Prix, sobriété, réparation des fuites... Ce qu'il faut retenir du plan eau annoncé par Emmanuel Macron
"On a une ressource en eau qui a fortement baissé." Emmanuel Macron a présenté, jeudi 30 mars dans les Hautes-Alpes, un plan très attendu destiné à améliorer la gestion de l'eau, ressource menacée par le réchauffement climatique. Les scientifiques anticipent en effet une diminution de 10 à 40% de la ressource en eau, jusqu'ici abondante dans le climat tempéré de la France, dans les prochaines décennies.
Près des rives du lac de Serre-Ponçon, le plus grand réservoir d'eau douce d'Europe de l'Ouest, le chef de l'Etat a déroulé une cinquantaine de mesures pour réduire les gaspillages et mieux utiliser l'eau. Voici ce qu'il faut retenir de ces annonces.
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10% de réutilisation des eaux usées traitées en France d'ici 2030
Première piste évoquée : la réutilisation des eaux usées traitées, actuellement pratiquée pour moins de 1% des volumes en France, contre 8% en Italie, 14% en Espagne et 85% en Israël. L'objectif annoncé par Emmanuel Macron est de passer à 10% des eaux usées réutilisées d'ici 2030, soit 300 millions de mètres cubes, l'équivalent de la consommation de 3 500 bouteilles d'eau par Français et par an. Le chef de l'Etat a dit vouloir identifier "mille projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l'eau".
A l'occasion de la restitution des conclusions des assises de l'eau, en 2019, l'exécutif avait déjà affiché sa volonté de recourir à la réutilisation des eaux usées traitées à travers l'objectif de tripler les volumes d'eaux non conventionnelles réutilisées d'ici 2025, en facilitant leurs usages. La réutilisation des eaux usées traitées n'est cependant pas une solution miracle : elle est essentiellement pertinente dans les zones littorales. En zone continentale, les eaux usées traitées sont rejetées dans les milieux naturels, où elles contribuent au cycle de l'eau et à la préservation des écosystèmes.
Des investissements dans les réseaux d'eau potable
Emmanuel Macron a engagé la mobilisation de 180 millions d'euros pour résorber les fuites, notamment dans "170 points noirs, c'est-à-dire toutes les zones où les fuites sont très importantes". Il s'agira par exemple de sécuriser 2 000 communes qui se sont retrouvées proches d'une situation de rupture d'approvisionnement lors de la sécheresse exceptionnelle de l'été 2022.
Pour y parvenir, Emmanuel Macron a aussi promis une augmentation du budget des agences de l'eau de 500 millions d'euros par ans – sur un budget établi aujourd'hui à 2,2 milliards d'euros par an. "C'est l'effort dont on a besoin pour déclencher au total environ 6 milliards de plus dans l'économie de l'eau chaque année", a-t-il estimé.
Le président de la République a également annoncé la mise en place d'ici 10 ans de "compteurs intelligents" sur les réseaux, notamment auprès des plus gros consommateurs.
Il s'est enfin concentré sur les outre-mers, "qui ont une situation tout particulièrement difficile", où 35 millions d'euros supplémentaires par an vont être alloués à la gestion de l'eau.
Une meilleure gestion de l'eau pour l'agriculture
C'était l'un des volets les plus scrutés. L'agriculture est la première consommatrice d'eau via l'irrigation (plus de 2 milliards de m3 par an), pratiquée seulement sur 7% des surfaces cultivées, mais le plus souvent en été, quand la ressource est rare. Le gouvernement a planché sur le développement de cultures plus résistantes à la sécheresse. Emmanuel Macron souhaite qu'un "diagnostic eau, sols et adaptation" soit intégré aux aides à l'installation des nouveaux jeunes agriculteurs. But affiché : leur permettre de s'adapter au climat plus chaud de 2050.
Une enveloppe de 30 millions d'euros est prévue pour aider les agriculteurs à s'équiper en systèmes d'irrigation plus économes en eau.
Des conditions pour les nouveaux ouvrages de stockage de l'eau
Ces annonces interviennent cinq jours après la manifestation contre la "méga-bassine" de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), marquée par des affrontement d'une extrême violence entre militants et forces de l'ordre. Les tentatives de conserver l'eau hivernale dans des retenues artificielles braquent des écologistes et une partie du monde agricole, qui dénoncent un "accaparement" d'un "bien commun".
Le chef de l'Etat a promis, en cas de nouvel ouvrage de stockage nécessaire, de ne "pas de privatiser l'eau". Ces nouvelles constructions devront répondre à plusieurs critères, selon Emmanuel Macron : être adaptées aux scénarios d'avenir pour faire face aux impacts du changement climatique, contribuer à la préservation de la biodiversité et à d'autres usages locaux et être conditionnées à des changements de pratiques agricoles significatifs d'économies d'eau et de réduction des pesticides.
Une "tarification progressive" de l'eau
Emmanuel Macron a mis en avant une "tarification progressive et responsable de l'eau". Le but de cette mesure est d'inciter les Français à la sobriété. Ainsi "les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant" et "ensuite, au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé", a-t-il expliqué. Cela doit pouvoir couvrir les besoins essentiels, a précisé l'Elysée.
Un plan de sobriété dans chaque secteur
Emmanuel Macron, qui a dit redouter des "situations de grand stress à l'été prochain" dans certaines communes, a annoncé qu'"un plan de sobriété sur l'eau" serait demandé "à chaque secteur" d'"ici l'été". Il a cité "l'énergie, l'industrie, le tourisme, les loisirs, l'agriculture". Le chef de l'Etat a aussi appelé à la responsabilisation de chacun.
Un "Ecowatt de l'eau", sur le modèle de l'instrument mis en place pour réduire la consommation d'électricité pendant l'hiver, sera mis à disposition "dès cet été" : "Les préfets ont fixé des règles de partage et de bon usage de l'eau, et comme nous l'avons fait pendant l'hiver sur l'énergie, on aura cet outil dès le début de l'été pour que chaque Français, chaque agriculteur, chaque maire, chaque chef d'entreprise, puisse connaître les gestes à adapter de manière très transparente et l'évolution de la situation", a déclaré Emmanuel Macron.
Des investissements pour adapter les centrales nucléaires au changement climatique
Emmanuel Macron a également annoncé, sans le chiffrer, un "programme d'investissement" pour adapter les centrales nucléaires, troisièmes consommatrices d'eau en France pour se refroidir, au réchauffement climatique. Environ 12% de l'eau consommée en France est utilisée par les centrales, a-t-il rappelé. "On doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d'investissements pour faire des économies d'eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé", a expliqué le chef de l'Etat.
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