Collège de France : leçon inaugurale de François-Xavier Fauvelle pour la première chaire permanente dédiée à l'Afrique
L'archéologue et historien avait été élu en novembre 2018 à la chaire "Histoire et archéologie des mondes africains".
Longtemps négligée, sinon niée, l'histoire ancienne de l'Afrique a résonné haut et fort, le 3 octobre 2019, dans l'enceinte du Collège de France. Pourtant, ce jour-là, on trouvait bien peu d'Africains dans l'amphithéâtre Marguerite de Navarre pour la leçon inaugurale donnée par François-Xavier Fauvelle, titulaire de la première chaire permanente dédiée à l'Afrique. "Il faut voir que la leçon a été retransmise en direct sur le site du collège, largement relayée par France 24 et RFI. Ce qui fait plusieurs milliers d'auditeurs putatifs", rétorque la vénérable institution, fondée en 1530 par François 1er. En clair, il y avait certainement parmi ces auditeurs nombre de représentants du continent.
"Docet omnia" (tout doit être enseigné, tout doit être connu) : telle est la devise (en latin) du Collège de France, a rappelé en préambule de la leçon l'administrateur de l'institution, Thomas Römer. "Or, en ce qui concerne le continent africain, cette devise n'a pas été beaucoup appliquée. Les raisons de cette négligence, voire de cet évitement, sont sans doute multiples. L'histoire coloniale de la France y est certainement pour quelque chose", a-t-il poursuivi... Dans ce contexte, "le temps perdu n'existe pas, mais il n'y a plus de temps à perdre", a déclaré lors de son introduction Patrick Boucheron, qui avait proposé la candidature de François-Xavier Fauvelle au Collège.
"La protection des ancêtres"
Un temps que contribue à rattraper François-Xavier Fauvelle, directeur de recherches au CNRS. Lequel entendait donner "une leçon d'histoire sous la protection incertaine des ancêtres". Comme au Mali, du temps du roi Moussa Soleiman au XIVe siècle, quand au cours d'une cérémonie, des personnages masqués venaient rappeler au souverain que d'autres étaient assis au même endroit avant lui et qu'on se souvenait de leurs actes...
"En 2007, à Dakar, un président de la République française déclarait que 'l'Homme africain n'(était) pas assez entré dans l'Histoire'. Beaucoup ont été scandalisés par ces propos, et avec raison. (...) Loin que l'Homme africain, avec un grand H, souffre d'un défaut d'Histoire, avec un grand H, ce sont plutôt nos sociétés contemporaines qui souffrent d'un déni de l'historicité des sociétés africaines", a observé d'entrée de jeu François-Xavier Fauvelle. Autrement dit, "s'il n'est jamais superflu de rappeler que les sociétés africaines sont faites de la même étoffe historique que toutes les sociétés, c'est parce que l'Afrique a vu sa coprésence au monde depuis longtemps méconnue". Méconnue et niée notamment en raison de "l'expérience de la traite par les esclaves africains (...), réduits à une condition de marchandises, victimes et instruments de la globalisation du monde".
"En avance sur l'Histoire"
Globalisation, un mot qui caractérise largement la société mondialisée d'aujourd'hui... "Suivons (le philosophe camerounais) Achille Mbembe quand il écrit que les expériences postcoloniales africaines devraient être le grand sujet d’observation de notre temps. Parce que ce qui s’y passe depuis la sortie de la 'grande nuit ' coloniale, les ratés politiques et les expériences sociales foisonnantes sont le laboratoire de notre avenir humain. Parce que l’Afrique n’est pas en panne d’Histoire, mais en avance sur l’Histoire", a poursuivi l'archéologue et historien.
François-Xavier Fauvelle, 51 ans, est instruit par une expérience impressionnante constituée d'années d'études et de fouilles archéologiques. Notamment sur les sultanats islamiques de l'époque médiévale en Ethiopie ou le site de la ville marocaine de Sijilmassa, l'une des portes du Sahara. Ou encore dans la partie australe du continent et dans la Corne de l'Afrique.
Dans sa conclusion, le titulaire de la nouvelle chaire a une nouvelle fois évoqué les "ancêtres" : "Pour leur faire remarquer que tout notre travail d'historiennes et d'historiens consiste en somme à les inviter dans le présent, pour leur faire comprendre que la connaissance que nous déployons à leur sujet, est le gage de notre reconnaissance à leur égard."
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