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Des larmes, du sang, du coltan: «Kivu», la BD choc de Van Hamme et Simon
Kivu, est de la République démocratique du Congo. Massacres, corruption, viols et richesses considérables. Telle est la toile de fond de «Kivu», une BD percutante, efficace et documentée qui raconte l’histoire d’un jeune cadre d’une multinationale qui plonge dans les horreurs de la région pour ramasser le coltan, le minerai indispensable à l’industrie électronique.
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La BD porte la marque de son scénariste, Jean Van Hamme, l’auteur belge (la Belgique était la puissance coloniale de la région) à succès du 9e art (XIII, Largo Winch ou des reprises de Blake et Mortimer) et est portée par la qualité des dessins élégants et réalistes de Christophe Simon (formé à l’école Alix de Jacques Martin). Et de l’élégance, il en faut pour accepter les horreurs qui défilent au long des pages.
L’histoire: un jeune ingénieur prometteur (il pourrait être belge comme Van Hamme qui était lui aussi ingénieur commercial dans sa jeunesse) est envoyé par sa multinationale au Kivu pour s’assurer que le ramassage du coltan, la matière première qui permet aux ordinateurs et téléphones portables de mieux fonctionner, se passe bien après la mort dramatique de son représentant sur place.
Et ce minerai a l'odeur de la mort puisque ce sont des milices sanguinaires qui contrôlent la région, loin du pouvoir central. Ces milices ont transformé la population locale en esclaves en les terrorisant (destruction des villages, pillages, enlèvement, viols… travail forcé) et vendent les richesses aux multinationales via les pays voisins, notamment le Rwanda.
Notre jeune ingénieur se trouve vite confronté à la réalité du terrain et aux drames humains qui entourent ce juteux business. Sur sa route, il croise une série de personnages qui lui font vivre les horreurs locales: la jeune Violette qui a échappé au massacre de son village, Peter de Bruyne, ancien mercenaire toujours cynique qui, par nature, se vend au plus offrant, mais aussi des seconds rôles attachants comme le personnel de son hôtel, sans compter – et là on quitte la pure fiction – les médecins de l’hôpital Panzi et son charismatique médecin, le docteur Mukwege.
La BD est inspirée par l’histoire de ce médecin, Denis Mukwege, popularisé par la journaliste belge spécialiste de l’Afrique, Colette Braeckman. C’est d'ailleurs elle qui signe la préface de l’album, resituant l'histoire dans son cadre géopolitique. «C’est depuis la fin du XIXe siècle que le Congo, découvert par Stanley et devenu la propriété personnelle de Léopold II, enflamme les imaginations des romanciers et suscite l’indignation de tous ceux qui approchent ce pays parfois surnommé l’"Empire du silence" tant les crimes qui s’y commettent sont dissimulés voire niés par leurs protagonistes.»
Elle retrace l’histoire d’un pays à la richesse immense, fournisseur de matières premières au monde entier, sans en tirer les bénéfices en raison d’un Etat «volontairement maintenu dans une situation de cupidité et de faiblesse». Et dans ce pays immense, le Kivu connaît un sort particulier. Gorgé de minerais en tout genre, ce territoire totalement déstabilisé par les guerres de ses voisins, le Rwanda notamment, est livré aux seigneurs de la guerre qui vivent du trafic de ses richeses.
L'album témoigne, mais c'est d'abord une histoire habilement menée. Van Hamme et Simon (qui s'est rendu sur place) tissent de façon efficace et brutale le portrait en rouge (le sang) et vert (la jungle) d'une région où se mêlent violences des hommes et intérêts économiques. Un zoom utile et prenant sur le Kivu où plus de 20 ans de guerre auraient fait, selon certaines sources, environ 6 millions de morts.
«Kivu»
de Jean Van Hamme et Christophe Simon
72 pages, 14,99 euros
Le Lombard Editions
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