La Côte d'Ivoire ne reconnaît plus la compétence de la Cour africaine des droits de l'Homme
Ses actions "portent atteinte à la souveraineté de l'Etat", selon le gouvernement ivoirien.
La Côte d'Ivoire prend ses distances avec la Cour africaine des droits de l'Homme. Elle lui a retiré sa reconnaissance de compétence. En clair, aucune ONG, aucun individu, ne peut porter plainte contre le pays devant cette cour.
La décision du gouvernement ivoirien "fait suite aux graves et intolérables agissements que la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples s’est autorisés dans ses actions qui, non seulement portent atteinte à la souveraineté de l’Etat de Côte d'Ivoire, mais sont de nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des Etats et à saper les bases de l’Etat de droit, par instauration d’une véritable insécurité juridique", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Sidi Touré.
C'est une conséquence de l'Affaire Guillaume Soro. Le 22 avril 2020, la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples avait ordonné à la Côte d'Ivoire de suspendre le mandat d'arrêt contre Guillaume Soro et de remettre en liberté 19 de ses proches, emprisonnés depuis quatre mois. Guillaume Soro est accusé de détournement de fonds publics en 2007 alors qu'il était Premier ministre.
"Un Etat de droit"
"N'en déplaise à nos détracteurs, la Côte d'Ivoire est un Etat de droit. Tous les citoyens peuvent saisir les tribunaux sur toute l'étendue du territoire. Et notre justice est impartiale. A quoi nos tribunaux vont-ils servir, si un citoyen lambda peut saisir la Cour africaine des droits de l'Homme alors qu'il y a des possibilités que nous offrons au plan national ?", a déclaré Ally Coulibaly, le ministre des Affaires étrangères par intérim.
Cette décision "marque un recul pour les droits humains en Côte d'Ivoire", a déclaré Alice Banens, conseillère juridique pour l'Afrique à Amnesty International. Elle "intervient dans un contexte pré-électoral où le gouvernement ivoirien a multiplié les attaques contre des opposants politiques et des voix dissidentes", poursuit le communiqué d'Amnesty.
Incidents à répétition
La Côte d'Ivoire avait déjà eu maille à partir avec la Cour en 2019. L'opposition ivoirienne y avait réclamé la réforme de la commission électorale. Mais peu satisfaite par les modifications apportées, elle avait de nouveau saisi la Cour. D'où le sentiment exprimé par le gouvernement ivoirien que celle-ci sort de son rôle et devient un instrument de politique intérieure.
Le principe d'une Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples a été adopté le 10 juin 1998. Elle n'a été mise en place qu'en 2004 et a été reconnue à ce jour par 30 Etats sur les 55 que compte l’Union africaine. Dix Etats ont fait une déclaration de reconnaissance de compétence de la Cour à recevoir les requêtes des individus et des ONG. Mais trois ont déjà procédé au retrait de leur déclaration, le Bénin, la Tanzanie et le Rwanda (en 2016).
Le retrait par la Côte d'Ivoire de la reconnaissance de compétence prendra effet dans un an. Pour autant, le pays ne quitte pas la Cour.
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