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Afghanistan : la guerre perpétuelle
Le rythme de retrait des troupes américaines d’Afghanistan va être ralenti, a annoncé une nouvelle fois, le 6 juin 2016, le président des Etats-Unis, Barack Obama. Son pays va ainsi y maintenir 8400 soldats, au moins jusqu’en 2017. Malgré leur présence, la situation sécuritaire reste très précaire en Afghanistan où les talibans poursuivent attaques et attentats.
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Le président afghan, Ashraf Ghani, a salué l’annonce de son homologue américain. A ses yeux, elle témoigne de la force du partenariat entre les deux pays pour vaincre un «ennemi commun» et «renforcer la stabilité régionale». L’«ennemi commun» en question, ce sont évidemment les talibans. Lesquels ont rétorqué qu’«Obama (qui) n'a rien pu faire avec 100.000 (hommes) et le soutien de 49 pays, sera incapable de faire quoi que ce soit avec 8400».
«Les talibans restent une menace. (...) Les forces de sécurité afghanes ne sont pas encore aussi fortes qu'elles devraient l'être», a souligné le locataire de la Maison blanche, élu en 2008 sur la promesse de mettre fin aux deux guerres d'Irak et d'Afghanistan. «Je ne laisserai pas l'Afghanistan être utilisé comme un repaire pour terroristes», a-t-il martelé. Sa décision laisse à son successeur de difficiles arbitrages dans un pays confronté à l'insurrection des talibans.
Malgré les milliards de dollars dépensés par l'administration américaine et des progrès soulignés par le Pentagone, l'armée afghane présente encore de nombreuses faiblesses, notamment en matière d'organisation et de coordination. Elle manque ainsi encore cruellement d'avions ou d'hélicoptères pour appuyer ses troupes au sol, ne pouvant compter pour l'instant que sur quelques appareils d'attaque au sol A-29 fournis par les Américains et des hélicoptères légers MD-530.
Pour l’instant, la Maison Blanche est donc contrainte de poursuivre une stratégie de «boots on the ground», de troupes au sol. D’autant qu’aucune solution politique n’est en vue. Des discussions directes entre le gouvernement de Kaboul et les talibans ont bien eu lieu en juillet 2015. Mais la deuxième session a été reportée sine die après l'annonce de la mort du fondateur du mouvement taliban, le mollah Omar. Les insurgés font du retrait des quelque 13.000 militaires de l’Otan toujours déployés en Afghanistan une condition préalable à la reprise de ces négociations.
Combats d’«une forte intensité»
«L’affaiblissement des positions des force de sécurité afghanes sur le terrain semble (…) enrayée», assure le site du ministère français des Affaires étrangères (MAE). Lequel n’en concède pas moins que la trêve hivernale «a été à peine perceptible tant les combats sont restés violents durant l’hiver 2015-2016». «Les forces afghanes ont été sérieusement mises en difficulté dans la province septentrionale de Kunduz. Et les insurgés talibans ont même occupé, pendant quelques jours, la capitale provinciale du même nom», rapporte le site spécialisé opex360. D’une manière générale, «la situation de sécurité en Afghanistan demeure très dégradée, fragile et instable. Les combats revêtent toujours une forte intensité, particulièrement dans le sud, le sud-est, le centre et l’est», précise le site du Quai d’Orsay.
«A Kaboul, le risque terroriste reste très élevé», ajoute cette source. Le 30 juin, un double attentat-suicide contre de jeunes policiers, revendiqué par les talibans, a fait une trentaine de morts, endeuillant la fin du mois du ramadan. Le 19 avril, une autre attaque avait fait 64 morts et 347 blessés dans la capitale, contre un bâtiment du NDS, les services de renseignement afghans. Il s’agit d’une des attaques les plus meurtrières à frapper Kaboul depuis le renversement du régime taliban en 2001.
De nombreux civils tués
Les insurgés assurent que leurs attentats ne visent que les troupes gouvernementales et celles de l'Otan, mais les civils payent un très lourd tribut aux violences. Selon l'ONU, 600 d’entre eux ont péri dans le conflit au cours du premier trimestre 2016. «Les attaques menées dans des centres urbains bénéficient d'une forte attention médiatique et permettent aux talibans de diffuser leur message. Elles sèment la peur et attirent de nouvelles recrues», estime un expert en questions sécuritaires, Jawed Kohistani, cité par l’AFP.
En 2015, selon des chiffres de la Mission des Nations Unies en Afghanistan (UNAMA), 11.002 civils ont été tués ou blessés, soit une hausse de 4% par rapport à l’année précédente. Parmi elles, 3545 personnes sont décédées. Dont 25% d’enfants (chiffre en hausse de 14%). Toujours selon l’ONU, 62% des pertes civiles sont à imputer aux talibans.
Sans parler des pertes liées aux frappes des drones américains : une trentaine d’islamistes auraient ainsi été tués en janvier 2016 par des armes téléguidées en Afghanistan et au Pakistan. Le chiffre global des victimes par ce biais n’est pas connu. Selon le magazine américain en ligne The Intercept, ces armes auraient tué plus de 200 personnes entre janvier 2012 et février 2013, au cours d’une opération baptisée Haymaker. Elles auraient près de 90% de leurs cibles…
D’une manière générale, les talibans ne sont pas les seules forces djihadistes sur le terrain. Al-Qaïda aurait repris pied dans le pays : un raid aérien aurait détruit un camp d’entraînement de l’organisation à Kandahar, en octobre 2015, selon opex360. Dans le même temps, les forces de l’«Etat islamique au Khorasan», qui se présente comme une émanation d’EI, «font preuve d’une réelle résilience face aux offensives» gouvernementales dans le Nangarhar, précise le site du MAE. Elles «se redéployent (aussi) vers l’ouest et le nord». Conclusion : la situation n’est pas prête de s’améliorer en Afghanistan, en guerre depuis l’invasion soviétique en 1979.
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