Cet article date de plus de deux ans.

Morts en série lors de rituels initiatiques en Afrique du Sud

Tous les ans, les rituels initiatiques de passage à l’âge adulte du peuple Xhosa provoquent des dizaines de morts. En cause, le manque d’hygiène lors des circoncisions, et les nombreux sévices infligés aux initiés.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
De jeunes initiés Xhosa lors de leur retraite, photographiés dans une hutte à Umtata en Afrique du Sud le 13 juillet 2017. (MUJAHID SAFODIEN / AFP)

Douze décès ont été enregistrés pour la seule municipalité de Chris Hani, dans la province du Cap Oriental, depuis le mois de novembre. Dans l’ensemble de la province, le nombre de morts s’élevait à 44 en deux mois. Suspendue en mars 2021 pour cause de Covid, l’initiation traditionnelle masculine du peuple Xhosa, appelée Ukwaluka, a été rétablie le 12 novembre et s’est achevée le 12 janvier 2022.

On connaît ces images de jeunes gens, crâne rasé, corps et figure peints à l’argile blanche, enveloppés dans une couverture, le regard hagard. Chaque année, des milliers de garçons Xhosa, peuple de la province du Cap Oriental, sont initiés, et chaque année il y a des morts et des blessés. Nelson Mandela lui-même a vécu à 16 ans, a-t-il reconnu dans ses mémoires, un douloureux Ukwaluka.

Circoncision sans anesthésiant

Le rituel commence par une circoncision pratiquée sans anesthésiant ni antibiotique, dans des conditions d’hygiène souvent douteuses. Les jeunes vont ensuite passer trois à quatre semaines à l’écart dans la brousse, dans des conditions souvent très précaires, parfois privés d’eau et de nourriture, sous la conduite d’un chef traditionnel. De l’enseignement délivré on ne sait rien. L’isolement participe à la sacralité du rite initiatique qui doit rester secret !

Un jeune initié Xhosa déambule dans le bush lors de son rituel initiatique à Umtata en Afrique du Sud le 13 juillet 2017. (MUJAHID SAFODIEN / AFP)

Les écoles initiatiques qui organisent l’Ukwaluka sont pointées du doigt pour le manque de rigueur dans l’organisation de ces camps. Le circonciseur traditionnel qui opère doit être dûment enregistré au ministère de la Santé ainsi que les infirmiers, et cela n’est pas toujours le cas. Les chefs traditionnels de la province du Cap Oriental ont admis qu’en raison de contraintes financières ils n’avaient pas réussi à fermer toutes les écoles initiatiques illégales.

Les parents peu vigilants

"En tant que père, nous devons être présents dans ces écoles afin de nous assurer que les enfants sont bien traités", explique Siboniwe Mahleka, père de trois jeunes hommes venant de terminer leur Ukwaluka. "On doit aussi s’assurer que durant l’initiation ils mangent correctement et ont suffisamment à boire", ajoute le papa très fier de ses trois fistons de retour de leur rituel. Il faut aussi vérifier que le garçon ne soit pas victime de sévices, pourrait-on ajouter. Ainsi début décembre, un jeune initié est mort noyé après que son gourou l’a forcé à nager.

Mais malgré les morts, au moins 700 en dix ans, malgré les estropiés d'une circoncision mal effectuée, la tradition est telle que personne n’entend renoncer au rituel. Beaucoup de jeunes voulant être circoncis ne souhaitent pas le faire à l’hôpital, et sont très fiers de cette retraite. Alors fatalement, cela est devenu une affaire de gros sous qui attire les pires aigrefins.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.