Cameroun : les ravisseurs ont-ils reçu une rançon?
La France a pour doctrine de ne jamais verser de rançon. Mais elle pourrait avoir fait une exception pour la famille Moulin-Fournier.
Les sept otages français étaient supposés être retenus au Nigeria, mais la bonne nouvelle est venue du Cameroun, via un communiqué présidentiel lu sur les ondes de la radio nationale. "Les sept otages français enlevés le 19 février 2013 à Dabanga (nord) ont été rendus cette nuit aux autorités camerounaises." Une annonce déroutante dans une prise d'otages qui, depuis le début, ne cesse de surprendre et pose une nouvelle question : les ravisseurs ont-ils été payés ?
Piste crapuleuse
A lire le communiqué de la présidence camerounaise, ce ne sont donc pas des forces spéciales, françaises ou camerounaises, qui ont libéré les otages, comme cela avait été tenté en Somalie. Ils ont bien été "rendus" après des négociations.
Pour un ancien de la DGSE, cette libération au Cameroun "confirmerait la piste criminelle locale de l'enlèvement crapuleux plutôt qu'une quelconque action terroriste". Le nord du Cameroun, comme la Centrafrique et le sud du Tchad, est une région déconseillée aux voyageurs car écumée par des coupeurs de routes. Ces bandes armées dressent des barrages et détroussent, enlèvent, violent, voire assassinent les voyageurs. La famille Moulin-Fournier a ainsi été interceptée par des hommes juchés sur quatre motos et armés de kalachnikovs. La piste crapuleuse était aussi évoquée par la lettre spécialisée La Lettre A, qui annonçait, à juste titre, une libération imminente et indiquait que "le rapt relèverait d'une opération plus crapuleuse que politique".
Boko Haram à sec
La piste terroriste n'a "jamais été très consistante", ajoute l'ancien de la DGSE. La mouvance islamiste nigériane Boko Haram et le groupe dissident spécialisé dans les enlèvements Ansaru ont été rapidement évoqués. Il a fallu attendre presque une semaine avant qu'une première vidéo de Boko Haram ne vienne revendiquer l'enlèvement. Deux autres suivront. Une surprise : c'est la première fois que la secte enlève des étrangers. En effet, Boko Haram s'en prend surtout aux chrétiens nigérians et aux représentants de l'autorité dans le nord du Nigeria.
Or cette nouveauté trouve peut-être son origine dans un besoin de renflouer les caisses. Bon connaisseur de Boko Haram à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), Laurent de Castelli, joint par francetv info, explique que l'organisation pourrait rencontrer "des problèmes financiers". Au début des années 2000, la secte islamiste tirait en partie son financement des sympathies d'hommes politiques locaux. Mais après la mort de son premier leader en 2009, la mouvance a connu une dérive mafieuse et s'est radicalisée, jusqu'à devenir infréquentable. "Certains n'ont plus voulu poursuivre leur financement, voyant que le mouvement se radicalisait et que la situation leur échappait", explique Laurent de Castelli.
Rançon ou libération de prisonniers ?
Du coup, les ravisseurs sont-ils parvenus à extorquer une rançon à la France ou à GDF Suez, l'employeur de Tanguy Moulin-Fournier ? François Hollande a répondu que des "contacts" avaient permis d'"obtenir la liberté". Questionné par des journalistes à l'issue d'une conférence de presse, il a soutenu que la France "ne cède pas sur les principes" : le "non-versement par la France de rançons".
En effet, Paris affirmait récemment ne pas négocier avec les terroristes. Avec une multiplication des prises d'otages, Paris a clairement laissé entendre que l'exception française de la gestion des otages avait vécu. Plus question de payer, surtout Al-Qaïda au Maghreb islamique, contre qui la France est en guerre. Y a-t-il eu une exception pour Boko Haram, qui reste un problème confiné au Nigeria ? "Il semblerait que la France n'ait pas complètement renoncé à payer des rançons", glisse l'ancien de la DGSE. Dans son communiqué, la présidence camerounaise remercie d'ailleurs "les gouvernements du Nigeria et de la France pour leur aide". Une bonne connaisseuse de la région n'imagine pas non plus qu'il n'y ait pas eu de contrepartie et estime que "la France joue un jeu dangereux".
A moins qu'une autre solution n'ait été trouvée. Laurent de Castelli rappelle que les preneurs d'otage avaient aussi réclamé "la libération des femmes et des enfants des membres de Boko Haram détenus au Nigeria et au Cameroun". Le président nigérian, Goodluck Jonathan, a aussi montré des signes de détente en acceptant d'envisager une amnistie des membres de Boko Haram.
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