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Christian Eboulé : «Etudier en France était synonyme d'excellence»

Dans les années 80, nombreux sont les étudiants issus de pays sympathisants de l'URSS à avoir poursuivi leurs études «au pays des Popofs», comme le disait alors Christian Eboulé. Mais très vite, le jeune Camerounais va fuir le froid et le racisme pour tenter de s'installer en France.
Article rédigé par Hervé Pozzo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Christian Eboulé est aujourd'hui chef d'édition pour TV5 (HP/FTV)
«Dès le lycée, nous savions que l'excellence se trouvait en France, nous savions que ceux qui y étudieraient auraient un bon travail, un logement... qu'ils réussiraient. Nous savions aussi que ceux qui étudieraient en URSS seraient des losers... et nous les méprisions!» 

Mais le jeune homme «fait le con», préférant le football ou les sorties au bachotage, et n'obtiendra pas de bourse pour étudier en France. Il s'inscrit à l'université de Yaoundé «en pointillé» et c'est l'un de ses camarades qui va lui annoncer son départ pour Moscou. Sans le consulter son père a remué ciel et terre pour lui permettre d'aller étudier en URSS. Un désastre pour Christian Eboulé.

A son arrivée le jeune homme découvre des conditions de vie relativement confortables. Après des négociations sonnantes et trébuchantes avec le «commandant» de son bloc il s'installe dans une chambre individuelle. L'Etat camerounais lui octroie 5000 francs (près de 800 euros) par an et l'URSS lui offre l'équivalent du salaire d'un ouvrier.

Mais un seul rêve l'habite : repartir.

«Les trois premiers mois je n'ai fait que pleurer. Je me raccrochai à l'idée qu'il existait une possibilité d'étudier à Paris.» Car le jeune homme s' est arrété une semaine en France (au lieu de 24 heures), avant de rejoindre Moscou. Au grand dam des autorités soviétiques qui n'imaginaient pas pareil désobeissance. M.Eboulé goûte alors aux joies et à l'effervescence de la nuit parisienne, noue des contacts.

Changement d'ambiance quelques jours plus tard : «C'était un film. Des officiers du KGB nous surveillaient, nous ne pouvions sortir car j'ai appris là-bas un mot que je ne connaissais pas encore : hooligan. Ils tapaient pour tuer. Chaque semaine, un cercueil repartait du campus mais personne ne le disait. Les noirs étaient les plus visés.»

Froid, racisme et piètres perspectives : Christian Eboulé décide de demander un visa pour la France et l'obtient. «J'étais Camerounais, alors c'était possible mais les ressortisants des pays frères, qu'ils soient Algériens, Congolais ou Cubains ne pouvaient sortir d'URSS.»

Les premiers jours à Paris se déroulent comme dans un rêve. Christian Eboulé peut sortir seul et «sent un vent de liberté le porter».

Mais très vite, il déchante et pas seulement parce que quelques skin-heads le coursent sans parvenir à le rattraper.

Il déchante car il ne peut suivre une formation parce que sans-papier. Il ne peut sortir comme il le veut, où il le veut car sans-papier.

La clandestinité sera son lot jusqu' à sa rencontre avec un couple parisien qui va l'héberger puis lui permettre d'obtenir, deux ans plus tard, le fameux récépissé de demande de titre de séjour provisoire. Le Graal.



«Jamais je ne conseillerai à quelqu'un de venir en tant que clandestin en France. C'est trop difficile, trop compliqué.»  Christian Eboulé se remémorre ces instants où il choisit d'éviter un quartier trop fréquenté par des étrangers, ces visites chez le médecin où il ne peut produire aucun papier attestant de son identité sauf sa carte d'étudiant, sans valeur. Une invisibilité qui confine à l'humiliation et dont le souvenir brouille encore son regard, 20 ans plus tard.
Après avoir été comptable pour TV5, Christian Eboulé y est devenu journaliste.

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