Algérie : l’ancien chef d’état-major Khaled Nezzar accuse son successeur Gaïd Salah d’avoir "un pois chiche dans la tête".
Visé par un mandat d’arrêt international de la justice militaire algérienne pour conspiration, l’ancien chef d’état-major Khaled Nezzar riposte en accusant Gaïd Salah, l’actuel homme fort du pays, de préparer des jours sombres à l'Algérie.
La justice militaire algérienne a lancé le 6 août 2019 trois mandats d’arrêts internationaux contre l’ancien ministre de la défense Khaled Nezzar, son fils Lotfi et Belhamid Farid, gérant de la société algérienne de pharmacie.
Entendu comme témoin dans l'enquête contre Saïd Bouteflika
C’est la télévision nationale qui en a fait l’annonce, indiquant qu’ils étaient accusés de "complot" et d’ "atteinte à l’ordre public". Des faits punis par les articles 77 et 78 du Code pénal et par l'article 284 du Code de justice militaire, qui prévoient la peine de mort en cas d’atteinte à l’intégrité du territoire national, précise encore la télévision.
Après la destitution forcée du président Abelaziz Bouteflika début avril, la justice a ouvert des enquêtes pour corruption et placé en détention préventive plusieurs anciens responsables politiques.
Le général Nezzar, également ancien chef d’état-major, avait lui-même été entendu comme témoin le 14 mai dans l’enquête ouverte pour complot contre l’autorité de l’armée et de l’Etat visant Saïd Bouteflika, le frère du président déchu et deux anciens chefs des services de renseignements, les généraux Toufik Médienne et son successeur Bachir Tartag, aujourd’hui sous les verrous.
Lors de son audition, il avait chargé le frère du président déchu, affirmant qu’il lui avait dit envisager d’instaurer l’état de siège et de démettre le général Gaïd Salah pour couper l'herbe sous les pieds à la contestation.
Emblématique des années noires de la guerre civile
Craignant toutefois de suivre le même chemin que les anciens responsables, l'ancien homme fort du pays dans les années 90 a préféré prendre celui de l’Espagne où il a été rejoint par son fils. Artisan de l’interruption du processus électoral en 1992 pour éviter une victoire des islamistes avec lesquels il refusait toute négociation, le général retraité reste emblématique de "la décennie noire" de la guerre civile algérienne.
En lançant un mandat d’arrêt international, le tribunal militaire de Blida a officialisé une guerre ouverte entre les ancien et actuel chefs d’état-major.
En dépit de son lourd passé politique, Khaled Nezzar avait pris sur son compte tweeter le 15 juillet le parti du "hirak pacifique qui a poussé Bouteflika à démissionner" et dénoncé "un pouvoir usurpé manu militari".
"L’Algérie est prise en otage par un individu brutal qui a imposé le 4ème et inspiré le 5ème mandat (de Bouteflika). Il faut y mettre fin ! Pays en danger", a-t-il mis en garde.
La riposte de Khaled Nezzar à Gaïd Salah
A l’annonce du mandat d’arrêt international contre sa personne, il a riposté en s’en prenant directement à la personnalité de l’actuel homme fort du pays.
"S’attaquer politiquement à Gaïd Salah est pour lui (pour Gaïd Salah, NDLR) une affaire de sécurité nationale, c’est ce que lui dicte le pois chiche qu’il a dans la tête. Ce sont des jours sombres qu’il réserve à l’Algérie", a-t-il ironisé.
Machiavélique, Gaid Salah empêche la concrétisation du mouvement populaire pacifique qui exige son départ immédiat, et ce pour sauver ses propres intérêts. Il maintient le système qui l'a fait roi et pense ainsi ne pas avoir à rendre des comptes.
— Khaled Nezzar (@KhaledNezzar8) July 30, 2019
Si le général Nezzar multiplie ainsi sur son compte les attaques contre "la mafia politico-financière représentée par les Bouteflika et Gaïd Salah", c’est sans doute parce qu’il se sent à l’abri.
La mafia politico-financière représentée par les Bouteflika et Gaid Salah continue à agir. Le soi-disant motif de conspiration et d'atteinte à l'ordre public est dicté de sa prison par Said Bouteflika. Gaid Salah aurait dû réfléchir avant d'agir. C'est la débâcle en la demeure.
— Khaled Nezzar (@KhaledNezzar8) August 6, 2019
Selon le Monde, même si l’Espagne et l’Algérie sont liés depuis 2008 par une convention d’extradition, son article 4 stipule qu’elle est refusée dans le cas où la partie requise considère que la demande est liée à "une infraction politique".
Un article que l’ancien ministre de la Défense pourrait bien invoquer pour bloquer son renvoi à Alger.
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