Bénin : Patrice Talon enfin président après une longue traversée du désert
Il avait rêvé d’être pilote de ligne. Sans succès. Avant de devenir «le roi du coton» et l’homme le plus riche du Bénin.
A la tête d’un véritable empire, Patrice Talon fut longtemps un acteur incontournable de deux secteurs-clé de l’économie béninoise : le coton et le port de Cotonou.
Il commence à s’intéresser à la politique au début des années 1990 et n’hésite pas à piocher dans son immense fortune pour financer des candidats à la magistrature suprême de son pays.
C’est lui qui a mis en selle le président sortant Thomas Boni Yayi dont il a largement financé les campagnes en 2006 et en 2011, avant de devenir son pire ennemi.
Une longue traversée du désert
La chute est vertigineuse. Patrice Talon, le faiseur de roi, est accusé d’être l’instigateur d’une rocambolesque affaire de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat. Mais l’homme a déjà fui son pays pour échapper aux accusations de malversations.
«J’ai quitté Cotonou par la brousse, j’étais menacé»avait-t-il confié à l’hebdomadaire Jeune Afrique en Novembre 2012 alors qu’il s’était installé dans la capitale française.
Arrêté en France, puis libéré, il est à nouveau accusé en 2013, d’être impliqué dans une tentative d’attentat à la sûreté de l’Etat. Sa longue traversée du désert s’achèvera en mai 2014. Le président Thomas Boni Yayi lui accorde le pardon et lui permet de rentrer de son exil parisien.
De retour dans son pays en 2015, il se lance aussitôt dans la course à l’élection présidentielle, «Peut être une façon de se protéger en devenant un acteur politique important au lieu d’être un homme d’affaires riche mais vulnérable», analyse Gilles Yabi, fondateur du cercle de réflexion ouest-africain Wathi, basé à Dakar.
Le candidat de la rupture
Pendant sa campagne, Patrice Talon se définit comme «le candidat de la rupture». Rupture avec le système Yayi Boni dont il a dressé un bilan désastreux lors du face-à-face télévisé qui l’a opposé à Lionel Zinsou, le candidat soutenu par le président sortant. «Une république bananière, devenue la risée du monde», a martelé Fabrice Talon, reprochant à son adversaire d’être complice «d’un Etat voyou».
Tout au long de la campagne qui s’est déroulée sans grand incident, l’homme d’affaire béninois s’est attaché à accuser son adversaire, un métis franco-béninois, d’être un maillon de la Françafrique en insistant sur sa supposée méconnaissance du pays.
«Vous êtes un Premier ministre français, vous êtes français» ou encore, vous avez «le syndrome du gouverneur dans une contrée de sauvages», avait-t-il lancé à Lionel Zinsou.
Des accusations qui ont fait mouche auprès d’un électorat surpris par «le parachutage» d’un candidat nommé premier ministre en Juin 2015, après avoir fait sa carrière loin du marigot politique béninois.
Patrick Talon a été soutenu, au deuxième tour, par 24 candidats parmi lesquels, Sébastien Ajavon, un autre homme d’affaires béninois qui a fait fortune dans l’agro-alimentaire. Il était arrivé troisième au premier tour du scrutin. De quoi susciter quelques interrogations des observateurs de la vie politique béninoise.
«Jusque là, les hommes d’affaires béninois se contentaient de financer la campagne des hommes politiques. Cette fois-ci, ils ont décidé eux-mêmes d’aller au charbon, de devenir calife à la place du calife. Le problème que cela peut poser, c’est qu’il y ait confusion de genre pour ces gens qui sont déjà en position dominante dans l’économie et qui contrôlent le pouvoir politique.
Est-ce-que il n’y a pas de risque pour le pluralisme et la démocratie» ?, s’interroge Francis Kpatindé, journaliste et enseignant à Sciences-Po Paris. Un bon connaisseur du Bénin.
Sa réussite sociale fait rêver
Patrice Talon avait épaté les électeurs en se rendant dans son bureau de vote, le 6 mars 2016, au volant de son coupé Porsche. Sa réussite sociale et son goût pour le luxe font rêver une partie de la jeunesse béninoise, qui voit en lui celui qui saura créer des emplois et de la richesse à l’échelle du pays.
Il promet de faire table rase du passé. Outre le chômage des jeunes, le successeur de Boni Yayi devra s’atteler à la lutte contre la corruption et fournir aux Béninois une meilleure éducation et de meilleurs services de santé.
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