Pourquoi l'intensité des ouragans est aussi difficile à prévoir
Annoncé comme un ouragan de catégorie 3, lundi soir, Maria s'est brutalement renforcé pour devenir un phénomène "extrêmement dangereux" dans la nuit. Franceinfo vous explique pourquoi.
Après avoir touché la Martinique et fait des ravages en Dominique, l'ouragan Maria a secoué la Guadeloupe, mardi 19 septembre, une dizaine de jours après le passage destructeur d'Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Décrit comme "potentiellement catastrophique", selon les spécialistes américains, l'ouragan est passé, en quelques heures, de la catégorie 3 à 5, la plus élevée. Il oscille désormais entre la 4 et la 5 à l'approche de l'île américaine de Porto Rico.
Prévu comme un ouragan de grande ampleur, Maria est passé à 50 km de la Martinique et ses vents ont dépassé les 250 km/h à la mi-journée (heure de Paris). Mais pourquoi est-il si difficile de connaître à l'avance et avec précision l'intensité d'un ouragan ? Eléments de réponse.
Parce que les informations évoluent sans cesse
"Pour caractériser l'intensité et la catégorie d'un cyclone, on utilise des modèles de prévision informatiques et des mesures très concrètes comme l'envoi d'avions de reconnaissance régulièrement dans l'œil de l'ouragan", explique à franceinfo François Jobard, prévisionniste à Météo France. Dans le cas des Caraïbes, c'est le centre de Miami aux Etats-Unis qui est chargé de faire ces analyses et de les transmettre au grand public et aux divers centre météorologiques nationaux.
"A chaque vol, l'équipe de pilotes et de météorologues va mesurer la force des vents et la pression au centre de l'ouragan. Elle va ensuite en déduire la catégorie et réajuster ses prévisions de trajectoire, puis les transférer à tous les centres météorologiques dans le monde", poursuit François Jobard.
En journée et soirée de lundi, "à chaque fois que l'avion est rentré dans l'ouragan Maria, les vents étaient plus forts que ce qui était estimé dans le modèle, la pression était plus basse. Le phénomène a déjoué les pronostics des spécialistes de Miami avec une intensification beaucoup plus forte et rapide qu'initialement prévu." Les prévisions du centre sont donc sans cesse réajustées en fonction des données récoltées lors de ces vols.
Parce que les modèles météo ont du mal à prévoir l'intensité
Si la trajectoire d'un ouragan est relativement facile à établir grâce aux modèles informatiques, son intensité l'est beaucoup moins. "L'exemple de Maria nous l'a encore montré. On est face à des phénomènes orageux qui ne sont pas linéaires, qui peuvent avoir un développement un peu exponentiel, une croissance mal prise en compte par les modèles de prévision. C'est un objet d'amélioration continue pour nos chercheurs", détaille François Jobard.
Lorsque les météorologues souhaitent évaluer l'intensité d'un ouragan, ils font appel à des outils moins sophistiqués et comparent certaines informations "basiques" (comme le lieu de formation de l'ouragan, le moment de l'année, les précédents ouragans dans la région) pour établir une probabilité. "Les modèles informatiques mettent beaucoup de temps à sortir des résultats. Comme les ouragans peuvent changer très souvent et rapidement de trajectoire, nous préférons donc utiliser ces données basiques pour sortir rapidement des chiffres", explique John Cangialosi, spécialiste du Centre national des ouragans (NOAA) aux Etats-Unis à Popular Science (en anglais).
Le résultat ne donne pas l'intensité actuelle de l'ouragan à venir ou en cours, mais établit "une moyenne de ce qu'est un ouragan à cette période de l'année, avec ces données climatiques", poursuit John Cangialosi.
Parce que le phénomène est encore méconnu
Au-delà du calcul de l'intensité ou de la trajectoire des ouragans, les scientifiques reconnaissent ne pas avoir fait le tour de tous les secrets des ouragans. "C'est un peu mystérieux. Nous les observons beaucoup, mais nous n'arrivons pas encore à les analyser parfaitement", reprend John Cangialosi dans Popular Science.
Par exemple, ce n'est que récemment que nous avons découvert que le mur de l'œil peut se désagréger et qu'un nouveau mur peut se former. Or, cela peut modifier l'intensité de l'ouragan, le renforcer ou l'affaiblir.
John Cangialosià Popular Science
La force d'un ouragan dépend de nombreux paramètres encore peu identifiables par les scientifiques et tous ne disposent pas non plus des mêmes instruments. Selon Forbes (en anglais), des études suggèrent que les "tours d'orages" qui se forment dans le mur de l'œil pourraient être liées au changement d'intensité. D'autres paramètres comme la variation du vent, l'air sec ou même la présence de poussières dans l'ouragan pourrait jouer un rôle dans la croissance du phénomène.
Or, ces "mécanismes liés à l'intensification [des ouragans] se font 'en douce'" et ne sont pas toujours observables, voire compréhensibles, par les machines dont disposent les scientifiques. La prévision de l'intensité d'un ouragan dépend donc à la fois de modèles informatiques et de leurs interprétations faites par l'homme, avec leur lot de limites. "C'est un art plutôt qu'une science. En tout cas, il s'agit d'un art de le décrire", explique le professeur de météorologie Hugh Willoughby de l'université internationale de Floride à la National Public Radio (en anglais).
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