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Abdelmadjid Tebboune, très lié à l’ancien président Bouteflika, représente le changement dans la continuité

Il a éliminé dès le premier tour ses quatre adversaires avec 58% des voix. Une nette victoire, mais à peine 40% des électeurs se sont déplacés pour voter.

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Abdelmadjib Tebboune, alors Premier ministre le 24 mai 2017. (BILLAL BENSALEM / NURPHOTO)

Qui est Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, qui vient de remporter l'élection présidentielle en Algérie dès le premier tour avec 58% des voix ? Enarque, plusieurs fois préfet, plusieurs fois ministre... le nouveau président apparaît très lié à l’ancien régime et tout particulièrement à l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, à qui il doit son ascension. Mais à y regarder de plus près, son parcours a été plutôt chaotique et souvent critique. 

Une carrière en dents de scie

Nommé en 1991 ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, il ne reste en poste que six mois. Haut fonctionnaire, il se retire de la politique pour revenir en 1999 comme ministre de la Communication du premier gouvernement Bouteflika. Là encore, l’expérience ne dure que quelques mois.

Le président Bouteflika le nomme en 2001 à la direction de l'Habitat pour réaliser son programme d’un million de logements. Mais il quitte ses fonctions en raison d’une féroce lutte des clans. Il fera une longue traversée du désert avant de revenir en 2012 pour finir son programme au ministère de l'Habitat. Il sera notamment chargé de mener à bien la construction de la Grande mosquée d’Alger, chère au président déchu, pour un budget de 1,7 milliard d’euros.

Point d’orgue de sa carrière, il devient Premier ministre en mai 2017. Mais il y reste à peine trois mois. Il est limogé abruptement en raison d’une opération mains propres initiée par son gouvernement à l’encontre d’un certain nombre de grands patrons proches du pouvoir.

Il dit être un homme libre

Bien qu'étant un homme du sérail, comme le montre France24, il s’est heurté plusieurs fois au système en tentant de le réformer. Il affirmait récemment que lorsqu'il était Premier ministre, il avait pris des décisions pour moraliser la vie publique, ce qui lui avait valu d'être limogé. C'est pourquoi, quand il se porte candidat en 2019, il a peut-être quelques comptes à régler.

En meeting, il répète être un homme libre et promet même d'en finir avec la "bande mafieuse", précise Jeune Afrique.

ll affirmait le 13 décembre 2019 dans une interview au journal l'Opinion que la contestation populaire "a permis d'arrêter un processus de dégradation de la vie politique. Cela faisait trois ans que l’on vivait dans une gouvernance de l’ombre avec un président qui ne pouvait plus exercer ses fonctions et encore moins se présenter à un cinquième mandat. Ces décideurs de l’ombre vivaient sur le bien public à partir de la rente pétrolière."

Homme du sérail ou homme de la rénovation ?

L'ancien ministre a déclaré durant sa campagne vouloir "amender la Constitution et adopter une nouvelle loi électorale qui banisse l'utilisation de l'argent sale dans les campagnes". Afin de rétablir la confiance entre le pouvoir et le peuple, il entend "remédier à la crise morale et lutter contre la corruption".  

Pour autant, si Abdelmadjid Tebboune a gagné cette élection présidentielle, c'est que l'homme fort du régime Ahmed Gaïd Salah et l'armée l'ont bien voulu. Ces derniers ne souhaitaient par ailleurs pas prendre le risque d'un second tour. Ce haut fonctionnaire qui a fait toute sa carrière dans les rouages du pouvoir est bien un homme du sérail, même s'il semble convaincu de la nécessité de changer le système.

Son élection va sans doute éviter un vide institutionnel et un chaos politique. Reste à savoir comment ce nouveau président sera perçu par le Hirak. Réponse dès ce vendredi dans la rue.

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