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Côte d’Ivoire : la réconciliation nationale à la peine

La réconciliation nationale a du plomb dans l’aile en Côte d’Ivoire. A sept mois de la présidentielle, Alassane Ouattara tente de relancer le chantier en créant une nouvelle commission.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Musulmans et chrétiens prient pour la réconciliation et l'unité le 16 mars 2013 au palais de la Culture d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. 
 (AFP PHOTO / SIA KAMBOU)

La réconciliation nationale est «officiellement» en panne en Côte d’Ivoire. La création mardi 24 mars 2015 d’un nouvel organe, la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (Conariv), sonne comme un aveu d’échec. Sa mission: «parachever les travaux de la (précédente) Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR)». Présidée par Charles Konan Banny, qui pourrait se présenter à la présidentielle de 2015, elle n’a pas produit de résultats probants après deux ans d'exercice (2011-2013)

«Le bilan pour nous est catastrophique. Nous sommes au regret de constater que la CDVR, contrairement à ses fondamentaux, a réussi à accentuer l’état traumatique des victimes», confiait Issiaka Diabi, le président du Collectif des victimes en Côté d’Ivoire (CVCI), à RFI en 2014. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a qualifié, elle, son bilan d'«extrêmement maigre». 
 

22 mars 2015. Henriette Diabaté, secrétaire général du Rassemblement des Républicains (RDR), chante l'hymne national lors du congrès d'investiture de l'actuel président ivoirien Alassane Ouattara pour la présidentielle d'octobre 2015.   
 (AFP PHOTO / SIA KAMBOU)

Les Ivoiriens attendent toujours la réconciliation nationale
L’annonce de la naissance de la nouvelle commission intervient quelques semaines après le procès des partisans de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI). Simone Ggagbo, l’ancienne première dame, a écopé de vingt ans de prison pour «atteinte à la sûreté de l’Etat» lors de la crise post-électorale de 2010.
 
«On lui inflige vingt ans de prison ferme alors que le procureur a requis dix ans. La réconciliation est pour le moins compromise», fait-on observer dans certains milieux politiques ivoiriens. Plus que le verdict, «c’est la totalité du processus judiciaire marqué par des imperfections  qui est une entrave» à la réconciliation nationale, estime Gilles Yabi, ancien directeur du projet Afrique de l’Ouest à Crisis Group et fondateur du think thank Wathi. Le régime Ouattara vient de manquer de faire de la justice «un instrument de réconciliation nationale et un moyen de rassurer les populations».

Depuis son arrivée au pouvoir, Alassane Ouattara est accusé par les partisans de Laurent Gbagbo et les organisations de défense des droits de l'Homme de conduire une justice des vainqueurs. «Pas un seul membre de l’armée nationale ni autre partisan du président Alassane Ouattara n’a pour l’instant été amené à rendre des comptes pour ses agissements, ce qui constitue un échec total sur le plan de l’établissement de l’état de droit et affaiblit gravement le processus de réconciliation entamé en juillet 2011 », soulignait Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur l’Afrique de l’Ouest dans un rapport publié en 2013. 


Le président ivoirien Alassane Ouattara (à droite) et son prédécesseur et désormais allié, Henri Konan Bédié (à droite), lors de l'inauguration du pont Philippe Grégoire Yace le 21 mars 2015.  (AFP/ISSOUF SANOGO)

Bédié-Gbagbo-Ouattara : trio infernal de la politique ivoirienne 
A l’approche de la présidentielle, les opposants à la politique d'Alassane Ouattara cherchent à s'organiser pour le contrer. Ainsi une nouvelle alliance contre-nature a vu le jour en Côte d'Ivoire le 18 mars 2015. La coalition anti-Ouattara rassemble notamment des membres du Front populaire ivoirien (FPI) et des mécontents du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dont plusieurs cadres auraient aimé êtres investis pour la présidentielle. 

Mais leur chef, l'ancien président Henri Konan Bédié, en a décidé autrement en misant sur Alassane Ouattara. Allié inconditionnel depuis le deuxième tour du scrutin de 2010, il fut pourtant celui qui a longtemps empêché Alassane Ouattara de prétendre à la magistrature suprême grâce à la révision constitutionnelle de 1994. L’article 35, qui stipule qu'un candidat doit être «ivoirien de naissance, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens de naissance», ajoute qu'«il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité». Ces dispositions visent à exclure, sans le nommer, Alassane Ouattara que l’on accuse alors d’être «burkinabè». 

Alliances et trahisons ont jalonné les rapports des successeurs de Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne. Dans un entretien accordé au journal ivoirien L’Expression, l'ancien ministre et diplomate Essy Amara, qui a servi sous Houphouët, Ouattara et Bédié, estime que les «principaux» responsables de la crise ivoirienne sont Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Pour Essy Amara, candidat à la présidentielle ivoirienne, il faudra «certainement une quatrième personne» pour «réaliser la réconciliation nationale». 

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