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La Centrafrique va-t-elle à nouveau s’embraser? L'ONU se montre préoccupée

Dans un rapport d’activité révélé le 9 juin 2017 par l’AFP, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, se dit «préoccupé par l'instabilité généralisée» en Centrafrique. L’ONU y redoute un «embrasement» en raison d’un regain d’affrontements «à connotation religieuse et ethnique». Des violences qui se déroulent dans une relative indifférence malgré la gravité des crimes.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Miliciens anti-Balaka marchant près d'un casque bleu de l'ONU dans le village de Makunzi Wali en Centrafrique, le 27 avril 2017. (REUTERS - Baz Ratner)

Antonio Guterres se dit également préoccupé «par la persistance des violations des droits de l'Homme (…), de même que par les attaques ciblant des soldats de la paix des Nations Unies dans le sud-est du pays». Six Casques bleus ont été tués en mai à Bangassou et sa région, théâtre avec d'autres localités (Alindao, Bria) d'un regain de violences.

«La tendance actuelle à l'embrasement préoccupe au plus haut point la communauté humanitaire», s'alarme le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) dans son bulletin mensuel de mai. «Pour la première fois depuis août 2014, le nombre des déplacés a dépassé la barre des 500.000 personnes. Il est passé de 440.400 personnes en avril à 503.600 en mai, soit une augmentation de 14%», écrit l’Ocha. La Centrafrique compte également plus de 400.000 réfugiés dans les pays voisins (Tchad, Cameroun...) pour une population de 4,5 millions d'habitants.

«Les affrontements prennent de plus en plus une connotation religieuse et ethnique. Ce fait nouveau est alarmant, car c'est sur cette base que le pays a sombré en décembre 2013», poursuit l’organisme onusien. A cette époque, des massacres de masse entre Séléka pro-musulmans et anti-Balaka pro-chrétiens avaient ravagé la Centrafrique. L'intervention de la France et des Nations Unies a ramené le calme dans la capitale Bangui, mais pas dans l'intérieur du pays.

De son côté, Médecins sans Frontières (MSF) redoute que Bambari, la deuxième ville du pays, ne retombe à son tour dans le chaos avec l'afflux de personnes déplacées par les récents affrontements. «Les déplacés représentent déjà 60% de la population et les habitants s'inquiètent du fait que la violence, qui a submergé Bangassou et Bria depuis début mai sous la forme de massacres, ne touche Bambari», rapporte MSF dans un communiqué cité par l’AFP.

Dans le camp de réfugiés de Kaga Bandori (Centrafrique) le 18 octobre 2016 ( AFP - EDOUARD DROPSY )

Crimes de guerre et/ou contre l’humanité?
La Centrafrique se trouve ainsi prise dans un nouveau cycle de guerre à l’issue imprévisible. Et ce «dans une relative indifférence et une totale impunité des auteurs malgré la gravité des crimes contre l’humanité commis dans ce pays depuis des années», comme l’écrit Le Monde. Une analyse confirmée par un autre document de l’ONU, intitulé Rapport du Projet Mapping documentant les violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République centrafricaine de janvier 2003 à décembre 2015. Rapport rendu public en mai 2017.

La période étudiée «a été marquée par une succession de crises politiques majeures caractérisées par des conflits armés entre forces gouvernementales et groupes armés, voire parfois entre différents groupes armés rivaux. Un grand nombre de civils ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires et de violence sexuelle ou basée sur le genre, d’autres ont été mutilés, torturés, sévèrement maltraités, violés et déplacés de force ou ont disparu. Des milliers d’enfants mineurs ont été recrutés par des groupes armés. Les biens de nombreux civils ont été pillés et leur foyer détruit», lit-on notamment dans le document.

Le rapport onusien a répertorié «620 incidents». Lesquels «constituent des violations graves relevant du droit international (…) qui pourraient également constituer des crimes internationaux, notamment des crimes de guerre et/ou des crimes contre l’humanité».

Violences venant de partout
Pendant la période étudiée, toutes les parties semblent avoir commis des violences. C’est notamment le cas «des groupes armés (provenant) à la fois de la République centrafricaine (…) et des pays voisins (notamment de la République démocratique du Congo (MLC), du Tchad (le Front populaire pour le rétablissement, connu comme le FPR) et l'Ouganda (la LRA.

De leur côté, «les forces de défense centrafricaines (les FACA et la Garde présidentielle) ainsi que dans une moindre mesure des forces armées étrangères opérant dans le pays, ont commis de graves violations du droit international humanitaire qui pourraient constituer des crimes de guerre», poursuit le rapport Mapping.

Des enfants marchent, le 24 avril 2017, près des ruines de maisons détruites en 2013 à Bangui, capitale de la République centrafricaine. (REUTERS/Baz Ratner)

De décembre 2013 à avril 2014, les Tchadiens formaient le plus important continent de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca), devenue la Minusca. Ils ont été accusés d’exactions. Des accusations rejetées par le Tchad qui les qualifie d’«allégations mensongères». Dans le même temps, «la justice française a clos plusieurs enquêtes à l’encontre de 14 soldats français, sur des viols présumés qui auraient été commis en Centrafrique pendant l’opération Sangaris entre décembre 2013 et juin 2014», rappelle Jeune Afrique

Divisé en deux
Dans cette situation confuse, «le pays s’est retrouvé globalement divisé en deux, une grande partie des régions du Sud et de l’Ouest étant aux mains des anti-Balaka, et la plupart des régions du Nord et de l’Est, occupées par (la Séléka)», constate Mapping. Bangui, la capitale, est «l’un des rares endroits où l’Etat (a continué) d’exercer un certain contrôle».

Pour autant, en 2017, la situation reste toujours aussi confuse. Antonio Guterres demande ainsi aux «partenaires régionaux et sous-régionaux» de l’ONU de «tout faire» pour éviter que les rebelles ougandais de la LRA profitent «de l'appel d'air» créé dans le sud-est par le retrait de l'armée ougandaise et des forces spéciales américaines qui étaient venues pour traquer, sans succès, Joseph Kony, le chef de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Un homme que Géopolis décrivait, dès 2012, comme un «chef de guerre mystique et sanguinaire».

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