"On se fait accuser de crime pour un drapeau" : en Algérie, au moins 16 personnes en détention provisoire pour avoir manifesté avec l'emblème berbère
Les militants des droits de l'homme dénoncent un "grave dérapage" après qu'une une centaine de personnes ont été arrêtées lors de la manifestation de vendredi.
Le pouvoir algérien durcit le ton. Au moins 16 manifestants ont été placés sous mandat de dépôt par la justice à Alger, dimanche 23 juin, selon plusieurs avocats réunis au sein d'un collectif de défense. Trois autres ont été renvoyés au commissariat pour un complément d'enquête.
Ces manifestants sont accusés d'avoir brandi ou possédé des drapeaux berbères lors de la manifestation de vendredi et ils sont poursuivis pour "atteinte à l’unité nationale" et "atteinte à l’emblème nationale". En attendant l'instruction de leur dossier, ils ont donc été placés en détention. Les avocats ont annoncé leur intention de faire appel de cette décision.
La stupéfaction était grande parmi les militants des droits de l'homme réunis à la sortie du tribunal de Sidi M’hamed. La décision de la justice algérienne leur paraît inédite depuis le début des manifestations en février. "Je suis très en colère. Le général Gaïd Salah [le chef d'état-major de l'armée] n'a rien compris. Il ne sait plus ce qui se passe dans son pays et il attise la division. On se fait accuser de crime pour un drapeau", confie à franceinfo Othmane Aouameur, activiste et militant des droits de l'homme.
"Le drapeau berbère est devenu un symbole d'unité"
Les militants soulignent que cette décision n'a aucun fondement juridique. "C’est une décision absurde. (...) Ils n'auraient même pas dû être interpellés", a déclaré à la presse Aouicha Bekhti. Selon cette avocate membre du réseau contre la répression, la justice s'est appuyée sur l'article 79 du Code pénal pour leur reprocher une "atteinte à l’intégrité du territoire". L'identité berbère (ou amazighe) est un sujet sensible en Algérie, où un quart de la population, soit environ 10 millions de personnes, est berbérophone. "Mais le drapeau amazigh est devenu un symbole de l'unité nationale", répond Othmane Aouameur.
Moi je me considère amazigh, même si je ne le suis pas, en solidarité avec mes frères.
Othmane Aouameurà franceinfo
Lors de la manifestation de vendredi, une centaine de personnes ont pourtant été arrêtées par les forces de l’ordre en possession de ce drapeau, après la consigne donnée par le général Ahmed Gaïd Salah de ne tolérer aucun autre drapeau que "l'emblème national". Une grande partie de ces manifestants ont été rapidement libérés, mais certains ont finalement été présentés devant le procureur de la République.
"La liberté n'a aucun sens dans un pays en otage"
"Le pouvoir tente d'utiliser la carte de la division pour détourner le mouvement de son but. Ce n'est pas la justice qui décide, car celle-ci est toujours dans les mains du système", poursuit Nassim Yassa, secrétaire national chargé de la jeunesse au sein du Rassemblement pour la culture et la démocratie.
Je pense que c'est un grave dérapage du pouvoir. Ils veulent désorienter un mouvement pacifique, mais ce que n'a pas compris le pouvoir, c'est que le peuple est déterminé à obtenir le départ du système.
Nassim Yassaà franceinfo
De son côté, Aouicha Bekhti a tenu à transmettre une déclaration de Messoud Leftissi, son client visé par un mandat de dépôt, avant son incarcération à la prison d’El Harrach : "La liberté n’a aucun sens dans un pays en otage. Continuez à vous battre pour libérer l'Algérie."
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