Disparition de Français au Bénin : "Le nord du pays à la frontière du Burkina Faso est soumis à une insécurité grandissante"
Le journaliste Antoine Glaser décrit la tendance des groupes jihadistes de la zone sahélo-saharienne à descendre vers le sud et les zones côtières.
Le 4×4 des deux touristes français et de leur guide disparus dans un parc naturel au nord du Bénin depuis mercredi soir a été retrouvé, vide, samedi soir au Burkina Faso, et le corps d'un homme a été découvert quelques mètres plus loin. Il pourrait s'agir du guide mais il n'y a pas pour l'heure de certitude. Antoine Glaser, journaliste et spécialiste de l'Afrique, co-auteur de Nos chers espions en Afrique.
franceinfo : Le Bénin, ancienne colonie française, est-il toujours considéré comme un pays calme en Afrique de l'Ouest, et comme une démocratie épargnée par les mouvements terroristes présents notamment au Nigeria voisin ?
Antoine Glaser : Le nord du Bénin est fortement déconseillé depuis quelques mois, plutôt du côté du Niger [au Nord] et du Nigeria [à l'Est], avec Boko Haram. Depuis quelques mois, il y a une pénétration de groupes jihadistes au Burkina Faso. De l'autre côté de la frontière du Bénin, là où on a retrouvé la voiture, il y a beaucoup de groupes jihadistes. Le Burkina Faso est un pays menacé et le nord du Bénin, qui jouxte la frontière du Burkina Faso, est soumis à une insécurité grandissante. C'est toujours difficile de dire aux touristes de ne plus aller du tout dans cette région, dans ces parcs naturels. Maintenant qu'il n'y a plus de touristes, ni de coopérants, ni d'ONG, dans cette zone sahélo-saharienne, ça permet aux jihadistes de s'imposer et de vouloir imposer leur loi dans toute cette région.
Parle-t-on de groupes terroristes qui étaient présents au Mali et qui ont infiltré ces dernières années le Burkina Faso ?
Le Burkina Faso est un pays extrêmement compliqué au niveau de la sécurité. En mars 2016 les jihadistes étaient descendus jusqu'en Côte d'Ivoire et avaient attaqué des complexes hôteliers de Grand-Bassam, il y avait eu plus de vingt morts. Dans toute cette zone, la zone sahélo-saharienne de la Mauritanie au Tchad, la tendance générale des groupes jihadistes, c'est de descendre, même s'ils n'y sont pas implantés, vers la zone côtière, où il y a encore énormément de tourisme – et heureusement pour ces pays.
Peut-on poser l'hypothèse d'un enlèvement de ces deux touristes, dans ce contexte-là ?
C'est compliqué, mais ça rappelle tellement la famille Moulin-Fournier, qui s'était faite enlever en 2013 dans un parc naturel au nord du Cameroun par des Nigérians de Boko Haram. Le modus operandi, le fait de retrouver la voiture au Burkina Faso, cela ressemble effectivement à un enlèvement. Il faut être très prudent. Cette zone est très déconseillée. C'est d'ailleurs assez curieux, car autant le parc national du W, du côté du Niger, est fortement déconseillé par le quai d'Orsay, mais le parc de la Pendjeri, où ils ont été enlevés, n'était pas totalement déconseillé [le site du ministère des Affaires étrangères indique, pour la "zone frontalière burkinabé et nigérienne", que "compte tenu de la présence de groupes armés terroristes et du risque d’enlèvement, les déplacements à la frontière nord du Bénin sont formellement déconseillés"].
Que fait le Bénin face à la progression de ces groupes armés ?
Au Bénin ou au Togo voisin, il y a une sorte de mobilisation et de surveillance du nord, depuis que le Burkina Faso est en train de basculer dans un certain nombre de problèmes d'insécurité avec les jihadistes. Mais actuellement, il y a une crise politique extrêmement forte au Bénin, entre le président Patrice Talon et son opposition. Il essaie de passer en force et de changer la constitution, il a l'Assemblée nationale à sa main, il y a eu des élections législatives où il y a eu un taux d'abstention de 80%. Ça ne favorise pas une mobilisation générale des forces de police. Ces derniers jours, elles étaient beaucoup plus dans la capitale économique, à Cotonou, face à l'opposition, avec énormément de manifestations.
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