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Afghanistan : que va devenir l'aéroport de Kaboul après le départ des Américains, le 31 août ?

Les Etats-Unis ont confirmé le retrait de leurs militaires, qui sécurisent l'aéroport, au plus tard ce mardi. L'incertitude plane sur l'avenir de ce site vital pour l'Afghanistan, tant pour les vols commerciaux et militaires que pour l'aide humanitaire internationale.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des soldats américains du 18e corps aéroporté montent la garde à l'aéroport international de Kaboul (Afghanistan), le 27 août 2021. (EYEPRESS NEWS / AFP)

Un départ plus rapide que prévu. L'armée américaine s'est totalement retirée de l'aéroport international de Kaboul lundi 30 août, peu avant minuit. Après vingt ans de gestion par l'Otan et les Américains, le site va donc être "rendu aux Afghans", indiquait en fin de semaine dernière Ned Price, porte-parole de la diplomatie américaine. Mais qui récupérera effectivement le contrôle des opérations aériennes sur place ? Le principal aéroport d'Afghanistan risque-t-il de fermer, faute de gestionnaire qualifié ? Franceinfo résume les enjeux de cette passation de pouvoir hautement stratégique.

Vers une fermeture temporaire

Plusieurs signes font craindre une fermeture de l'aéroport de Kaboul après le retrait américain, et donc l'arrêt du pont aérien qui a déjà permis l'évacuation de 100 000 étrangers et Afghans fuyant le nouveau régime taliban. Les Etats-Unis doutent fortement que les talibans, qui n'ont pas encore formé de gouvernement, soient capables d'assurer seuls l'activité aérienne sur place. "La gestion d'un aéroport n'est pas une mince affaire (...), surtout dans un endroit comme Kaboul", a notamment déclaré Ned Price (lien en anglais). Le porte-parole de la diplomatie américaine a prévenu qu'il ne fallait pas s'attendre à des "opérations aéroportuaires normales" dès le lendemain du départ des Américains. 

Le vide opérationnel laissé par l'Otan et les soldats américains risque en effet d'être difficile à combler. De la tour de contrôle à la sécurisation des lieux, l'essentiel des activités de l'aéroport était jusqu'à présent assuré avec l'aide des étrangers. Le secrétaire d'Etat américain, Anthony Blinken, a ainsi laissé entendre, mercredi 25 août (lien en anglais), que l'aéroport pourrait être amené à fermer "pendant un certain moment"

Les Américains souhaitent pourtant que le trafic aérien se poursuive. "Avec le reste de la communauté internationale, nous avons intérêt [à ce que l'aéroport soit fonctionnel], ne serait-ce que pour permettre à tous ceux qui veulent fuir de partir en avion au-delà du 31", a déclaré Anthony Blinken. Le chef de la diplomatie américaine a par ailleurs assuré que les talibans "ont été très clairs" et veulent conserver un aéroport fonctionnel.

La Turquie pourrait combler le vide

Malgré cette confusion, le scénario d'une gestion partagée entre le régime taliban et un pays tiers devient de plus en plus réaliste. Les nouveaux maîtres de l'Afghanistan ont sollicité l'aide du Qatar, a rapporté le site Al-Monitor (article en anglais), mais pourraient finalement traiter avec la Turquie, qui entend bien combler une partie du vide laissé par les Américains.

"Les talibans nous ont proposé la gestion de l'aéroport de Kaboul, nous n'avons pas encore décidé", a déclaré vendredi le président turc, Recep Tayyip Erdogan, d'après des propos rapportés par l'agence étatique Anadolu. En signe de bonne foi, la Turquie a annoncé le même jour avoir terminé l'évacuation de ses 500 soldats présents en Afghanistan. "Nous prendrons une décision une fois le calme revenu", a ajouté le président Erdogan à la suite de l'attentat sanglant qui a visé l'aéroport de Kaboul. En cas d'accord, les talibans voudront toutefois garder la main sur la sécurité du site, a révélé le président turc.

Une infrastructure clé pour acheminer l'aide humanitaire

Porte de sortie pour les Afghans menacés, l'aéroport de Kaboul est aussi la porte d'entrée privilégiée pour l'aide humanitaire internationale, que les talibans pourraient continuer à tolérer. Le pays fait en effet face à "une crise humanitaire aiguë, provoquée par une escalade rapide du conflit et aggravée par la sécheresse et le Covid-19", alerte l'ONG Care sur son site. Un Afghan sur trois, soit 14 millions de personnes environ, est "en situation d'insécurité alimentaire aiguë" d'après le Programme alimentaire mondial. 

Reste à savoir si les travailleurs humanitaires étrangers, rapatriés en grande majorité depuis la prise de contrôle du pays par les talibans, pourront retourner en Afghanistan. "La situation est encore confuse, et des garanties de sécurité doivent être apportées par le nouveau gouvernement, quand il sera formé bien sûr", explique à franceinfo une cadre d'une grande ONG française, qui souhaite rester anonyme. "Il est impensable que l'acheminement de personnel et de matériel par avion s'arrête pour de bon", juge-t-elle, en faisant référence aux ONG humanitaires européennes qui ont fait le choix de continuer leurs actions sur le terrain

Les humanitaires pourront-ils compter sur des vols commerciaux pour venir en aide à la population afghane ? Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, a en tout cas rappelé que les talibans ont promis un laisser-passer pour les étrangers (hormis les militaires) et ce "sans date d'expiration". Une poignée de vols commerciaux sont encore prévus par des compagnies au-delà du 31 août, notamment Turkish Airlines, qui maintient un vol de nuit quotidien vers Kaboul tout au long du mois de septembre.

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