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Mandela : pourquoi le monde est suspendu à ses bulletins de santé

Le premier président noir d'Afrique du Sud est au seuil de la mort et son pays se prépare à porter le deuil. L'analyse de Dominique Derda, ancien correspondant de France 2 en Afrique. 

Article rédigé par Martin Gouesse - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des enfants posent devant des portraits de Nelson Mandela, à Soweto (Afrique du Sud), le 26 juin 2013. (ODD ANDERSEN / AFP)

Les bulletins de santé de Nelson Mandela se succèdent, préparant l'Afrique du Sud et le monde à la mort de celui qui a vaincu l'apartheid. L'analyse de Dominique Derda, ancien correspondant de France 2 en Afrique.

Francetv info : Comment l'Afrique du Sud se prépare-t-elle à l'annonce du décès de Nelson Mandela ?

Dominique Derda : Sa dernière épouse, Graça Machel, est la veuve de l'ancien président du Mozambique, et elle s'apprête à revivre quelque chose qu'elle à déjà vécu. Mais au-delà, tout le monde aime Nelson Mandela, et la mort de quelqu'un qu'on aime, ce n'est jamais facile, même si le pays s'y prépare. Médicalement, il n'y a aucun espoir de le sauver. La tribune dans la presse de l'archevêque du Cap [Thabo Makgoba], qui a demandé "qu'il ait une fin paisible", a été un signal pour toute l'Afrique du Sud, et permet de lever les réticences du public. En clair, il a demandé à ce qu'il n'y ait pas d'acharnement thérapeutique.

Que va-t-il se passer après sa mort ?

Nelson Mandela est un symbole : c'est l'homme de la victoire sur l'apartheid. Aujourd'hui, alors que la moitié de la population est née après la chute de ce système, c'est le grand-père de la Nation, l'homme qui a su pardonner en sortant de prison, celui qui n'a pas appelé à la guerre civile ou à jeter les Blancs à la mer.. Même ces derniers, qui représentent 9% de la population, lui sont reconnaissants. 

Mais il subsiste une frustration énorme dans la société sud-africaine. Nelson Mandela avait promis un toit pour tous et il reste encore de nombreux bidonvilles. C'est pire encore pour ses successeurs. Pour le parti au pouvoir, l'ANC, il n'y a pas eu de grandes victoires depuis la libération de Mandela, aucun autre symbole fort.

L'Afrique du Sud n'est plus dominée par les Blancs, mais elle est dominée par les riches : c'est une société qui subit d'énormes inégalités, où les réformes, comme la redistribution des terres, sont très lentes.

Y a-t-il un risque d'explosion du pays après la mort de Mandela ?

Il y aura une énorme tristesse dans toute la population, mais il n'y a pas de raison que ce soit le chaos à l'annonce de la mort de "Madiba". L'Afrique du Sud est une démocratie. La classe moyenne tient à la stabilité du pays. Mais c'est tout de même un facteur d'inquiétude, car l'actuel président, Jacob Zuma, ne fait pas rêver les gens. Il va donc falloir faire vivre le mythe Mandela car après lui, il n'y a plus rien.

Le risque, c'est que l'esprit de Mandela soit dévoyé. En effet, "la marque Mandela" peut rapporter gros. Il existe déjà un vin Mandela, alors imaginez des tee-shirts, des sodas et pourquoi pas des voitures Mandela... Une vraie fortune potentielle pour ses héritiers. Mandela ne voulait pas que son nom soit exploité commercialement et c'est pour cela que sa fondation est dirigée par des gens qui n'appartiennent pas à sa famille. Le problème, c'est que ses deux filles ont intenté une action en justice pour prendre la tête de cette fondation. La justice n'a pas encore rendu sa décision, mais cela risque d'alimenter un feuilleton qui n'aura plus rien à voir avec ce qu'était Madiba. 

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