Comment l'Algérie a plongé malgré elle dans le conflit malien
La prise d'otages en Algérie révèle les faiblesses de ce voisin du Mali qui avait tenté d'éviter un conflit avant d'y être entraîné.
Le bilan n'a pas été confirmé de source officielle, mais tout porte à croire que la prise d'otages massive en Algérie a tourné au bain de sang, jeudi 17 janvier. Trente-quatre otages et 15 ravisseurs auraient été tués sur le site gazier d'In Amenas, alors que vendredi 18 janvier au matin l'intervention de l'armée algérienne ne semblait pas terminée. Moins d'une semaine après le début de l'intervention française, cet événement plonge brutalement l'Algérie dans le conflit malien et révèle dans toute sa nudité ses faiblesses.
Alger dépassée par les événements
Pendant des mois, Alger a pourtant tout tenté pour éviter un conflit au Mali et ne pas en subir les répercussions. Rechignant à donner son feu vert à une opération militaire au Nord-Mali, elle a essayé d'amener les islamistes maliens d'Ansar Dine à négocier, les dissociant des groupes dits "terroristes". Sans succès. Ansar Dine a mené un jeu de dupe et choisi de suivre les islamistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) dans leur offensive contre le Sud-Mali.
Tout s'est alors enchaîné. La France s'est portée au secours du Mali. Acculée, l'Algérie n'a eu d'autre choix que de choisir son camp. Et au deuxième soir de l'intervention, après un bien long silence, elle a apporté "un soutien sans équivoque aux autorités maliennes de transition". Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, n'a par la suite même pas laissé le temps aux Algériens d'annoncer eux-même qu'ils avaient ouvert leur espace aérien aux Rafale qui frappaient les jihadistes au Mali. Une rupture avec le principe de non-ingérence algérien. Et comme en ricochet, au cinquième jour de l'opération Serval, un commando islamiste a frappé l'Algérie sur son propre sol, à plus de 1 500 km du Nord-Mali.
Une attaque attendue...
Contacté par francetv info, Hasni Abidi, qui dirige le Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), dit ne pas avoir "été surpris" par la prise d'otages. Les jihadistes avaient annoncé qu'il y aurait des représailles et "dans le sud de l'Algérie, il y a déjà eu plusieurs tentatives de sabotage".
Pour lui, "l'opération a été préparée de longue date", sur un territoire où "il y a un réservoir de combattants assez conséquent". En effet, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), d'où vient le chef des preneurs d'otages, est une lointaine émanation du Groupe islamique algérien (GIA) et du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui ont fait régner la terreur en Algérie dans les années 90.
... mais inédite
S'il ne s'étonne pas non plus d'une riposte des islamistes, Yves Trotignon, ancien de la DGSE et spécialiste du terrorisme radical, explique à francetv info être stupéfait par la dimension de l'attaque. "On s'attendait à des prises d'otages ou à des attentats au Sahel ou dans le Nord algérien, voire éventuellement à des petites attaques contre des sites pétroliers. Mais une attaque de cette ampleur est une surprise." Pour lui, "c'est unique en Algérie". Même durant la guerre civile (dans les années 90), une sorte d'accord tacite entre islamistes et militaires préservait les sites d'exploitation d'hydrocarbures. Cette fois, ils ont frappé au "cœur économique du pays", souligne Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabe, interrogé par L'Expansion.
Or, "l'armée algérienne ne sait pas gérer une prise d'otage de masse", analyse Yves Trotignon. Ces coups d'éclat terroristes se soldent d'ailleurs en général par des dizaines de morts, comme à Moscou (Russie, 2002, 130 morts), Beslan Ossétie-du-Nord, 2004, 331 morts), ou encore Bombay (Inde, 2008, 170 morts). "Contre des jihadistes qui sont prêts à mourir, qui veulent vous détruire, il n'y a pas d'issue favorable. On cherche alors à avoir l'issue la moins défavorable possible", poursuit le spécialiste. Peu de pays seraient d'ailleurs en mesure de lutter contre ce type d'attaques. Le GIGN français s'y préparerait.
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