: Reportage "C'est ce qu'on fait avec les hommes quand on les vaccine" : dans les Bouches-du-Rhône, l'Office national des forêts entraîne les plantes à s'adapter à la canicule
La France sort d'une nouvelle vague de chaleur jeudi 15 août. Plus aucun département n'est en vigilance canicule. Les derniers jours ont été très chauds par endroits, et vous en avez peut-être souffert. Les arbres aussi sont victimes des fortes chaleurs. La forêt française est fragilisée par le réchauffement climatique. Alors la pépinière de l'Office national des forêts (ONF) de Cadarache, près de Manosque, dans les Bouches-du-Rhône, travaille pour rendre cette forêt plus résistante.
Sous l'une des serres, des milliers de jeunes arbres sont alignés dans de petits pots, chacun scruté de très près par Catherine Santaella, chercheuse au CNRS. "Il y a du pin d'Alep, du chêne, du Sirius domestica", énumère la scientifique. Ces trois espèces ont été choisies parce "qu'elles réagissent à la sécheresse d'une façon différente, et donc chacune est intéressante pour avoir des plants qui soient résistants", explique Catherine Santaella.
"Tromper" l'organisme de la plante
En ce moment, elle entraîne les pousses à mieux réagir au manque d'eau. "On va traiter les plantes avec des hormones de plantes pour leur faire croire qu'elles ont une sécheresse, alors même qu'il y a de l'eau. On espère qu'en ayant appris à réagir plus vite, elles garderont leur eau à l'intérieur, au lieu de la laisser s'évaporer."
Catherine Santaella compare cette technique avec celle de la vaccination. "C'est ce qu'on fait avec les hommes quand on les vaccine. On trompe l'organisme en lui faisant croire qu'il est atteint par un virus. Il réagit et il garde la mémoire de cette réponse. Et c'est un peu ça qu'on essaye de faire ici."
"Le but de cette expérimentation, c'était de rechercher cette résistance naturelle."
Jérôme Reilhan, responsable de la pépinièreà franceinfo
Parmi les autres projets de la pépinière ces dernières années : des cèdres de l'Atlas, soumis à une sécheresse plus ou moins intense. L'expérience de plusieurs mois a permis de repérer les spécimens les plus résistants, explique Jérôme Reilhan, responsable des lieux. "Chaque arbre est différent. Certaines personnes ont des capacités pour faire du sport, d'autres pour faire des études. Et les arbres ici ont cette même différence. Certaines sont adaptées naturellement à la sécheresse.
Résister au dérèglement climatique
Cela permet ensuite de constituer une banque d'arbres particulièrement robustes à replanter ensuite dans la forêt française. Et il y a urgence, car elle est dépassée par le dérèglement climatique.
La plante elle-même peut s'adapter, assure Jérôme Reilhan, "mais le changement climatique va beaucoup plus vite que ce à quoi qu'elle pourrait s'adapter." Alors, "il faut que l'homme l'aide, et fasse ce qu'on appelle de la migration assistée. C'est-à-dire prendre des essences qui sont déjà au sud et de les remonter au nord plus rapidement, pour anticiper ce changement climatique."
En espérant ainsi enrayer l'affaiblissement de nos forêts. Selon l'ONF, 300 000 hectares dépérissent à cause des sécheresses et des vagues de chaleur, soit environ 30 fois la surface de Paris.
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