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Le prix du pétrole, un baril de poudre pour l’Algérie

La chute des cours du pétrole se poursuit. Et en cet été 2015, le gouvernement algérien a dû se résoudre à revoir à la baisse son budget. Les recettes sont estimées en recul de près de 50%. A terme, ce sont toutes les aides sociales qui risquent d'être amputées. La paix civile est menacée.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Les torchères du centre pétrolier de Hassi Messaoud (1980). (AFP)

Les recettes attendues des exportations d'hydrocarbures, la principale ressource de l’Algérie, sont désormais fixées à 34 milliards de dollars contre environ 60 initialement. En comparaison, en 2014, ces exportations avaient généré 68 milliards de dollars de recettes. Autant dire que l’avenir est sombre.

Le pays, qui veut maîtriser son commerce extérieur pour économiser des devises, prévoit des importations atteignant 57,3 milliards de dollars, contre 65 milliards dans la loi de finance initiale. Le budget a été calculé sur la base d'un prix théorique de référence de 37 dollars le baril de pétrole. 

Les conséquences sont avant tout sociales. Car le budget algérien 2015  prévoyait plus de 17 milliards de dollars en transferts sociaux. L’éducation, la santé, le logement et la famille sont les principaux chapitres concernés. Parmi ces aides, il y a l'ANSEJ, réservé aux jeunes créateurs d'entreprise. Elle finance 30% des projets avec des prêts sans intérêt. En 2013, elle a soutenu 43.000 projets, soit 96.000 emplois esperés. Quel sera son avenir si les ressources manquent ?

Acheter la paix sociale
Le gouvernement subventionne aussi les produits de première nécessité (céréales, lait, sucre, huile alimentaire), l'énergie (carburants, gaz, électricité) et l'eau. Une facture globale évaluée à 40 milliards de dollars, soit presque autant que le déficit budgétaire de 42 milliards de dollars.

Le pouvoir se félicite de cette politique. «Les transferts sociaux…sont d’un niveau  incomparable dans le monde entier», a déclaré le président Bouteflika dans un récent discours.
 
Mais la réalité frappe à la porte. L'Algérie a adopté fin juillet un budget rectificatif 2015 prévoyant une baisse de 50% du revenu des exportations, essentiellement pétrolières, et de nouvelles mesures fiscales pour compenser en partie cette baisse. Le budget rectifié prévoit des recettes globales de 49 milliards de dollars et des dépenses de 81 milliards, soit un déficit de 32 milliards de dollars contre 42 dans le budget initial.
 
Pour l'instant, le Premier ministre Abdelmalek Sellal écarte une «politique d'austérité» qui «a toujours engendré la pauvreté». Il entend «remplacer la politique de la dépense publique par la performance économique». Mais pour le site TSA, cette politique n’est pas tenable sur le long terme. «Les réserves de changes de l’Algérie… (ont) diminué de 20 milliards de dollars en trois mois» analyse le site. «Au mieux, l’Algérie a donc en réserve deux ou trois ans d’importation avant que le FMI ne vienne taper à la porte».
 
Quant à la reprise par la performance économique, le site ne la voit pas trop. Le pays produit trop peu dans une économie peu diversifiée. 

Premiers ratés
Et contrairement aux assertions du gouvernement, les clignotants se mettent au rouge. Selon le journal Liberté, des projets structurants commencent à être gelés notamment dans le bâtiment. Sept entreprises chinoises se trouvent sans plan de charge.
 
Le coup de grâce va peut-être venir d’Iran. Le pays, dans la droite ligne des accords sur le nucléaire, va revenir sur le marché pétrolier à la fin de l’année, ajoutant de l’abondance à l’abondance. L’Opep dépasse déjà chaque jour son plafond de production de 30 millions de barils par jour. A quel niveau vont alors se situer les cours?

Alors évidemment, les affres des années de plomb ressurgissent. La guerre civile des années 90 trouve en partie ses racines dans le crash des cours du pétrole. Le quotidien Le Monde écrit Tout le monde se souvient que la chute du prix du pétrole au milieu des années 1980 a été le prélude aux émeutes d’octobre 1988 et à la violente décennie qui a suivi.» 

L’opposition accuse le pouvoir «d’acheter la paix sociale». Mais sans transferts sociaux, chers au président Bouteflika, la rue pourrait de nouveau se tourner vers n’importe quel extrémisme.

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