Reportage "Si le choléra revient, qu'allons-nous faire ?" : à Mayotte, après le chaos du cyclone Chido, le risque d'une épidémie plane

Alors que plusieurs personnes sont mortes du choléra dans l'archipel au printemps, les dégradations des conditions d'hygiène provoquées par la catastrophe font redouter un retour de l'épidémie. Mais les autorités se veulent rassurantes.
Article rédigé par Robin Prudent - envoyé spéciale à Mayotte
France Télévisions
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Temps de lecture : 4min
A Mayotte, l'infirmière Céline Lesburgueres alerte sur les conditions d'hygiène précaires dues au manque d'eau et au risque d'épidémie de choléra, le 21 décembre 2024. (ROBIN PRUDENT/FRANCEINFO)

"J'ai besoin d'aide." Au milieu de la cour du collège de Majicavo, l'infirmière scolaire interpelle une brigade de gendarmerie venue lui rendre visite, samedi 21 décembre. "Je crains vraiment un début d'épidémie que l'on ne pourra pas contrôler", explique Céline Lesburgueres. Depuis le passage du cyclone Chido sur Mayotte, l'établissement s'est transformé en centre d'hébergement pour 350 habitants précaires. Mais les conditions de vie sont sommaires. "On redoute une épidémie à cause du manque d'hygiène, martèle l'infirmière. Si le choléra revient, qu'allons-nous faire ?"

A travers l'archipel, la menace invisible d'un retour du choléra plane depuis que le cyclone a anéanti les efforts de prévention des autorités. Le souvenir tragique de l'épidémie demeure. Quelques mois auparavant, au printemps, elle avait fait cinq morts à Mayotte, parmi plus de 200 personnes infectées, selon l'Agence régionale de santé (ARS).

A Mayotte, un hôpital de campagne a été monté le 22 décembre 2024 pour venir en aide aux victimes du cyclone Chido. (Robin Prudent / franceinfo)

Une semaine après la catastrophe, les pouvoirs publics se veulent rassurants. Il n'y a "aucune alerte d'épidémie à ce jour", écrit la cellule interministérielle de crise dans son dernier point de situation quotidien. Mais jusqu'à quand ? "Bien sûr, c'est une inquiétude", précisait l'ex-ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, annonçant que l'Etat avait fait des réserves de doses de vaccins contre la maladie.

"On ne peut plus se laver"

Dans les rues de Mamoudzou, le risque est bien connu des habitants. "On a très peur des maladies et du choléra, comme il n'y a plus d'eau qui arrive, on ne peut plus se laver", s'inquiète une jeune Comorienne. Même angoisse chez l'une de ses voisines, qui a déjà adopté des gestes préventifs. "J'ai dit à mes enfants de ne pas aller dans la rivière, mais on voit des gens dedans. Ils boivent même parfois de l'eau directement", assure-t-elle.

Dans les ruisseaux boueux qui traversent l'île, il est en effet fréquent de croiser des habitants, souvent très jeunes, jouer ou tenter de se laver alors que le réseau d'eau potable est encore largement hors service, malgré les annonces des autorités. Une situation particulièrement critique alors que les bactéries du choléra, présentes dans les selles, comme l'explique l'Institut Pasteur, peuvent contaminer l'eau et se propager à toute vitesse.

Un hôpital et des vaccins

"La promiscuité et le manque d'hygiène après une telle catastrophe forment un terreau fertile au développement du choléra", prévient Anthony Couret, médecin principal de l'hôpital de campagne qui a commencé à être installé à Mamoudzou, dimanche. Au milieu du stade de Cavani, de larges tentes blanches vont accueillir, à partir de mardi, jusqu'à 100 patients par jour. En attendant son ouverture, 90 soignants et logisticiens sont déjà mobilisés pour construire les différents services de cet hôpital modulaire : des urgences, une maternité, un laboratoire, deux blocs opératoires…

"Il y a toujours un risque épidémique après le passage d'un cyclone, partout dans le monde." 

Anthony Couret, médecin

à franceinfo

Une salle d'isolement sera également mise en place afin d'accueillir des patients qui présenteraient des symptômes du choléra, comme des diarrhées, des vomissements et des douleurs abdominales. "L'hôpital est équipé pour faire face à ce risque épidémique", assure le lieutenant-colonel Jacques Pages, chef du détachement de l'hôpital de la sécurité civile.

Malgré les moyens de soins déployés, tous les professionnels de santé rencontrés s'accordent à dire que seule la prévention, via l'amélioration des conditions d'hygiène et le retour de l'eau et de l'électricité sur toute l'île, pourra s'avérer efficace afin d'éviter qu'une nouvelle catastrophe sanitaire ne s'ajoute au drame du cyclone Chido.

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