Afrique du Sud: la redistribution des terres aux Noirs a échoué
Responsable à la Fondation Mandela de Johannesburg, Verne Harris le reconnait : « la grande majorité des Sud Africains vit dans une réalité encore très fortement héritée de l’apartheid ». C’est le cas dans le secteur agricole. Vingt ans après l'avènement de la démocratie, les promesses du Congrès national africain sont restées lettre morte. Les meilleures terres sont encore majoritairement dans les mains des fermiers blancs. Ils possèdent 80% du foncier.
Au terme d’une loi sur la terre datant de 1913, l’ensemble de la population rurale noire avait été rassemblée de force sur 7% seulement du territoire national, dans «les homelands ». Cette surface finit par atteindre 13% dans les années 1970-1980. Le reste des terres, soit 87%, revenant aux fermiers blancs.
Dès l’avènement de la démocratie en 1994, le pays s’engage dans une réforme agraire d’envergure organisée autour de deux principaux axes. Il faut restituer les terres à ceux qui en ont été dépossédées durant la colonisation et l’apartheid. Il faut aussi redistribuer des terres agricoles aux Noirs qui n’en ont jamais possédées. L’Etat se charge de subventionner l’acquisition des terres vendues par des fermiers blancs. Il se fixe un objectif : transférer 30% des terres arables à 600.000 petits fermiers noirs en 20 ans (Jusqu’en 2014).
Vingt ans après, le bilan est largement négatif. Les experts sont formels: à peine 8% des terres agricoles commerciales des exploitants blancs ont été redistribués. Les autorités sud africaines mettent en cause un rapport de force économique défavorable aux Noirs. Selon le ministre chargé de la réforme agraire, Gugile Nkwinti, l’Etat sud-africain aurait dû sortir 4 milliards d’euros pour acheter les terres à redistribuer. Il n’en a pas eu les moyens.
L'opposition radicale prone le recours à la force
La lutte pour la terre, c’est le credo de l’opposition radicale sud africaine. Julius Malema, en est le porte-drapeau. L’ancien chef de la ligue des jeunes du congrès national africain( l’ANC) a fondé son propre parti, «les Combattants pour la liberté économique». Il milite en faveur de la saisie des terres agricoles des fermiers blancs sans compensation. «Pour travailler, pour manger, nous avons besoin de terres», répète-t-il dans ses meeting, pour galvaniser ses troupes. Un discours très applaudi parmi les laissés-pour-compte de l’Afrique du Sud post apartheid.
Face à la pression qui s’accentue, le président Jacob Zuma tente de reprendre la main. Mais pas question pour son pouvoir de désorganiser le secteur agricole. Il ne veut pas rééditer l'expérience du Zimbabwé voisin où la réforme agraire du début des années 2000 s’est achevée dans la violence par l’effondrement de la production agricole. Selon Jeune Afrique, «les nouveaux acquéreurs sud-africains se sont révélés incapables de maintenir des rendements équivalents à ceux des anciens propriétaires, en arrivant même, parfois, à leur revendre leurs terres.»
Le gouvernement de Jacob Zuma vient de finaliser un nouveau projet de loi qui devrait être votée en 2015. La réforme agraire est relancée. Les autorités se fixent un nouvel objectif: le transfert en quinze ans aux ouvriers agricoles noirs, de 50 % des terres exploitées par des fermiers blancs. Reste à trouver les financements nécessaires. Quant aux populations chassées de leurs terres pendant la colonisation et l'apartheid, elles disposent de cinq années supplémentaires pour faire valoir leurs droits. Elles pourront réclamer la restitution ou une compensation jusqu’au 30 Juin 2019.
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