Dans le livre "Villes-paysages du Maroc: Rabat, Marrakech, Meknès, Fès, Casablanca" (La Découverte), signé Mounia Bennani, se côtoient d’innombrables plans historiques, dessins et photographies d'un incomparable patimoine.
Cette iconographie exceptionnelle accompagnée d’un texte érudit, lève le voile sur ce patrimoine végétal qui marquera définitivement l’urbanisme et le paysage du royaume chérifien.
A la fin du XIXe siècle, l’Américain Frederick Law Olmsted, les Britanniques Ebenezer Howard et Raymond Unwin ou le Français Tony Garnier sont des pionniers. Architectes et paysagistes, ils sont les premiers à avoir pensé l’aménagement moderne des grandes villes en y incluant la nature. Et comment imbriquer parcs, ceintures de verdure, jardins et espaces vides au cœur et autour des villes.
Entre 1912 et 1956, le Maroc est alors sous protectorat français. "Les colonies vont apparaître comme des laboratoires d’expérimentation privilégiés (…) et l’occasion pour la France de mettre en pratique les plans d’aménagement et le concept de système de parcs restés sans application en métropole."
C’est dans ce contexte que les plans vont être pensés pour l’aménagement et l’extension des villes. L’urbanisme végétal est au cœur de la réflexion des principaux artisans dans la création des villes-paysages marocaines. Celles-ci doivent être modernes, aérées, où une nature domptée et un art des jardins tiennent un rôle primordial.
L’urbaniste et paysagiste français, Jean Claude Nicolas Forestier (1861-1930), théorisa le concept de système de parcs au sein des villes en 1906. Puis en 1913, au terme de sa mission, il proposa à Hubert Lyautey (1854-1934), premier résident général du protectorat français au Maroc, de faire appel à l’architecte et urbaniste Henri Prost (1874-1959) pour concevoir les plans d’aménagement des nouvelles villes et mettre en œuvre ses concepts de planification paysagère.
Pour Lyautey, la colonisation algérienne est synonyme d’asservissement et d’humiliation, "le musée des horreurs, le modèle à ne pas suivre".
"Avec le protectorat marocain, il allait faire naître un ‘’contre-modèle français original’’ et construire ainsi une nouvelle image de l’œuvre coloniale." C’était d’abord "une œuvre de pacification, celle qui crée, qui développe, celle qui humanise, autrement dit une œuvre constructrice et non destructrice. (…) Au Maroc, les concepteurs cherchent davantage à créer des jardins qui reflètent non plus comme dans les autres colonies le pouvoir colonial – sauf dans le cas particulier de Rabat –, mais la modernité et le progrès ancrés dans la tradition."
Un siècle après sa création, ce patrimoine végétal urbain représente un héritage culturel extraordinaire et suscite un intérêt croissant des autorités, des habitants et des touristes. Nombre de ces réalisations sont classées comme monuments historiques.
Mais l’auteur Mounia Bennani ajoute: "On doit (aussi) prendre en compte tous les espaces non construits que la ville ne cesse de convoiter, notamment les forêts, les bois, les vallées, les points de vue remarquables, les places, les ronds-points, ainsi que l’ensemble des réserves d’espaces libres et tous les vides qui assurent la lisibilité du paysage urbain. Ce sont ces espaces et ces grands vides qui font aujourd’hui la beauté et l’identité de chacune de nos villes marocaines. Notre devoir est de les préserver et de les pérenniser pour le bien des générations futures."
Diplômée de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Mounia Bennani a fondé à Rabat en 2006 sa propre agence MBpaysage. Elle milite en faveur d’espaces publics de qualité et pour l’amélioration du cadre de vie au Maroc et a fondé, en décembre 2010, l’Association des architectes-paysagistes du Maroc, première association regroupant les professionnels de l’architecture du paysage au Maghreb, reconnue par l’IFLA (International Federation of Landscape Architects).
Franceinfo Afrique vous propose de découvrir en 15 photos quelques extraits de ce livre.
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