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Afghanistan : quatre choses à savoir sur le président Ashraf Ghani, qui a quitté le pays dimanche

Cet homme de 72 ans avait été réélu de justesse, avec une très faible participation et de multiples accusations de fraude en 2020. Alors que les talibans sont sur le point de reprendre le pouvoir, le chef de l'Etat afghan a quitté le pays, selon son ancien rival Abdullah Abdullah.

Article rédigé par franceinfo
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Le président afghan Ashraf Ghani au palais présidentiel à Kaboul, le 4 août 2021. (SAJJAD HUSSAIN / AFP)

"Isolé comme jamais." Signée du New York Times (article en anglais), la formule résume la solitude du président de l'Afghanistan, Ashraf Ghani, face à l'implacable offensive des talibans. Samedi 14 août, dans une allocution télévisée, le chef de l'Etat aghan avait affirmé avoir avoir commencé des "consultations"  pour trouver "une solution politique". Mais dimanche, tandis que les insurgés islamistes étaient entrés dans Kaboul, la capitale, l'ancien vice-président, Abdullah Abdullah, annonçait qu'Ashraf Ghani avait quitté le pays. 

Qui est ce dirigeant de 72 ans, réélu de justesse et dans des conditions contestées en 2020 ? Voici quatre informations à connaître sur lui.

Il a longtemps vécu aux Etats-Unis

Né en 1949, Ashraf Ghani a étudié l'économie et l'anthropologie à Kaboul, puis à l'université américaine de Beyrouth au Liban. En 1977, il est parti aux Etats-Unis. Il a donc été absent de son pays pendant la décennie de guerre menée par les Soviétiques, de 1979 à 1989. Outre-Atlantique, il a effectué un brillant parcours universitaire, décrochant un doctorat à l'université de Columbia à New York, et enseignant l'anthropologie dans des universités prestigieuses, notamment à Berkeley en Californie.

Enfin, en 1991, il a rejoint la Banque mondiale pour y travailler comme anthropologue, chargé d'étudier les conséquences sociales de l'aide économique et des réformes. Il a tiré de cette expérience un livre : Comment réparer les Etats faillis. Un manuel fort à propos pour le futur dirigeant d'un pays sinistré, relèvent Les Echos.

Après 24 ans d'absence, il est revenu en Afghanistan en décembre 2001, après la guerre éclair menée par les Américains en représailles aux attentats du 11-Septembre. En quelques semaines, les Etats-Unis et leurs alliés ont chassé du pouvoir les talibans, qui avaient donné refuge à Oussama Ben Laden.

Tout était à reconstruire dans ce pays, ravagé par des décennies de guerres. Ashraf Ghani a fait partie de cette élite afghane, passée par les Etats-Unis, revenue de son exil pour reprendre les rênes du pouvoir, décrit Le Figaro. Il a notamment travaillé aux côtés du président afghan Hamid Karzaï, au pouvoir de 2001 à 2014, dont il a été le conseiller, puis le ministre des Finances. Réforme de la fiscalité, nouvelle monnaie, incitation de la diaspora à revenir, négociations avec les bailleurs de fonds étrangers finançant la politique réformatrice... Tel est le bilan d'Ashraf Ghani, explique France 24. Le ministre a aussi mené une campagne contre la corruption endémique, selon RFI.

Il est élu de justesse en 2014 et 2020

Brouillé avec Hamid Karzaï, Ashraf Ghani s'est présenté contre lui à la présidentielle de 2009. En vain. Il n'est arrivé qu'en quatrième position, avec moins de 3% des voix. Son échec ne l'a pas arrêté, puisqu'il s'est représenté en 2014.

Pour cette nouvelle campagne présidentielle, il s'est laissé pousser la barbe, a rajouté son patronyme tribal, "Ahmadzai", et a porté des habits traditionnels afghans, relève Le Figaro. Cette fois, il a été élu, mais dans des conditions fortement discutées, note France 24Ashraf Ghani a certes obtenu plus de 56% des voix au second tour, mais s'il a accédé à la présidence, c'est au prix d'un accord de partage du pouvoir conclu avec le perdant de l'élection, qui contestait sa défaite, Abdullah Abdullah, fait chef de l'exécutif pour solder le différend.

En 2020, le président sortant a été réélu dans des conditions pires encore. Les résultats (une victoire obtenue avec un étriqué 50,64% des voix exprimées) n'ont été annoncés qu'en février 2020, près de cinq mois après le scrutin. Seuls 1,8 millions de votes ont été pris en compte par la commission électorale, sur 9,6 millions d'électeurs enregistrés. Un total de 16 500 plaintes pour irrégularités ont été déposées par les candidats. Une nouvelle crise politique avec son rival, Abdullah Abdullah, a éclaté, ce qui a conduit à un autre partage du pouvoir.  Abdullah Abdullah a dirigé en 2020 le Haut Conseil pour la réconciliation nationale, chargé des pourparlers avec les talibans.

Il s'est allié à un commandant accusé de crimes de guerre

L'enseignant qui n'avait jamais combattu a su s'appuyer sur des combattants à la réputation douteuse pour gagner l'élection présidentielle. Pour conquérir le pouvoir, en 2014, Ashraf Ghani s'est ainsi allié au chef de guerre ouzbek Abdul Rachid Dostom. Cet homme de 67 ans est réputé pour sa loyauté changeante, selon l'AFP, et ses méthodes brutales. Abdul Rachid Dostom est accusé de crimes de guerre, et notamment de la mort par asphyxie de 2 000 talibans enfermés dans des conteneurs en 2001. Des accusations qu'il a toujours niées, rappelle l'AFP. Entre 2014 et 2020, il a été le vice-président d'Ashraf Ghani avant de soutenir Abdullah Abdullah, le rival du chef de l'État, lors de la dernière élection présidentielle.

Il a quitté le pays après avoir semblé s'accrocher au pouvoir

"Plus isolé que jamais", selon les mots du New York Times, Ashraf Ghani avait promis samedi de poursuivre le combat contre les talibans, contre toute vraisemblance. L'armée de Kaboul, que les Américains ont formée, financée et équipée depuis des années, s'est en effet révélée impuissante face aux insurgés islamistes. Selon un conseiller de la province de Kunduz, cité par l'AFP, des centaines de soldats, de policiers et de miliciens se sont rendus aux talibans avec tout leur équipement, rien que dans cette région du nord-ouest du pays.

Les capitales provinciales sont tombées les unes après les autres. En à peine plus d'une semaine, les talibans ont pris le contrôle de presque tout le nord, l'ouest et le sud de l'Afghanistan et sont arrivés aux portes de Kaboul, dans laquelle ils sont entrés dimanche. Après avoir semblé s'accrocher à ses fonctions, Ashraf Ghani a quitté le pays le même jour.  

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