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Sébastien Hervieu sur la grève des mineurs en Afrique du Sud

Les mineurs de Marikana, dans le nord du pays, protestaient depuis six semaines pour obtenir une augmentation de salaires, mettant le bassin minier de Rustenburg en ébullition. Ils ont accepté de reprendre le travail le 20 septembre en échange d’une augmentation de salaire. Sébastien Hervieu, correspondant du Monde en Afrique du Sud, analyse ce conflit.
Article rédigé par Florencia Valdés Andino
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les mineurs de Marikana fêtent leur augmentation salariale, le 18 septembre 2012. (ALEXANDER JOE / AFP)

La grève des mineurs de Marikana est réprimée dans le sang le 16 août 2012, alors qu’ils manifestent depuis six jours pour obtenir le triplement de leur salaire. Ce jour là, la police tire à balles réelles : 34 mineurs sont tués.  Au total, 46 personnes sont mortes depuis le début du mouvement social.

Attention certaines images peuvent choquer.

Six semaines plus tard, les 24.000 mineurs en grève sur les 28.000 employés de Lonmin obtiennent une augmentation de salaire (entre 11% et 22%), résultat d’une âpre négociation avec leurs employeurs de la multinationale. En contrepartie, ils acceptent  de reprendre le chemin du travail.

Même si cette exploitation de platine retrouve peu à peu le calme, le mouvement s’étend aux autres secteurs miniers déstabilisant ce secteur économique sud-africain. 

En quoi ce mouvement est-il historique ?

Ce mouvement est une véritable victoire pour les mineurs car ils ont obtenu une très forte augmentation de salaire. Ils ont tenu tout ce temps sans toucher leur salaire. Du jamais vu dans l’histoire récente du pays. D’autant qu’ils ont obtenu gain de cause sans l’aide de personne [même si certains se sont improvisés médiateurs, NDLR]. Ni les principaux syndicats, ni le gouvernement ne sont intervenus lors du conflit.

Cela crée un précédent. D’un côté il s’agit d’un excellent exemple de démocratie directe. Sur le court terme ce système peut fonctionner. Et d’un autre, une confrontation aussi directe entre les employeurs et les mineurs peut très vite déraper. Dans toute société, les corps intermédiaires sont indispensables. Alors que les mouvements de grève s’étendent, suivre l’exemple de Marikana peut engendrer des violences. 

Il faut souligner que si les mineurs se sont passés de l’intervention du syndicat le plus puissant, le Syndicat national des mineurs (NUM), c’est parce qu’ils ne font plus confiance à une organisation qu’ils jugent trop proche des dirigeants de Lonmin et de l’ANC, parti au pouvoir. Ils se méfient également du gouvernement qui selon eux, ne s’est pas intéressé à leur mouvement.

Les foreurs de Marikana retournent au travail après un longue mouvement social. (CYNTHIA MATONHODZE / AFP)

Pourquoi la police a-t-elle pris une place centrale dans la grève ?

Comme le gouvernement n’a pas pris en charge le problème, la police s'est retrouvée seule face aux mineurs. Les autorités n’ont rien proposé aux grévistes et se sont contentées d’appeler au calme. La politique du gouvernement dans cette affaire se résume  aux descentes de la police dans les baraquements des mineurs ou à les empêcher de se rassembler. Cette police n’est pas formée et a la gâchette facile. Ce n’est pas la première fois qu’elle dérape. 

Euronews, 15 septembre 2012.

Ce conflit est-il le reflet d’un malaise qui va au-delà des bas salaires ?

Effectivement, les bas salaires sont l’élément déclencheur de ce mouvement mais cela va plus loin. C’est d’abord  un coup de gueule au sein même de la mine. Les foreurs à l’origine de la grève, qui de fait font le travail le plus dur, estiment qu’ils sont en charge des tâches les plus ingrates et doivent être rémunérés en conséquence. Ils sont parmi les moins bien payés.

Plus généralement, les mineurs sont conscients que les compagnies qui les emploient font d’énormes profits et qu’ils ne touchent qu’une partie infime de ces revenus. Le nouveau salaire des mineurs de Marikana — 11.000 rands (environ 1.000 euros) bruts — est correct en Afrique du Sud. Mais il ne faut pas oublier que plusieurs membres de la famille du mineur dépendent aussi uniquement de ce revenu.

Cette grève cristallise le malaise de toute la société. Le taux de chômage est très élevé, 25% de la population active, Il y a beaucoup de frustrations qui se sont cumulées depuis la fin de l’apartheid en 1994. Ce n’est pas pour rien que des émeutes éclatent dans les townships. On est passé d’une d’une ségrégation raciale à une ségrégation économique. Et même ceux qui devaient représenter les plus démunis sont devenus l’élite qui profite de la croissance.

Cyril Ramaphosa en est l’exemple, il était le secrétaire général du syndicat (NUM) et il siège désormais au conseil d’administration de Lonmin. C’est également l’image que les Sud-Africains ont du gouvernement qui sort affaibli de cet épisode de violences. Tous les torts de l’administration de Jacob Zuma ont été pointés du doigt. On assiste à un tournant dans l’histoire du pays.  On est bien loin du rêve de la Nation arc-en-ciel. 

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