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Algérie: 50 chaînes de télévision menacées de disparition, Rebrab dans le viseur

Les chaînes de télévision algériennes «offshore» de droit étranger, longtemps agréées mais non autorisées, risquent de disparaître. Le gouvernement algérien, engagé dans un bras de fer avec le milliardaire Issad Rebrab, veut «assainir » l’audiovisuel. A quel prix ?
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (CITIZENSIDE / AHMED KAMAL / AFP)

Les nouveaux membres de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (AREV) ne vont pas chômer. Ils doivent statuer sur le sort de près d’une soixantaine de chaînes de télévision. Le gouvernement algérien, empêtré dans un bras de fer avec le milliardaire Issad Rebrab après son rachat du groupe de presse El Khabar, veut «assainir dans les meilleurs délais» la situation du paysage audiovisuel. En cause les chaînes «Offshore», ces télés tolérées mais non agrées, qui ne disposent souvent que de bureaux à Alger, émettant depuis l’étranger.
 
Le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, dresse un tableau peu flatteur de ces chaînes : «Certains vecteurs audiovisuels versent plus dans la publicité mensongère, la violation de la vie privée, l'atteinte à la dignité des personnes, la désinformation et plus grave encore, des attaques contre la cohésion de la société algérienne avec des appels à la haine, au régionalisme et à la Fitna (discorde, NDLR)». Ces télévisions de droit étranger devront se conformer à un cahier des charges.  


Pourquoi ce réveil tardif ? Ces chaînes existent depuis plus d’une décennie pour certaines. Jusque-là tolérées tant qu’elles évitent les sujets politiques ou qu’elles épousent le discours officiel, certaines ont subi les foudres du régime.

La chaîne El Watan TV (aucun lien avec le quotidien francophone) a cessé d’émettre du jour au lendemain après avoir donné la parole à un ancien chef militaire islamiste qui avait menacé le président Abdelaziz Bouteflika en 2015. En pleine campagne électorale, à un mois de la présidentielle, le 12 mars 2014, des policiers fortement armés font une descente au siège d’Al Atlas TV saisissent le matériel et scellent les studios. Motif officiel : Atlas TV n’a pas d’autorisation d’émettre, comme les dizaines d’autres chaînes. Véritable raison : la télévision était contre le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika et était proche de son principal adversaire, Ali Benflis.

Qu’est-ce une télé «offshore» ? C’est une chaîne de télévision algérienne de droit étranger dont la rédaction est en Algérie, le siège à l’étranger et qui émet depuis les pays du Moyen-Orient, principalement de Jordanie à cause des coûts relativement bas.
 
Et «DeuxfoisDieu» (Rebrab, comme le surnomment certains de ses employés) dans tout ça ? En rachetant le groupe de presse El Khabar, le milliardaire algérien Issad Rebrab s’est mis le gouvernement sur le dos. Le ministre de la Communication veut annuler la vente, le procès est reporté une 4e fois. A l’approche de la présidentielle, le régime algérien ne souhaite pas voir un puissant groupe de presse (presse écrite et télévision) s’opposer au choix du futur potentiel successeur de Bouteflika.
 
La politique ou les affaires. Le secrétaire général du FLN a menacé le patron du groupe agro-alimentaire Cevital qui emploie 15.000 personnes de ruine : «Issad Rebrab doit choisir entre la politique et les affaires. Ou il choisit les affaires ou alors la politique, et dans ce cas, il perdra son argent».

 
Pressentant une manœuvre politique, craignant que sa chaîne KTV ne disparaisse avec cette nouvelle réorganisation, l’homme d’affaires algérien appelle ses compatriotes à acquérir des actions. «Aujourd’hui, pour régler définitivement ce problème, pour prouver que je n’ai aucune ambition politique, mon but c’est le développement économique de l’Algérie, le groupe Cevital que je préside mettra El Khabar, y compris sa chaîne, à la Bourse d’Alger. Que tous les Algériens prennent des actions au niveau du groupe El Khabar.»
 
Sur la soixantaine de chaînes de télévision menacées, seules cinq ont reçu une garantie à continuer d’émettre. 

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