Reportage "Là, le mode survie est activé" : à Mayotte, les habitants face au défi de trouver eau et nourriture

Le blocage des prix annoncé par le gouvernement pourrait apporter un peu de réconfort aux Mahorais qui ces derniers jours faisaient face à une flambée des prix des produits de consommation courante.
Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une femme marchant à Pamandzi, à Mayotte, le 17 décembre 2024, au milieu d'un paysage dévasté par le cyclone Chido. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Emmanuel Macron est attendu jeudi 19 décembre à Mayotte, près d’une semaine après le passage du cyclone Chido, qui a fait 33 morts selon un bilan très provisoire. Le président doit notamment se rendre à l’hôpital ainsi que dans un quartier en grande partie détruit. Il rencontrera sans doute des habitants qui manquent encore de tout.

"Tout le monde en profite pour augmenter les prix"

Des tonnes d’aide humanitaire ont bien été livrées, mais la distribution est toujours ralentie, notamment par l’état des routes. Quelques petites boutiques vendent aux habitants les produits de première nécessité, mais les prix ont explosé. Par chance, la maison de Mouss Boina tient encore debout. Mais autour, tout a été arraché par le passage du cyclone. "On est coupé du monde. Il y a des secteurs où jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas internet, il n'y a rien..."

Manque d'eau potable, de moins en moins de nourriture, ce père de famille est à bout. "La mairie donne une boîte de sardines, deux bouteilles d'eau par famille... C'est rien par rapport à la chaleur actuelle, décrit-il. Il y a une bonne partie de la population qui se nourrissait grâce à des bananes, du manioc, des cultures locales. Mais le cyclone est passé et tous ces gens-là ne peuvent plus se nourrir, c'est clair. "

La vie était déjà chère à Mayotte, avant le cyclone, mais aujourd’hui c’est encore pire. "Douze euros le pack d'eau", soupire Sonia, une mère de deux enfants qui habite Petite-Terre.

"Ici, il y a des petites boutiques. Les propriétaires, bien évidemment, vont se ravitailler comme ils peuvent et revendent plus cher... De base, un pack d'eau c'est 3,50 euros ou 4 euros, maintenant ils sont à 12 euros." 

Sonia

à franceinfo

À côté de Sonia, Adidja confirme : "Tout le monde en profite aussi pour augmenter. Les boîtes de sardines, les bougies, tout ce qui est nécessaire ils ont augmenté les prix. On n'a pas le choix vu qu'on en a besoin, on est obligés d'acheter."

Ce père de famille, et son fils allongé sur le canapé, tentent de trouver de quoi se nourir, près d'une semaine après le passage de l'ouragan Chido à Mayotte. (BORIS LOUMAGNE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La situation devrait toutefois se réguler rapidement : le gouvernement a publié au Journal officiel, jeudi 19 décembre, un décret pour bloquer les prix des produits de grande consommation à Mayotte, déclaré en état de "calamité naturelle exceptionnelle". Les prix sont donc désormais bloqués à leurs niveaux atteints le 13 décembre dernier. Sont concernés les produits comme l'eau minérale, les produits alimentaires et boissons, les piles, mais aussi les produits d'hygiène de base, du quotidien et dédiés à la construction ainsi que les aliments pour les animaux.

Manque d'informations

Mais en attendant, la crise profite à certains et cela continuera tant que l’aide humanitaire arrivée à Mayotte ne sera pas convenablement distribuée aux habitants. Beaucoup de Mahorais sont en colère vis-à-vis de l'approvisionnement en eau et en nourriture.

D'après Sonia, on leur a promis beaucoup d'eau et de nourriture dont ils ne voient pas la couleur. "Je suis très fatiguée, épuisée, on voit plusieurs avions militaires débarquer, mais nous, on n’a rien du tout, on ne sait pas où on doit aller récupérer ce qu'il faut récupérer, s'il y a des choses à récupérer", dénonce-t-elle. "Là, le mode survie est activé", décrit-elle, avant de glisser : "J'aimerais savoir où je dois aller pour récupérer de la nourriture..."

Avec son garage automobile détruit, les employés de Mouss Boina sont au chômage technique. Quatre d'entre eux ont tout perdu : "Il n'y a plus rien, ils sont à la rue... Les hébergements provisoires, on leur dit que ça ne va durer que trois jours. Donc, après trois jours, il faut qu'ils se débrouillent. Moi, j'étais obligé de prendre des bureaux pour mettre des matelas le temps que je trouve des solutions pour eux. On fait ce qu'on peut, mais d'ici trois, quatre jours, ça sera la merde. Voilà, c'est le mot", dénonce-t-il.

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