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Centrafrique : la filière du diamant reste sous surveillance
Les diamants centrafricains sont de retour sur le marché international. Le gouvernement a obtenu une levée partielle de l'embargo sur ses pierres précieuses. Mais la filière reste sous surveillance en raison du trafic illégal des diamants de la guerre qui se poursuit au profit des chefs rebelles.
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Des pierres précieuses d’une qualité rare, prisées pour leur utilisation dans les bijoux et les montres. Les experts classent le diamant centrafricain parmi les cinq premiers au monde. Mais de nombreux Centrafricains maudissent cette richesse qu’ils considèrent comme responsable de leur malheur.
Comme l’indique International Crisis Group, «la RCA est un Etat qui a longtemps cessé d’exister. Et le diamant y est pour quelque chose.»
La malédiction du diamant
En effet, les mines de diamants ont été au cœur des affrontements qui opposent depuis plus de deux ans les milices Seleka (musulmans) et les anti-balaka (chrétiens). Deux groupes armés rivaux qui ont mis le pays à feu et à sang.
C’est pour empêcher que l’argent de ce minerai ne serve à alimenter les violences que les inspecteurs du processus de Kimberley avaient suspendu la vente du diamant centrafricain sur les marchés mondiaux.
«En vérité, le diamant nous a rendus plus malheureux qu’heureux», déplore Maxime Kazagui, représentant du gouvernement centrafricain aux négociations du processus de Kimberley.
Le processus de Kimberley
Le processus de Kimberley a été mis en place par les pays producteurs de diamants d’Afrique australe réunis dans la ville sud-africaine de Kimberley en mai 2000. Ils voulaient mettre un terme au commerce des «diamants de la guerre» qui financent les activités des mouvements rebelles violents.
C’est cette organisation qui a autorisé en juin 2015 le gouvernement centrafricain à vendre à l’étranger une partie de ses diamants. Ceux produits dans les zones de l’Ouest, considérées comme zones vertes placées sous son contrôle. La mesure ne concerne pas les diamants des autres régions du pays.
«Le processus de Kimberley pense que dans les zones qui ne sont pas sous contrôle de l’Etat, où l’administration est inexistante et où les armes circulent, les diamants sont vendus pour entretenir les conflits et les rébellions», explique Joseph Agbo, le ministre centrafricain en charge des Mines et de la géologie.
Si cette levée partielle de l’embargo va pouvoir assurer quelques recettes d’exportation au gouvernement, elle ne représente qu’une goutte d’eau par rapport aux sommes générées par les réseaux d’exportation illégale.
La vente frauduleuse se poursuit
Selon la BBC, le Cameroun serait devenu la terre d’accueil de la plupart des collectionneurs musulmans de diamants qui ont fui la Centrafrique. En novembre 2014, l’ONU estimait à 140.000 carats les diamants exportés illégalement depuis l’entrée en vigueur des sanctions imposées à Bangui en mai 2013. C’est l’équivalent de 24 millions de dollars en 18 mois. «Plus la suspension persiste, plus les vautours sont en train de s’installer en Centrafrique pour détourner nos ressources», déplore Victorien Koyandakpa, exportateur de diamant basé à Bangui au micro de La voix de l’Amérique.
L’industrie du diamant fournit normalement 51% des recettes d’exportation de la Centrafrique. L’on comprend pourquoi les autorités de Bangui veulent obtenir la levée totale de l’embargo qui frappe ses pierres précieuses.
Une perspective pas du tout rassurante pour l’organisation internationale Crisis Group. «Ce n’est pas en partageant les bénéfices du commerce des diamants entre les seigneurs de guerre et l’Etat centrafricain qu’on va stabiliser l’économie», note Thierry Vircoulon en charge de la RCA au sein de cette ONG.
Pour lui, la reprise du commerce va favoriser les «seigneurs de guerre» qui tiennent les zones de production. Il faut, dit-il, stopper d’abord la contrebande de diamants avant d’envisager la levée totale des sanctions imposées par le processus de Kimberley.
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