé par Agathe Mahuet, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un banga en cours de reconstruction dans le bidonville de Trevani, à Mayotte, le 28 décembre 2024. (AGATHE MAHUET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

François Bayrou, en visite sur l'île de Mayotte lundi 30 décembre, s'est engagé à interdire les bidonvilles et à empêcher leur reconstruction dans le 101e département français. Ces bangas, où vivent selon les estimations quelque 150 000 Comoriens, pour la majorité de manière illégale, ont pourtant déjà été partiellement rebâtis, après le passage dévastateur du cyclone Chido. Mais ces annonces du Premier ministre divisent sur l'île, comme l'a constaté l'envoyée spéciale de franceinfo. 

Red, c'est son surnom, vit dans une maison en tôle depuis 19 ans. Il porte un bob et a passé le bac l'an dernier. Faut-il en finir avec ces bidonvilles, comme le préconise le gouvernement ? "D'un côté, je comprends. Vu tout ce qu'il s'est passé, avec des morts, c'est un peu dangereux, concède le jeune homme. Mais même si on voit que ce n'est pas bien, on n'a pas le choix. Il n'y a pas assez de maisons à louer, on n'a pas d'argent. On est obligés de reconstruire quand même." 

C’est tout le quartier qui se remet en place, avec trois fois rien, mais pour combien de temps ? Face à la menace d’une reconduite aux Comores, Red hausse les épaules. "Ce n'est pas nouveau, ça fait longtemps qu’on vit comme ça, on échappe à la police aux frontières. Ça ne va rien changer, juste augmenter la délinquance", juge le jeune homme, qui n'a pas du tout l'intention de quitter Mayotte, où il est né. L'une des voisines de Red semble, elle, avoir déjà accepté l'idée de partir de l'île. "Je suis étrangère ici donc si je n’ai pas le choix, je partirai. Je retournerai aux Comores", assure Assfarati. 

Un banga en cours de reconstruction dans le bidonville de Trevani, à Mayotte, le 28 décembre 2024. (AGATHE MAHUET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

L’annonce de François Bayrou, en revanche, est une lueur d’espoir pour Safina Soula, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte. "Les premiers maux dont souffre Mayotte, ce sont ces bidonvilles. Donc nous, on avait envie d’entendre ça. Mais est-ce qu’ils vont aller jusqu’au bout ou pas ? Je ne sais pas", avoue-t-elle. Car trop de promesses précédentes n’ont pas été tenues, dit-elle, notamment lorsque le tribunal a freiné l’opération Wuambushu. Cette opération a été lancée, la première fois en 2023, par le gouvernement afin de lutter contre l'immigration illégale et détruire les bidonvilles. "Notre espoir, c'est que monsieur Darmanin est à la tête du ministère de la Justice", poursuit Safina Soula. 

Mais que faire de tous ces gens qui vivent dans les bangas ? "Il faut prévoir un rapatriement. Et ça, il faut que le dictateur comorien l’entende. Nous, on n'a plus rien. Tout a été dévasté, on n'a plus d’eau. C'est pour ça que nous sommes en guerre contre eux, avec toutes ces tensions entre nous et ces Comoriens", déplore la présidente du collectif des citoyens de Mayotte. "On a déjà trop fait pour eux", juge Safina Soula, qui estime que les victimes de cette situation sont les Mahorais. Et que le gouvernement français doit passer des paroles aux actes.

À Mayotte, l'annonce de François Bayrou d'interdire la reconstruction des bidonvilles divise les habitants. Reportage d'Agathe Mahuet.
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