Football : le fiasco France-Algérie, vingt ans après
Retour sur cet événement qui a marqué le monde du football des deux côtés de la Méditerranée.
"Ce qui devait être une grande fête s'est transformée en immense gâchis." C'est par ces mots que Marie-George Buffet, ministre des Sports du gouvernement Jospin, qualifie encore aujourd'hui l'unique match de football entre la France et l'Algérie, le 6 octobre 2001. Une rencontre au Stade de France qui n'est jamais allée à son terme, marquée par un envahissement de terrain des supporters algériens à un quart d'heure de la fin.
Les espoirs étaient pourtant grands : pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, les sélections nationales des deux pays allaient se mesurer sur un terrain de football. Une rencontre hautement symbolique entre les Bleus et les Fennecs, classée à "haut risque" dès son annonce, en avril 2000 - pour laquelle 400 stadiers supplémentaires avaient été recrutés.
La Marseillaise et les Bleus conspués
Tout avait bien commencé. Avant la rencontre, l'ambiance est à la fête. "Il y avait un énorme élan d'enthousiasme", se souvient Marie-Georges Buffet qui se rappelle des "départs de bus depuis [son] département", bondés de "mômes portant fièrement leurs maillots".
Mais la tension est bien présente au fur et à mesure que le match se rapproche. Le célèbre "One, two, three ! Viva l’Algérie !" résonne dans un Stade de France plein coloré de rouge, de vert et de blanc. L'ambiance est sulfureuse : la Marseillaise est sifflée, les Bleus hués à chaque touche de balle. "Comme une rencontre à l’extérieur", ironisera plus tard Thierry Henry.
Sur le terrain, les champions du monde français dominent la rencontre et mènent rapidement grâce à des réalisations de Vincent Candela, d'Emmanuel Petit et de Thierry Henry. Juste avant la mi-temps, Djamel Belmadi réduit la marque, ovationné par les fans des Fennecs, qui sautent de joie. Au retour des vestiaires, Robert Pires inscrit un quatrième but. Celui de trop ?
À 4-1, l'atmosphère change. Vingt minutes plus tard, à la 76e, le match bascule. "Une première dame, on apprendra plus tard que c'était une jeune lyonnaise, a démarré le mouvement depuis les gradins, puis deux ou trois autres adultes ont suivi. Il y a ensuite eu un effet de foule ravageur et tout le monde est descendu", raconte Marie-Georges Buffet. Des centaines de personnes courent dans tous les sens sur la pelouse, drapeau algérien en main. La rencontre est interrompue quelques minutes.
Un "ratage complet"
Finalement, l'arbitre portugais décide de mettre un terme à la rencontre. Agacés par cette décision, les supporters jettent des bouteilles en plastique en direction de la tribune officielle, dans laquelle Lionel Jospin s'était installé.
Touchée par un projectile, Marie-George Buffet prend la parole au micro du stade de France pour calmer la situation. "Rentrez chez vous dans le calme et l'amitié", lance à son tour le président de la FFF, Claude Simonet, "copieusement hué", se rappelle l'ancienne ministre des Sports. Tant bien que mal, les CRS évacuent la pelouse. Au terme de ce match mouvementé, les forces de l'ordre procéderont à dix-sept interpellations.
Dans les couloirs du Stade de France, un goût d'inachevé prend le dessus. "C'est dommage que cela soit gâché. On est déçu", explique le capitaine des Bleus, Marcel Desailly, à la fin de la rencontre. "Le match tenait toutes ses promesses et il a été victime de sa propre densité passionnelle", tente d'expliquer à l'époque l'ambassadeur d'Algérie en France, Mohamed Ghouali.
Quelques jours plus tard, dans les colonnes du Monde, Claude Simonet ne cachait pas non plus sa tristesse, pointant que "ce match aurait pu montrer, dans une période difficile, que le football pouvait rassembler".
Un sentiment partagé par Marie-Georges Buffet : "Il me reste cette impression d'immense gâchis. La France et l'Algérie ont une histoire difficile, mais commune. Ce match était une belle occasion de rapprocher nos deux nations, de faire de cette épreuve sportive un symbole de coopération." Une amertume qui, vingt ans après, hante encore l'ancienne ministre des Sports. "Je repense souvent à cet épisode avec l'impression d'avoir assisté à un ratage complet."
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