Femmes afghanes accueillies en France : "Un pays comme le nôtre ne peut pas rester insensible à leur situation", plaide Najat Vallaud-Belkacem
"Un pays comme le nôtre ne peut pas rester insensible à leur situation", a plaidé lundi 4 septembre sur franceinfo Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France Terre d’Asile, alors que la France a accueilli lundi plusieurs Afghanes menacées par les talibans et exilées au Pakistan. Sur ces cinq Afghanes, dont une est accompagnée de trois enfants, quatre ont atterri lundi en début d'après-midi à l'aéroport de Roissy, près de Paris, plusieurs mois après avoir fui le régime taliban qui a repris le pouvoir en Afghanistan à l'été 2021. Cette opération d'évacuation était réclamée de longue date par leurs soutiens qui appellent Paris à mettre en place un couloir humanitaire "féministe".
"On ne peut pas rester indifférent", martèle Najat Vallaud-Belkacem. Elle souhaite qu'un programme soit mis en place pour "permettre à ces femmes de rejoindre légalement la France" et leur "garantisse leur prise en charge dans le cadre de la demande d'asile". France Terre d'Asile demande également un "assouplissement des critères de délivrance des visas" ainsi qu'un "renfort des services consulaires français au Pakistan".
franceinfo : c'est France Terre d'Asile qui va s'occuper de ces femmes qui sont conduites dans un centre de transit géré par l'ONG. Comment cela va-t-il se passer ?
Najat Vallaud-Belkacem : Elles vont être hébergées dans un de ces centres que l'on gère en région parisienne. Elles vont ensuite être enregistrées comme demandeuses d'asile et puis orientées vers des hébergements de longue durée, en attendant que l'Ofpra statue sur leur dossier et, je l'espère évidemment, leur reconnaisse le statut de réfugiée.
L'arrivée de ces femmes afghanes est symbolique. Elles ne sont que cinq à être accueillies en France. Pourquoi l'arrivée de femmes afghanes en France est-elle si rare ?
C'est en effet tout le sujet. Voilà plusieurs mois qu'avec France Terre d'Asile, accompagnés d'un certain nombre de personnalités et de journalistes, nous nous battons pour que soit créé un dispositif plus pérenne et d'ambition plus large pour accueillir les Afghanes. J'invite d'ailleurs tous ceux que cela intéresse, à se rendre sur le site accueillirlesafghanes.org, dans lequel on explique tout de la situation en Afghanistan de ces quelques femmes - elles sont malheureusement très peu nombreuses - qui réussissent à quitter l'Afghanistan, à se réfugier dans les pays voisins, en Iran, au Pakistan et, de là, espérer obtenir un visa pour rejoindre l'Europe ou l'Amérique. Et tout le sujet pour nous, c'est qu'un gouvernement comme le nôtre, un pays comme le nôtre, ne peut pas rester insensible à leur situation. Il faut absolument qu'on agisse pour mettre en place un programme qui permette à ces femmes de rejoindre légalement la France en l'occurrence, et qui garantisse leur prise en charge dans le cadre de la demande d'asile une fois sur notre territoire.
Quitter l'Afghanistan, c'est un parcours de combattantes, au péril de leurs vies parfois ?
Quitter l'Afghanistan, on imagine à quel point c'est compliqué. Mais même lorsqu'elles rejoignent ces pays voisins, qui ne sont pas des pays faciles – l'Iran, le Pakistan - il faut voir les critères de délivrance des visas qui sont extrêmement compliqués. Les délais de ces démarches sont trop longs et maintiennent les Afghanes dans l'attente pendant plusieurs mois, voire parfois les obligent à retourner en Afghanistan, faute de ressources. Elles sont victimes de violences, elles dorment à la rue, elles sont complètement abandonnées de tous. C'est pour ça que ce que nous demandons dans ce programme ambitieux c'est l'assouplissement des critères de délivrance des visas, la meilleure prise en compte des difficultés qu'elles peuvent avoir pour produire des documents justificatifs, à l'heure où, je le rappelle, les Afghanes ne se voient même plus délivrer de passeport par leur administration nationale. Tout cela est d'une complexité infinie. Il faut également diminuer les délais de convocation et de délivrance de ces visas. Et tout ça passe notamment par un renfort de nos services consulaires français au Pakistan. C'est tout cela que nous demandons pour qu'une voie sécurisée leur soit offerte qui leur permette d'échapper à l'enfer qu'elles connaissent là-bas.
En ce jour de rentrée, il faut rappeler que des millions de jeunes filles ne vont plus à l'école ou à l'université en Afghanistan.
C'est une horreur. Ce n'est pas seulement qu'on leur interdit désormais de s'éduquer, de travailler, de voyager sans un tuteur masculin. C'est aussi que, concrètement, les familles sont contraintes de marier leurs filles de manière très précoce. La violence domestique contre les femmes a augmenté de façon absolument inédite. On a beaucoup de remontées de témoignages de suicides de filles, de femmes, confrontées à cette situation innommable. On ne peut pas rester indifférent. Ce qui est certain, c'est que c'est difficile pour des gouvernements comme les nôtres d'agir sur les talibans eux-mêmes. En revanche, ce n'est pas vrai qu'on est impuissant. On a des outils pour, a minima, protéger des centaines, peut-être des milliers de femmes afghanes actuellement bloquées dans les pays frontaliers de l'Afghanistan.
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